L’athlétisme tient son grand rassemblement mondial à Tokyo dès le 13 septembre. L’occasion de constater que la piste regorge de noms qui récoltent des médailles et charrient de belles histoires.
1. Noah Lyles
Certains disent que Noah Lyles est une bénédiction pour l’athlétisme. Avec ses célébrations exubérantes, ses pas de danse, ses ongles colorés, son album de rap et ses défilés de mode, il a tout d’une star. Pour ses détracteurs, en revanche, l’Américain est arrogant, suffisant et vantard, dépourvu du charisme naturel d’Usain Bolt.
Il a pourtant aussi un côté modeste. Il a parlé ouvertement de son asthme et de sa dyslexie, ainsi que des dépressions qu’il a surmontées grâce à la thérapie et à la peinture. De plus, Lyles peut étayer ses exubérances par des résultats: triple champion du monde du 200 mètres, champion olympique en titre et champion du monde du 100 mètres, privé du titre sur le 200 (sa distance de prédilection) par une infection au Covid avant la finale.
Il pourra toutefois marquer l’histoire à Tokyo s’il remporte le demi-tour de piste, enchaînant comme Bolt un quatrième titre mondial de rang sur la distance. La concurrence sera plus rude pour prolonger son règne sur 100 mètres. Lyles devra affronter les Jamaïcains Oblique Seville et Kishane Thompson, qui l’ont battu à plusieurs reprises cet été grâce à leur départ plus rapide.
S’il empoche à nouveau un ou deux titres mondiaux, Noah Lyles rejoindra définitivement les plus grands sprinteurs de tous les temps. Il n’y aura sans doute plus grand monde pour le trouver arrogant.
2. Armand «Mondo» Duplantis
Ceux qui étaient présents lors de cette chaude soirée d’été au Stade de France, à Paris, ne l’oublieront jamais: Armand Duplantis est devenu champion olympique avec un saut synonyme de record du monde, à 6,25 mètres. Pour le Suédois, c’était juste une étape supplémentaire d’une longue série. Vingt jours plus tard, il sautait déjà un centimètre plus haut en Pologne. Cette année, il a encore amélioré le record à trois reprises, à Clermont-Ferrand, Stockholm et Budapest. Cela lui a rapporté à chaque fois une prime de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Personne ne serait surpris si Duplantis franchissait la barre magique des 6,30 mètres aux championnats du monde à Tokyo.
Les chiffres de sa domination dans le saut à la perche sont stupéfiants. Il a remporté 39 compétitions d’affilée et détient les treize meilleurs sauts de tous les temps. La marque actuelle de «Mondo» est placée quatorze centimètres plus haut que la meilleure performance du légendaire Sergueï Bubka.
Le plus fou, c’est que Duplantis n’a que 25 ans et est encore loin de ses limites. Sans blessure, les records devraient continuer de tomber.
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3. Faith Kipyegon
Dans le cadre d’un projet Breaking4 de Nike, Faith Kipyegon voulait devenir en juin dernier la première femme à courir le mile en moins de quatre minutes. Elle s’est arrêtée à 4:06.42, un temps plus rapide que son propre record du monde, mais non homologué en raison des circonstances.
La Kenyane reste toutefois la meilleure athlète de tous les temps sur 1.500 mètres. Elle a remporté l’or olympique en 2016, 2021 et 2024, a été trois fois championne du monde et a battu trois fois le record du monde, la dernière fois début juillet à Eugene, aux Etats-Unis. A Tokyo, Kipyegon défendra ses titres mondiaux sur 1.500 et 5.000 mètres. Si elle réalise à nouveau le doublé, elle deviendra la première femme à réussir cet exploit à deux reprises.
L’histoire de Kipyegon a commencé dans la vallée du Rift, berceau des champions kenyans. Enfant, elle parcourait cinq kilomètres pieds nus pour se rendre à l’école. En 2018, elle est devenue mère d’une petite fille, Alyn. Cela n’a pas signifié la fin de sa carrière: elle est revenue encore plus forte et a remporté une nouvelle médaille d’or olympique en 2021. Depuis, sa fille est la plus grande source d’inspiration de Kipyegon. Elle porte un bracelet avec le nom d’Alyn et parle ouvertement de la façon dont elle concilie maternité et sport de haut niveau.
Pour l’équipe belge, Nafi Thiam sera très certainement la seule chance de médaille.
4. Sydney McLaughlin-Levrone
Lorsque Sydney McLaughlin-Levrone a remporté la médaille d’or olympique du 400 mètres haies à Paris l’an dernier et décroché un fabuleux record du monde, elle avait le sentiment d’avoir tout accompli. Avec deux médailles d’or olympiques et un titre mondial (2022) à son actif, elle a finalement décidé de se tourner vers le 400 mètres plat. La distance exige vitesse et endurance pures. Son objectif: se mesurer à de nouvelles adversaires et éviter les blessures – l’effort plus intense requis par le 400 mètres haies lui causait des problèmes aux ischio-jambiers.
Selon son entraîneur Bobby Kersee, McLaughlin-Levrone a le potentiel pour battre le record mondial controversé de Marita Koch (47.60 en 1985). Avec un record personnel à 48.74 (2023), elle est déjà la deuxième Américaine la plus rapide de tous les temps. Toutefois, elle ne domine pas autant que sur les haies. En 2025, Marileidy Paulino et Salwa Eid Naser (médaille d’or et d’argent à Paris) ont couru plus vite. Elle devra améliorer son record pour les battre. Si elle y parvient, McLaughlin-Levrone deviendra la première athlète, homme ou femme, à remporter des titres mondiaux à la fois sur 400 mètres plat et 400 mètres haies.
5. Nafi Thiam
Pendant près d’un an, Nafi Thiam n’a participé à aucune compétition. Elle n’a pas non plus accordé d’interviews. Les spéculations sont allées bon train: était-elle gravement blessée? Selon ses propres dires, elle avait simplement besoin de repos physique et mental après une année olympique éprouvante. Début août, la Liégeoise a repris la compétition. Elle n’a pas approché ses records personnels, mais la triple championne olympique les a souvent réservés dans le passé pour les championnats.
Néanmoins, Thiam ne sera pas favorite. Cette année, à Götzis, en Autriche, l’Américaine Anna Hall est devenue la cinquième athlète de l’histoire à dépasser les 7.000 points à l’heptathlon: 7.032, soit 19 points de mieux que le record personnel établi par Thiam en 2017. Si elle approche ou dépasse à nouveau la barre des 7.000 points, les chances de la Belge de remporter un troisième titre mondial seront minces.
Sans blessure, la médaille d’argent semble en revanche déjà assurée pour Nafi. En l’absence de Noor Vidts (médaille de bronze à Paris), aucune autre heptathlonienne ne peut rivaliser avec Hall et Thiam. Pour l’équipe belge, ce sera très certainement la seule médaille à Tokyo, à moins que les Belgian Tornados ne se surpassent une nouvelle fois.
Chaque saut de l’ukrainienne Yaroslava Mahuchikh est une protestation.
6. Cooper Lutkenhaus
Le nouveau phénomène de l’athlétisme américain, c’est lui. Lors des championnats américains à Eugene, ce Texan de 16 ans a terminé deuxième du 800 mètres en 1:42.27, trois secondes plus vite que son record personnel. Cooper Lutkenhaus a ainsi pulvérisé le record du monde dans la catégorie U18. Il s’agit de la meilleure performance jamais réalisée par un athlète de 16 ans, toutes disciplines confondues. De quoi le placer à la sixième place des meilleurs temps de l’année, et dans le Top 20 de toute l’histoire de l’athlétisme.
Au départ, Lutkenhaus voulait jouer au basket, jusqu’à ce qu’un entraîneur découvre son endurance exceptionnelle. A 14 ans, il a battu des records scolaires et a choisi la course à pied. Deux ans plus tard, il devient le plus jeune participant américain à un championnat du monde d’athlétisme. Tout ça avec un look improbable, bandeau inspiré du personnage de manga Naruto sur le front, et l’objectif d’une médaille mondiale, ce qui serait une première dans l’athlétisme masculin pour un ado de son âge.
Lutkenhaus s’entraîne encore pourtant relativement peu, et n’a pas spécialement prévu de changer. Malgré la proposition de contrat de professionnel par Nike et la perspective d’une médaille mondiale, il continue à vivre chez ses parents et à suivre les cours à la Northwest High School de Justin, au Texas.
7. Yaroslava Mahuchikh
En temps de guerre, Yaroslava Mahuchikh est une figure de proue du sport ukrainien. La sauteuse en hauteur est championne d’Europe, du monde et olympique en titre. L’année dernière, lors d’un meeting à Paris, elle a même battu le record du monde (2,10 mètres) détenu depuis 37 ans par Stefka Kostadinova.
Depuis l’invasion russe dans sa ville natale de Dnipro, Mahuchikh est devenue un symbole de résilience. Des images de ses entraînements dans des parkings souterrains ont fait le tour du monde. «Chaque saut était une protestation», a-t-elle déclaré. Elle s’engage en faveur des réfugiés, fait don de ses gains à des projets humanitaires, rend visite à des soldats blessés et a collecté des fonds pour la reconstruction d’une école grâce à des actions caritatives.
Créative, Mahuchikh peint et porte souvent des vêtements ornés de tournesols, en hommage à l’Ukraine. Lors de son record du monde à Paris en 2024, celle qui s’entraîne parfois en Belgique (à Heusden-Zolder) portait un tee-shirt à motif floral. Comme pour mieux se préparer à recevoir le bouquet des vainqueurs.