L’athlète multiplie les chronos qui augurent une nouvelle étoile. © Getty Images

Il s’appelle Gout Gout et est déjà l’ado le plus rapide de l’histoire: peut-il casser les records d’Usain Bolt?

Gout Gout n’a pas encore 18 ans, et est déjà le nouveau phénomène du sprint mondial. Sera-t-il l’homme qui courraplus vite que la légende Usain Bolt?

Les premières foulées ne laissent pas présager d’un tel dénouement. Il faut attendre la sortie du virage de ce 200 mètres pour qu’on écarquille les yeux, pour ensuite se demander si tout ça était bien réel. Il n’a que 16 ans, mais a déjà un nom fait pour marquer les esprits. Gout Gout déploie les longues foulées de son mètre 96 pour gommer ses adversaires, et passer la ligne d’arrivée en un peu plus de 20 secondes.

Précisément, 20.04. Soit deux centièmes de mieux que le record réalisé par Peter Norman en 1968, lors des Jeux olympiques de Mexico, et qui était encore, plus d’un demi-siècle plus tard, la référence en Australie. Cette année-là, Norman était passé à la postérité bien malgré lui. Médaillé d’argent du 200 mètres olympique, il était aussi l’acteur passif d’une photo légendaire sur laquelle les Américains Tommie Smith et John Carlos lèvent un point ganté lors de leur hymne national pour protester contre la condition de leurs semblables aux Etats-Unis. Pour effacer Peter Norman des tablettes, il valait mieux ne pas être n’importe qui.

Gout Gout semble justement particulièrement bien armé pour marquer l’histoire de son sport. Ses interminables foulées rappellent inévitablement celles d’Usain Bolt, et ses chronos accentuent le parallèle. A 16 ans, le roi du sprint jamaïcain courait en 20.13, soit neuf centièmes moins vite que la nouvelle bombe australienne. Une aubaine pour une discipline qui attend depuis près d’une décennie un challenger à la hauteur des temps hors norme de Bolt.

Homologués ou non, ces chronos restent impressionnants pour un coureur de cet âge.

Chronos impressionnants

Le battage médiatique est né, et ne demande qu’à s’amplifier. Gout Gout aligne des chronos qui galvanisent ceux qui rêvent d’une nouvelle étoile. En avril dernier, quelques mois après avoir fêté ses 17 ans, il court encore plus vite à l’occasion des championnats d’Australie à Perth: 19.84 secondes, soit sept centièmes de mieux que le meilleur temps enregistré par Usain Bolt sur 200 mètres avant son vingtième anniversaire (19.93). Un vent de dos légèrement trop puissant empêche cependant sa performance d’être officiellement homologuée. Ses 9.99 secondes sur le 100 mètres héritent du même sort, le privant d’un premier passage officiel sous la barre mythique des dix secondes.

Homologués ou non, ces chronos restent impressionnants pour un coureur de cet âge. Surtout que la marge de progression de Gout est importante. Son style de course est encore trop chaotique, et son départ reste largement perfectible. Ce n’est que lorsqu’il se met en action qu’il peut atteindre sa vitesse maximale de plus de 40 kilomètres par heure. Il y parvient grâce à une longueur de foulée de 2,89 mètres, similaire à celle d’Usain Bolt. Son entraîneur Di Sheppard travaille dur avec lui pour rendre ses premiers pas et son style plus efficaces.

Actuellement, le jeu des comparaisons s’arrête là. Sebastian Coe, président de la fédération mondiale d’athlétisme, a déjà mis en garde contre les attentes excessives à l’égard de celui qui n’est encore qu’un adolescent. Après tout, les records du monde d’Usain Bolt (9.58 sur 100 mètres, 19.19 sur 200) sont encore loin. Comme s’il fallait éviter un parallélisme trop important, l’Australien court d’ailleurs sous l’enseigne d’Adidas, se distinguant d’un prestigieux aîné historiquement lié à Puma.

Gout pour Guot

L’histoire de Gout Gout est particulière, à l’image d’un nom qui ne ressemble à aucun autre. Ses parents, Bona et Monica, ont fui le Soudan du Sud et sa guerre civile pour se réfugier en Australie. Gout y est né en 2007 à Ipswich, à l’est de l’île, au sein d’une famille de sept enfants.

En réalité, il s’appelle Guot Guot, prononcé «Gwot». Lors de la fuite de leur terre natale, les parents ont été victimes d’une erreur de retranscription commise par les services migratoires égyptiens, première étape de leur périple. Si son père aimerait corriger cette anomalie orthographique, il se dit que le jeune coureur y tient, considérant ce nom comme un symbole de sa trajectoire exceptionnelle.  

Les exploits familiaux auraient toutefois pu émerger avant lui. Au Soudan, on considérait le jeune Bona, père de Gout, comme un coureur à pied très talentueux. La guerre et le manque de ressources l’ont empêché d’atteindre tout son potentiel, reportant probablement les retombées génétiques d’une génération. Dans le quartier de Melbourne où ont grandi leurs enfants, Bona et Monica disent avoir sans cesse insisté sur la discipline, la résilience et la fierté des racines sud-soudanaises comme piliers de l’éducation familiale.

Un phénomène à Ostrava

Gout a ainsi commencé l’athlétisme à l’âge de 12 ans, en 2019. Il a été encouragé par son frère aîné Deng, qui participait à des compétitions locales à l’école. Au départ, Gout était plus intéressé par le basket-ball en raison de sa taille. Mais sa rapidité sur le terrain a attiré l’attention d’un entraîneur d’athlétisme local.

Inscrit à des compétitions scolaires à Melbourne, le jeune homme est très rapidement remarqué grâce à une exceptionnelle longueur de foulée couplée à une explosivité inattendue pour sa taille. Le coach Di Sheppard le prend sous son aile en 2021, et à ses 14 ans, Gout entame un entraînement spécifique qui lui apprend à tirer le meilleur de ses exceptionnelles. En trois ans, le sprinteur prometteur est déjà devenu un phénomène.

L’Europe l’attend avec impatience. Elle découvrira le nouvel extraterrestre du sprint à l’occasion du meeting d’Ostrava, le 24 juin. Là, la trajectoire rejoint celle d’Usain Bolt. C’est effectivement sur le sol tchèque qu’en 2004, un grand sprinteur de 17 ans venu de l’autre côté de l’Atlantique aurait dû déployer ses premières foulées européennes. Une blessure avait empêché celui qu’on allait surnommer «La Foudre» de participer, mais pas de poser sa marque sur 200 mètres à 19.93 secondes au bout de cette année 2004, une référence exceptionnelle pour un adolescent. Gout Gout, lui, a déjà un autre temps en tête: celui de 19.83, record du meeting d’Ostrava. Détenu, depuis 2008, par Usain Bolt, évidemment.

S’il parvient à faire mieux, même Sebastian Coe ne pourra plus éviter les comparaisons.

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