Nafi Thiam
Nafissatou Thiam n’a pas pu briller aux Championnats du monde, marquée par son conflit avec Belgian Athletics. © BELGA MAG/AFP via Getty Images

Affaire Thiam: «Nafi n’est pas une diva, mais…»

Le management de Nafi Thiam prend sa défense dans le conflit qui l’a opposée à Belgian Athletics en marge des Mondiaux d’athlétisme. La Belge aurait-elle dû bénéficier d’un traitement de faveur, parce qu’elle n’est incontestablement pas une athlète comme les autres?

C’était le feuilleton des Mondiaux d’athlétisme, conclu par l’abandon et les larmes de Nafissatou Thiam. Tout est parti d’un conflit avec Belgian Athletics au sujet du code de conduite, que la triple championne olympique a refusé de signer en amont de la compétition, risquant même d’être interdite de faire le voyage jusqu’à Tokyo.

«La fédération revendique des droits qu’elle n’a pas», explique Kim Vanderlinden. Avec Helena Van der Plaetsen, elle dirige We Are Many, l’agence de gestion de carrières qui s’occupe des intérêts de Nafi Thiam. Une fonction que le duo exerce d’une main de fer, incarnée par ce clash sorti dans la presse à l’initiative de la championne en amont des Mondiaux. Kim Vanderlinden raconte ces semaines de tumulte qui ont abouti à la plus grande désillusion de la carrière de la championne namuroise.

En quoi le code de conduite de Belgian Athletics pose-t-il problème, notamment en ce qui concerne les contrats de Nafi avec Nike et AXA?

Le code de conduite est juridiquement problématique et illégal. La fédération oblige les athlètes à conclure des accords qui entrent en conflit avec leurs contrats de sponsoring personnels, comme ceux de Nafi avec Nike et AXA. Ceux-ci sont en vigueur depuis des années. La fédération se rend ainsi complice d’une éventuelle rupture de contrat, car elle a elle-même conclu des accords avec Allianz et Asics qui sont à l’origine de ces conflits.

Vous critiquez surtout les droits à l’image dans le code de conduite. Celui-ci stipule que les partenaires de Belgian Athletics peuvent publier une «photo de félicitations» lorsqu’une médaille est remportée et que les athlètes ne peuvent promouvoir aucune autre marque sur les réseaux sociaux pendant un championnat. Pourquoi est-ce illégal selon vous?

L’interdiction de promouvoir des sponsors personnels pendant les périodes de championnat pose problème. C’est justement à ce moment-là que la visibilité des athlètes et de leurs partenaires est la plus grande. Le code prive les athlètes de sources de revenus cruciales en revendiquant des droits pour les partenaires de la fédération. Belgian Athletics revendique des droits qu’elle n’a pas, ce qui nuit aux opportunités commerciales des athlètes.

De plus, la fédération lie la participation aux championnats à la cession de ces droits commerciaux. Cela n’est pas non plus juridiquement défendable. Le code est en outre valable pendant quatre ans, jusqu’en 2028, ce qui est exceptionnellement long. A titre de comparaison, l’accord avec les athlètes de World Athletics ne s’applique que pendant le championnat. Belgian Athletics revendique également des droits pour les périodes précédant les compétitions, les événements promotionnels, les entraînements et les moments médiatiques. Cela va au-delà des normes internationales, telles que la «règle 40» du CIO ou les accords avec le COIB.

En quoi le code de conduite de Belgian Athletics diffère-t-il de la règle 40 du CIO ou des accords conclus avec le COIB, que vous avez signés?

La règle 40 du CIO a déjà été déclarée illégale dans plusieurs pays (NDLR: en Allemagne) et a ensuite été modifiée. Même cette règle 40 est plus souple que le code de conduite de Belgian Athletics. Des consultations respectueuses ont eu lieu en temps utile avec le COIB, ce qui a abouti à un document acceptable pour Nafi. Je ne peux pas donner plus de détails à ce sujet. Belgian Athletics, en revanche, ne protège pas les droits des sponsors personnels des athlètes, ce qui fait une grande différence.

Pourquoi la signature du code de conduite entraînerait-elle une rupture de contrat avec Nike et AXA? Est-ce stipulé dans les contrats?

En effet. De plus, un document valable quatre ans donne à la fédération la possibilité d’attirer de nouveaux sponsors dans des secteurs qui sont en concurrence directe avec les sponsors des athlètes. Cela désavantage encore plus les athlètes.

Le code de conduite s’applique à tous les athlètes belges. Pourquoi Nafi Thiam refuse-t-elle de le signer?

Les règles doivent être les mêmes pour tous, mais Nafi se démarque largement des autres sur le plan commercial. En défendant ses intérêts, elle protège également ceux d’autres athlètes disposant de moins de moyens.

Pourquoi Alexander Doom et Noor Vidts, qui travaillent également avec Nike, ont-ils signé le code?

Il faut leur poser la question. Nous représentons Nafi, et elle était notre seule cliente à ce championnat pour lequel le code était pertinent. Nous savons d’ailleurs que tous les athlètes belges n’ont pas signé.

Belgian Athletics nie catégoriquement cette affirmation. Ils disent que tous les participants aux Championnats du monde ont signé.

Selon nous, ce n’est pas vrai. Sur les réseaux sociaux, nous constatons que certains athlètes, même après avoir signé, ne respectent pas les règles. Seule Nafi en subit les conséquences. Mais cela n’a aucune importance. L’essentiel reste que le code de conduite n’est pas juridiquement valable.

Dans d’autres pays également, les athlètes sont soumis à des codes de conduite similaires imposés par leurs fédérations. Des stars américaines telles que Noah Lyles (sponsorisé par Adidas) et Sydney McLaughlin-Levrone (par New Balance) n’y voient aucun inconvénient, bien que l’équipe américaine travaille avec Nike.

C’est leur droit. Nous ne pouvons pas parler en leur nom et nous ne connaissons pas exactement la situation ailleurs. Mais ce n’est pas parce que d’autres signent éventuellement un document illégal que Nafi doit renoncer à ses droits.

Au-delà du débat juridique, comprenez-vous que Belgian Athletics, avec des moyens limités et une délégation en pleine croissance, a absolument besoin de contrats de sponsoring tels que ceux conclus avec Asics et Allianz pour couvrir tous les coûts croissants?

Nous comprenons tout à fait la situation financière de la fédération. Elle a le droit de conclure des partenariats commerciaux, mais pas en violant les droits des athlètes et de leurs sponsors. Il doit être possible de trouver une solution win-win, dans laquelle la fédération contente ses sponsors sans contraindre les athlètes à rompre leur contrat.

Pourquoi avez-vous réagi si tardivement au code de conduite, qui a été rédigé au début de cette année?

Nous n’avons entendu parler du code que le 6 août. Normalement, les athlètes et leurs représentants auraient dû être associés au dialogue en temps utile, mais cela n’a pas été le cas. Jessica Mayon (NDLR: présidente de la fédération wallonne LBFA) a proposé une consultation, mais il restait trop peu de temps avant les Championnats du monde.

Selon Belgian Athletics, vous avez immédiatement menacé d’intenter une action en référé, une affaire que vous auriez sans doute gagnée en raison de l’absence de procédure d’appel en cas de sanction éventuelle. Cela ne rend-il pas le dialogue difficile?

Un code de conduite doit être juridiquement correct et élaboré en concertation. Ce n’était pas le cas. Nous avons adopté une attitude constructive, mais en raison des contraintes de temps et de l’absence de marge de négociation, le code n’était pas signable.

Mais avez-vous menacé d’intenter une action en référé?

Nous avons demandé un avis juridique afin de protéger les droits et la participation de Nafi. C’était logique, surtout lorsque la fédération a menacé de bloquer sa participation aux Championnats du monde.

Pourquoi cinq semaines avant les Championnats du monde n’ont-elles pas suffi pour négocier?

Des questions aussi complexes demandent du temps. Les choses n’avançaient pas et, sous la pression du temps, aucun compromis n’était possible. Nous restons ouvertes à la discussion après les Championnats du monde, mais cela doit aboutir à un document équilibré qui respecte à la fois les droits de la fédération et ceux des athlètes.

Pourquoi l’accréditation du kinésithérapeute personnel de Nafi a-t-elle posé problème?

Dans le passé, le kinésithérapeute des frères Borlée faisait partie de la délégation. Cela n’a jamais posé de problème. Pour Nafi, il avait été convenu qu’elle prendrait en charge les frais et que la fédération demanderait une accréditation auprès de World Athletics. Cependant, après avoir refusé le code, elle a appris qu’il n’y avait pas de place pour elle, son entraîneur ou son kinésithérapeute au camp d’entraînement au Japon et que l’accréditation avait été refusée. Cela a été ressenti comme une punition.

Jessica Mayon nie cela et affirme pouvoir prouver que Nafi Thiam était bien la bienvenue au «pré-camp».

Il n’a pas été explicitement dit qu’elle ne pouvait pas venir, mais elle ne s’est pas sentie la bienvenue. Plus tard, la LBFA (NDLR: fédération francophone d’athlétisme) a proposé des chambres d’hôtel pour Nafi, son entraîneur et son kinésithérapeute pour une période de dix à quatorze jours, pour un montant d’environ 7.000 euros, hors repas et équipements. Ce n’est pas une somme négligeable, et elle viendrait du budget de fonctionnement de Nafi (NDLR: Chaque athlète reçoit, en fonction de son statut, un budget annuel pour couvrir ses frais de déplacement et de stage). Mais il reste encore plusieurs mois pendant lesquels Nafi aura des frais à engager.

Nous sommes fin septembre, la saison est terminée après les Championnats du monde, n’est-ce pas? Et Nafi passe l’hiver en Afrique du Sud, elle n’a donc plus besoin de partir en stage?

Sa bourse était déjà insuffisante auparavant, ce qui l’obligeait à payer elle-même la différence. De plus, la bourse est plafonnée par jour, donc le montant ne serait même pas entièrement couvert. Il est trop facile de dire que cela peut être pris en charge par la bourse.

Pourquoi le paiement des frais de pré-camp est-il un problème?

Les frais de kinésithérapeute avaient été convenus. Mais le séjour de Nafi et de son entraîneur a soudainement été entièrement à sa charge, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

Les autres athlètes belges doivent-ils également payer cela via leur budget de fonctionnement?

Les règles doivent s’appliquer à tous les athlètes, tout le monde est égal, semble-t-il, mais on ne peut pas comparer le statut de Nafi à celui des autres athlètes belges.

Il en va de même pour l’accréditation de son kinésithérapeute personnel. Les accréditations ne sont pas nombreuses et les autres athlètes belges ne peuvent pas non plus faire appel à leur propre kinésithérapeute. A cet effet, Belgian Athletics met à disposition une équipe médicale composée de quatre kinésithérapeutes expérimentés. Pourquoi cela devrait-il être différent pour Nafi Thiam?

Je tiens à souligner que Nafi n’est pas une diva. Mais les autres athlètes belges ne sont pas triples champions olympiques, doubles champions du monde… De plus, sa première journée de compétition dans l’heptathlon est extrêmement difficile, avec quatre épreuves en une seule session de quatre heures le soir. Un kinésithérapeute qui connaît son corps est essentiel à ce niveau.

Nafi Thiam a elle-même remis le conflit sur le tapis lors de sa conférence de presse, trois jours avant son heptathlon. Pourquoi à ce moment-là? Vous auriez pu en discuter au préalable avec Nafi afin de préserver la paix et de vous concentrer sur la compétition.

C’était le choix personnel de Nafi. Nous ne lui avons pas conseillé cela. Les Championnats du monde sont sa compétition la plus importante de l’année. Ce n’est pas à nous de déterminer si c’était le bon moment. Si Nafi en ressentait le besoin, nous devons le respecter.

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