Koen Naert n’est pas seulement champion d’Europe du marathon. Le Belge est aussi infirmier et rêve d’une révolution des soins de santé axée sur la prévention.
«Un infirmier sur la ligne de départ.» C’est ainsi que l’on peut traduire Nurse at the Startline, le titre du documentaire de 45 minutes qui sera diffusé sur YouTube le 15 octobre. Trois quarts d’heure qui mettent en lumière Koen Naert, infirmier dans le civil mais passé à la postérité de son sport depuis qu’il en est devenu le champion d’Europe dans les rues de Berlin en août 2018. A la demande d’Asics, son principal sponsor, la maison de production Meta Endurance, spécialisée dans les contenus liés à la course à pied, a suivi le marathonien belge pendant sa préparation aux derniers Championnats du monde à Tokyo, jusqu’à la course même. Le film met en lumière sa philosophie de vie et son parcours personnel, avec des images d’archives uniques.
«Ils m’ont choisi parce qu’en tant qu’infirmier, je souhaite apporter quelque chose à la société, y compris à travers la course à pied», justifie Koen Naert. Le documentaire montre comment il concilie sa passion pour les soins infirmiers avec sa discipline sportive, sa famille et ses études, ce qui n’est pas évident pour un athlète de haut niveau. Même s’il est passé maître dans l’art de la planification. «Mes journées sont soigneusement organisées: deux heures d’entraînement le matin, une heure l’après-midi; le reste du temps est consacré aux études et à la famille. Mes parents et beaux-parents nous aident quand c’est nécessaire, mais ma femme et moi n’avons pas une vie sociale très active. C’est un choix. Nous consacrons le temps dont nous disposons l’un à l’autre et à nos enfants.»
Jusqu’il y a peu, le marathonien planifiait tout à l’extrême, à cinq minutes près. «Depuis 2013, j’enregistre tous mes entraînements dans un fichier Excel, j’y joins des détails sur mon état de forme et tous mes paramètres physiques.» L’arrivée des enfants et la pandémie de Covid l’ont contraint à plus de flexibilité. «Avant, je paniquais si mon programme changeait. Aujourd’hui, je m’accorde un jour de repos si c’est nécessaire. Cela m’apporte de la tranquillité d’esprit. Avec des enfants, il faut être plus souple. Un fils malade ou un rendez-vous chez le dentiste bouleverse l’agenda. J’ai appris à l’accepter.»
La méditation l’aide également dans cette démarche. Deux fois par jour pendant 20 minutes et ce, depuis treize ans, Koen Naert pratique la méditation transcendantale: «Avec un mantra, vous mettez votre système nerveux dans un état de profonde tranquillité. Ça aide à mieux récupérer, à réduire le stress et à créer un état mental lucide. Depuis que j’ai commencé, je n’ai pas manqué un seul jour.»
Entraîné à aller jusqu’au bout
Ces rituels l’aident à surmonter les déceptions, comme lors des derniers Championnats du monde à Tokyo. Après 20 kilomètres, l’athlète a dû faire face à une déchirure du mollet, un claquage. «J’aurais pu abandonner, mais j’ai changé d’approche: j’ai adapté ma foulée et j’ai même réussi à dépasser de nombreux athlètes en fin de course. Si j’ai pu le faire, c’est parce que j’ai entraîné mon corps et mon esprit pendant des années à aller jusqu’au bout.»
Cette capacité lui a été déjà bien utile aux Jeux olympiques de Paris, en 2024, où il s’est senti mal dès le début: «Peut-être avais-je contracté une infection. Là encore, la solution la plus simple aurait été d’abandonner. Mais je me suis dit « bon sang, je n’ai jamais abandonné de ma vie ». Si vous vous cassez le pied et que vous ne pouvez plus courir, c’est différent. Là, je voulais aussi montrer à mes enfants et aux jeunes en général qu’il faut persévérer, même si tout ne se passe pas comme prévu.»
«Ma mission dans la vie n’est pas de courir, mais de prendre soin des autres.»
Autre leçon tirée de sa carrière de marathonien: ne pas consacrer toute son existence au sport de haut niveau. «Je me donne à 110% pour mon sport, mais si je ne faisais que courir, je ne serais pas heureux.» Et le marathonien de faire référence au cycliste Arnaud De Lie qui a pu surmonter une dépression en passant du temps dans l’exploitation agricole familiale, au milieu des animaux. L’immense pression qui pèse sur les jeunes sportifs inquiète d’ailleurs Koen Naert: «Ils doivent se lancer très tôt pour être remarqués. Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir le temps de mûrir. Aujourd’hui, le niveau est si élevé que les jeunes doivent déjà tout donner à 16 ans. Ils risquent beaucoup plus un burnout.»
Le champion d’Europe 2018 se change non seulement les idées auprès de sa famille, mais également en continuant à se former. «En tant que coureur de fond, je m’entraîne souvent seul. Or, j’aime aussi être entouré, avoue-t-il. J’avais besoin d’un petit plus.» Cette quête l’a conduit au début des années 2000 vers les soins infirmiers, une vocation découverte grâce à sa belle-famille. «Enfant, je n’aimais pas étudier. Mais dès l’entame du cursus d’infirmier, j’ai eu l’impression de pratiquer un hobby. Ça m’intéressait vraiment.»
Le rêve des fonds de santé
Après sa formation de base, Koen Naert a travaillé pendant six ans au centre des grands brûlés de Neder-Over-Heembeek (2010-2015), puis il a enchaîné avec une spécialisation en soins des plaies et en éducation au diabète. Cette dernière formation lui a particulièrement ouvert les yeux: «J’ai vu à quel point le diabète peut entièrement gérer la vie d’une personne. Ça a éveillé mon intérêt pour les soins de santé préventifs.» Au point de devenir une véritable passion, qu’il a approfondie grâce à un master en promotion de la santé à l’UGent (2020-2024). «Il ne s’agit pas seulement de régimes alimentaires ou d’arrêter de fumer, mais aussi de changements sociaux: comment faire en sorte que le moins de gens possible soient hospitalisés pour des maladies chroniques?»
Il rêve ainsi de la mise en place d’un système dans lequel les mutuelles évolueraient en fonds de santé accompagnant la population à privilégier un mode de vie sain. «Ceux qui font des efforts pour rester en bonne santé, par exemple en s’inscrivant à un club de sport ou en adoptant des habitudes saines, pourraient bénéficier d’un remboursement plus élevé et être ainsi récompensés.» Il en est convancu, un changement structurel est nécessaire.
La loi du 80/20
Pour lui, la prévention commence dès le plus jeune âge. «Il est plus difficile de changer le mode de vie des adultes de 40 ou 50 ans. En revanche, les habitudes saines s’ancrent si on les adopte dès le plus jeune âge.» Koen Naert applique ce principe avec sa famille: «Mes enfants ont le droit de manger des sucreries, mais avec modération. Il s’agit de créer des habitudes, pas d’interdire; 80% de santé, 20% de plaisir.»
Son fils Finn porte une montre connectée pour suivre son rythme de sommeil, une façon ludique de le sensibiliser à la santé. «Les parents jouent un rôle crucial. Les enfants copient ce qu’ils voient. Si papa et maman boivent toujours de l’eau plutôt que du coca, ils suivront leur exemple.»
Les habitudes culturelles qui normalisent une alimentation malsaine déplaisent forcément à l’athlète. Comme toujours boire de l’alcool ou manger des frites lorsqu’il y a quelque chose à fêter. «Pourquoi ne pas le faire avec quelque chose de sain?» Il ne veut toutefois pas devenir un gourou de la santé qui interdit tout. «Mon père a appris qu’il devait modifier ses habitudes alimentaires. Je lui ai dit: « Ça ne veut pas dire que tu ne peux plus jamais manger de viande hachée, mais remplace-la parfois par du poulet. Ou va faire du vélo, au lieu de rester assis toute la journée dans ton fauteuil. » Ce sont des petits pas.» Une vision acquise au fil de sa carrière sportive: «Mieux je prends soin de moi, meilleures sont mes performances. Je veux partager prise de conscience.» Il souligne l’importance du sommeil, le sujet de son mémoire de master. «Si vous passez trois heures devant la télévision chaque soir au lieu de dormir, vous entrez alors dans un cercle vicieux.»

Un engagement hors des pistes
La passion de Koen Naert pour les soins est également étroitement liée à son engagement social. Lorsqu’il a entendu à la radio, en mars 2016, que des attentats avaient été perpétrés à Brussels Airport et à la station de métro Maelbeek, il a immédiatement annulé un rendez-vous et s’est présenté chez son ancien employeur à l’hôpital de Neder-Over-Heembeek pour apporter son aide.
Avec son thérapeute Leo Wouters, il a également fondé l’ONG Durable Sustainable Initiatives, Kenya, un pays où il se rend régulièrement pour s’entraîner. «Tout a commencé par un projet à petite échelle axé sur les soins et la prévention des brûlures. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur l’utilisation optimale des éléments naturels –la terre, l’eau, le soleil– pour les générations actuelles et futures au Kenya.»
«C’est chez les plus jeunes que réside le plus grand potentiel de changement.»
Koen Naert s’est également engagé dans sa commune d’Oostkamp, en Flandre-Occidentale. L’année dernière, il a été élu conseiller communal (CD&V). Il est également parrain de la Ligue contre le diabète et membre de la Commission des athlètes du COIB. Le champion, lui, réfléchit déjà à l’après-carrière: «Depuis toujours, j’aime travailler avec les enfants. C’est chez eux que réside le plus grand potentiel de changement.»
Son but ultime? Exercer un métier qui lui permette de combiner son expérience d’athlète et ses connaissances en matière de promotion de la santé. «Ma mission dans la vie n’est pas de courir, mais de prendre soin des autres. Je veux motiver les gens à faire de l’exercice, à investir dans leur santé. Avec de l’argent, mais aussi avec du temps et de l’attention. Si l’on se sent bien, mentalement et physiquement, les résultats suivent naturellement.»