Etudiante, diplômée, sportive de haut niveau, gérante d’entreprise… Dans l’imaginaire populaire, ces fonctions sont rarement réservées aux compagnes des joueurs. Pourtant, dans le milieu du football, les femmes émancipées existent. Rencontre avec mesdames Mignolet, Mpoku, D’Haene et François.

La salle de Lint, en province d’Anvers, est en pleine effervescence en cette fin de soirée du mercredi 13 janvier 2015. Quelques instants après avoir vu défiler la quadrilogie gantoise sur le tapis argenté qui mène au podium du referendum du Soulier d’Or, les spectateurs s’apprêtent à applaudir une des quatre candidates à l’Escarpin d’Or.

La présentatrice observe trois secondes de suspens avant d’annoncer la gagnante : BoHulst. Son mérite ne vient pas d’une performance sportive – bien qu’il soit lié au physique – mais à son statut de  » Plus belle femme de joueur « .

En plus de frustrer son NikolaStorm de compagnon, sur qui l’intérêt médiatique va complètement disparaître, cette récompense vient donner encore plus de poids à ce phénomène fort répandu dans le monde du football : la WAG.

Acronyme de WiveAndGirlfriend, ce concept couronne de célébrité toute compagne de footballeur qui s’affiche sur les réseaux sociaux, pose pour des photos ou, comme le résume le magazine français SoFoot, a pour  » métier d’être en couple « .

La Belgique ne déroge évidemment pas à la règle, mais est cependant loin de rivaliser avec la Premier League en matière de WAGS. Et nos femmes de footballeurs prouvent qu’elles n’ont pas toujours besoin du fric et du statut de leur compagnon pour vivre leur propre expérience. La preuve par quatre.

MAQUILLEUSE, DESIGNER, JURISTE, HOCKEYEUSE

 » Être WAG, ça fait femme-objet, strass et paillettes, les grandes marques… tout ça, non ! Ce qui me dérange le plus, c’est le manque de valeur que se donne la femme elle-même en mettant des photos d’elle avec le #wag. Je ne comprends pas le but de cette relation, finalement.  »

MelissaMpoku ne peut pas être plus claire : les WAGS, c’est pas son truc. Un des seuls points communs qu’elle possède avec elles, c’est d’ailleurs d’avoir accepté de changer de pays en suivant PaulJosé en Italie pour les besoins de sa carrière. Carrière qui prend beaucoup de place dans leur vie de couple.

 » Mais d’ici une dizaine d’années, il ne jouera plus et il faudra bien que je poursuive ma carrière professionnelle sans rester toute la journée à la maison.  » Après des études en éducation, Melissa a donc décidé de suivre une autre formation et est désormais maquilleuse, même si le barrage de la langue ne lui permet pas encore d’exercer en Italie.

IneVerstaen, femme du défenseur de Zulte Waregeme KarelD’Haene, a également connu les joies des voyages quand son mari a répondu aux sirènes de Trabzonspor en 2003.  » Comme mon néerlandais ne me servait à rien sur place, j’ai d’abord suivi des cours de turc puis, lors de ma troisième année là-bas, je suis devenue designer pour Vestel (entreprise turque d’électroménager et d’électronique grand public, ndlr) « , explique celle qui a décroché un Master en design industriel.

Par la suite, inspirée par ses enfants, Ine va se lancer dans la création d’objets destinés aux bébés jusqu’au lancement de sa société GloriousLou en 2012. Un an plus tard, elle fonde MrandMrs Moustache, une entreprise spécialisée dans la fabrication de bavoirs.  » De l’idée au dessin, je m’occupe de tout, j’adore tout ce qui est créatif.  »

Mais il n’y a pas que dans la création que les femmes de footballeurs peuvent se montrer actives. Après cinq ans d’études en Droit à Louvain, JasmienMignolet est ainsi devenue assistante juridique pour le leader européen en produits et services de maintenance industrielle.

Elle travaille à Knutsford, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Liverpool. De son côté, AislingD’Hooghe, compagne du Carolo GuillaumeFrançois, combine des études de psychomotricité avec son statut de gardienne de hockey des Waterloo Ducks HC et de l’équipe nationale belge. Le hockey ne permettant pas de vivre, elle possède un statut de semi-pro qui l’oblige néanmoins à suivre un programme digne d’une sportive professionnelle.

 » MAIS C’EST PAUL-JOSÉ MPOKU, LE FOOTBALLEUR!  »

Aisling le concède,  » c’est plus facile d’avoir un compagnon qui exerce dans le même domaine professionnel parce qu’il comprend plus mes besoins et mes activités. Et puis on partage la même hygiène de vie ! Ce n’est pas un must, mais c’est chouette.  »

Si la hockeyeuse a rencontré Guillaume il y a quelques mois par l’entremise d’un de ses amis kiné, les autres compagnes sont généralement des vieilles connaissances des footeux.  » Nous provenons tous les deux de la région de Saint-Trond, éclaire Jasmien Mignolet. Nous avons le même âge et nous nous sommes connus à l’école dès l’âge de 13 ans. C’est à partir de la cinquième année que notre aventure a vraiment commencé !  »

Pour Melissa et Paul-José Mpoku, c’est grâce à l’Eglise que l’histoire a démarré pour les jeunes tourtereaux, alors adolescents.  » Ce n’est pas le fait qu’il soit footballeur qui m’a attiré chez lui, je ne le savais même pas. D’ailleurs, un jour qu’on discutait à la webcam sur MSN, c’est mon frère qui a crié  » Mais c’est Paul-José Mpoku, le footballeur !  »

Il ne m’avait jamais rien dit à part qu’il allait parfois  » à l’entraînement « . Moi, je pensais que c’était à Huy ou un club comme ça, mais pas Tottenham !  » À dire vrai, les quatre femmes précitées n’avaient pas spécialement de lien avec le football avant de rencontrer leur moitié.

 » Au départ, j’avoue que c’était très difficile « , rigole Melissa Mpoku.  » Je ne comprenais absolument rien du tout, d’ailleurs quand mes frères venaient dans ma chambre pour regarder le foot, c’était la guerre.  »

 » Pour ma part, je n’y avais jamais joué et avant de connaître Karel, je n’aimais absolument pas ce sport « , enfonce même Ine Verstaen. Si Jasmien Mignolet était contrainte de suivre l’actualité footballistique via son frère et son père, Aisling, fan de sport en général, a toujours été capable d’expliquer les règles ou même de citer quelques noms de joueurs et de clubs professionnels,  » je savais qu’il y avait un Guillaume François à Charleroi, par exemple « .

Avec le temps, les quatre compagnes se sont habituées à vivre avec le foot à leurs côtés, et elles y prennent même du plaisir.  » Maintenant j’aime bien « , concède ainsi Melissa.  » J’ai compris les émotions qu’il y avait derrière et j’avoue que c’est un beau sport.  »

En suivant Simon en Angleterre, Jasmien a quant à elle eu l’occasion de découvrir la folie des stades de Premier League  » C’était très spécial. J’étais habituée au stade de Saint-Trond, dont on dit en Belgique que c’est un petit enfer. Mais Anfield, c’est encore autre chose, évidemment.

 » L’HISTOIRE DE LIVERPOOL RÔDE DANS LE STADE  »

 » Et c’est très typique « , témoigne celle qui assiste parfois à certains matchs en déplacement.  » Cette saison, je suis par exemple allée voir Manchester City-Liverpool. Ce n’est pas du tout la même ambiance. Ce stade est très moderne et il ne dégage pas la même chaleur qu’Anfield. Le fait que ce soit assez vétuste à Liverpool contribue à donner une atmosphère unique, je pense. Comme si l’Histoire du club rôdait en permanence dans le stade.  »

Habituée aux à-côtés du hockey, Aisling a été totalement surprise par l’ambiance du football, qu’elle voyait comme un monde plutôt froid.  » Le hockey reste un sport plus familial où les gens sont plus proches, mais j’ai trouvé au football un côté fort chaleureux.  » Finalement, seule Ine résiste encore un peu à l’attraction du foot. Il faut dire aussi que Karel D’Haene traîne une vilaine blessure depuis quelques mois.  » Mais quand il joue, je regarde régulièrement à la maison. Comme nous avons trois enfants, je reste avec eux devant la télévision.  »

Durant la carrière d’un sportif, on dit souvent que son entourage est d’une importance capitale pour contribuer à sa réussite. Au point d’interférer dans sa vie professionnelle ?  » Je ne sais pas si je peux vraiment lui apporter quelque chose à ce niveau-là « , s’interroge néanmoins Aisling.

 » Je pense qu’il a déjà tout ce qu’il faut au club, mais je ne le tirerai pas vers le bas s’il a besoin de moi… Maintenant, que ce soit lui ou moi, on sait passer au-dessus de nos activités respectives quand on se retrouve pour ne pas parler de sport à longueur de journée…  »

Présente aux côtés de Polo depuis le début de sa carrière, Melissa a quant à elle eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises des dossiers importants concernant le métier de son homme, même quand il était question de transferts.

 » Il me demande mon avis, et je le lui donne honnêtement, on en parle… C’est important pour un footballeur d’avoir une certaine stabilité dans sa vie parce que s’il a une femme qui n’est pas spécialement à son écoute, ça peut lui causer beaucoup de désavantages.  »

À côté de cela, les quatre compagnes concèdent qu’elles ont besoin de leur propre indépendance, à l’instar de leur mari quand il va au foot la journée.  » Je crois même que cela ne concerne pas uniquement les femmes de footballeurs : toutes les femmes doivent faire ce qu’elles veulent « , précise Ine Verstaen.

 » Maintenant, si certaines ne travaillent pas, elles en ont le droit : tout le monde n’a pas l’ambition ou le besoin de prendre des responsabilités. Mais moi j’ai ressenti cette nécessité de faire quelque chose et plus précisément de créer.  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Guillaume et moi avons chacun notre monde et je n’ai pas à me plaindre du mien.  » AISLING D’HOOGHE, COMPAGNE DE GUILLAUME FRANÇOIS

 » Quand mes frères venaient dans ma chambre pour regarder du foot, c’était la guerre.  » MELISSA MPOKU

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