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Selon un reportage de la VRT, quatre écoles sur cinq ont constaté une recrudescence de la consommation d’e-cigarettes parmi leurs élèves. © Getty Images

Spice, PTC, K2: les drogues de synthèse s’invitent dans les e-cigarettes et les écoles

Un reportage de la VRT a mis en lumière l’augmentation du vapotage chez les jeunes, mais aussi la consommation de drogues de synthèse destinées aux e-cigarettes. Plusieurs associations dénoncent le marketing agressif des industriels de la nicotine et réclament des mesures plus strictes, quand, de son côté, VapBel exhorte de ne pas confondre vapes légales et illégales.

En Flandre, les directions d’établissements scolaires sont inquiètes de constater que de plus en plus d’élèves fument des cigarettes électroniques, mais aussi que l’âge des vapoteurs ne cesse de baisser. Selon une enquête de Pano, le magazine d’investigation de la VRT, portant sur 223 écoles secondaires flamandes et bruxelloises, quatre établissements sur cinq ont constaté une recrudescence de la consommation d’e-cigarettes parmi leurs inscrits.

Plus alarmant, les vapes «classiques» cohabitent désormais avec des cigarettes électroniques contenant des substances psychoactives vendues illégalement. En l’occurrence, du THC. Pas sous sa forme naturelle, comme on en trouve dans le cannabis, mais plutôt dans une version synthétique connue sous diverses appellations commerciales: «Spice», «K2», «Buddha Blue», «PTC (Pête Ton Crâne)».

Drogues et e-cigarettes: un risque accru

Les cannabinoïdes de synthèse provoquent des effets similaires au cannabis naturel, à savoir une euphorie, un sentiment de détente, une sensation de bien-être et de la somnolence. Mais ils peuvent aussi avoir des effets imprévisibles, met en garde le Centre antipoisons. «Les ingrédients ne sont en général pas mentionnés, explique-t-il. Rien ne garantit l’absence d’autres psychotropes ni de contaminants divers tels que, mort-aux-rats ou acétone

Les jeunes sont beaucoup plus sensibles à l’effet de récompense produit par la nicotine, ce qui les rend bien plus vulnérables à l’addiction.

Collectif d’associations de santé

En outre, le Centre prévient qu’un risque d’overdose est bien réel, les effets psychoactifs des cannabinoïdes de synthèse étant souvent beaucoup plus puissants que ceux du THC. «Le consommateur ne sait pas exactement ce qu’il achète, la nature et la concentration des substances actives varient d’un produit à l’autre et même d’un lot à l’autre du même produit, met-il en garde. La prise de cannabinoïdes de synthèse a notamment été associée à des psychoses, des troubles du rythme cardiaque, des lésions d’organes et même à des décès

Colorées et sucrées pour attirer les jeunes

«Bien que de nombreuses initiatives aient été mises en place ces dernières années pour promouvoir une génération sans tabac ni nicotine, la popularité croissante de la cigarette électronique chez les jeunes compromet aujourd’hui ces efforts», regrettent une dizaine d’associations* de santé qui réclament des mesures supplémentaires de la part des décideurs politiques pour protéger les plus jeunes face à l’essor des e-cigarettes et à la dépendance qu’elles peuvent induire chez eux.

Elles pointent du doigt plusieurs problématiques. Premièrement, la nicotine. Celle-ci «est loin d’être une substance inoffensive: elle figure, aux côtés de la cocaïne et de l’héroïne, parmi les substances les plus addictives», soulignent ces associations. «De plus, le cerveau des adolescents n’étant pas encore complètement développé, les jeunes sont beaucoup plus sensibles à l’effet de récompense produit par la nicotine, ce qui les rend bien plus vulnérables à l’addiction.» Deuxièmement, les autres substances contenues dans les liquides pour e-cigarettes telles que des arômes, «dont les effets à long terme restent encore largement méconnus», ou encore les drogues de synthèse.

Si le collectif d’associations admet que les vapes peuvent représenter une option différente (NDLR: notamment exempte de goudrons et de monoxyde de carbone) pour les fumeurs adultes déjà dépendants, il contredit l’industrie de la nicotine, quand celle-ci «s’évertue à nous faire croire que l’e-cigarette n’est qu’une aide au sevrage tabagique ou une alternative plus sûre pour les fumeurs adultes». Il dénonce, en outre, les producteurs qui «n’hésitent pas à cibler les jeunes, en utilisant des stratégies marketing agressives et en misant sur des arômes sucrés et des emballages colorés». Le collectif réclame dès lors des gouvernements qu’ils mettent un terme aux «techniques de séduction» des industriels.

Les vapes légales et illégales appartiennent à deux marchés totalement différents. Les produits illégaux sont souvent vendus sans aucun contrôle et sans limite d’âge, à l’inverse des vapes légales.

Les associations saluent les récentes interdictions de ventes de cigarettes électroniques jetables et de présentoirs exposant les produits à la vue de tous, mais estiment qu’il faut aller plus loin encore. Elles proposent de trouver des moyens pour freiner la promotion numérique et le commerce illicite d’e-cigarettes, de réduire la disponibilité pour les jeunes, d’appliquer plus strictement l’âge minimum de vente et de prendre des mesures restrictives sur les arômes qui rendent les e-cigarettes particulièrement attrayantes pour les jeunes.

Vape légale VS vape illégale

VapBel, la fédération belge des vendeurs et distributeurs de produits de vapotage, est, elle aussi, montée au créneau après la diffusion du reportage de Pano. Non pour critiquer la consommation de cigarettes électroniques, mais pour pointer du doigt le commerce illégal, qui, selon elle, représente l’un des principaux défis de l’industrie.

«Les vapes légales et illégales appartiennent à deux marchés totalement différents, insiste VapBel. Les produits illégaux sont souvent vendus sans aucun contrôle et sans limite d’âge. À l’inverse, les vapes légales répondent à des règles strictes et sont destinées aux fumeurs adultes souhaitant arrêter.» La fédération regrette que ces deux marchés soient confondus «à tort» dans le débat public.

Pour les représentants du vapotage, diaboliser l’e-cigarette ne rime à rien et prive même les fumeurs d’une meilleure alternative au tabac. Pour eux, il serait plus judicieux de «se concentrer sur les vrais problèmes» tels que l’application stricte de la réglementation déjà existante avant d’introduire de nouvelles règles; la lutte contre le commerce en ligne illégal; les contrôles efficaces de l’âge; et la mise en place d’une licence pour les produits contenant de la nicotine, y compris les vapes.

*La Fondation contre le Cancer, Kom op tegen Kanker, la Ligue belge de cardiologie, le FARES (Fonds des Affections Respiratoires), le SEPT (Service d’Etude et de la Prévention du Tabagisme), l’OSH (L’Observatoire de la Santé du Hainaut), la Diabetes Liga, la VRGT (Société flamande de santé respiratoire et de tuberculose), tous membres de l’Alliance pour une société sans tabac, ainsi que la BeRS (Belgian Respiratory Society) et la BeLF (Belgian Lung Foundation).

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