Et si l’heure du repas comptait autant que son contenu? Les glucides trouvent leur place idéale le matin. La chrononutrition en fait même une règle d’or, avec neuf commandements à suivre.
La chrononutrition, nouveau champ de recherche en sciences de l’alimentation, montre que la santé dépend non seulement de ce que l’on mange, mais aussi du moment et de la fréquence des repas.
Le corps possède une horloge biologique –le rythme circadien– qui régule notamment le métabolisme, la production d’hormones, la digestion et la dépense énergétique. Cette horloge interne se synchronise avec la lumière du jour. Le matin, l’organisme sait qu’une nouvelle journée commence: la digestion fonctionne alors à plein régime, l’estomac se vide plus vite et l’absorption des nutriments devient optimale. Le soir, en revanche, le corps a besoin de repos et peine davantage à assimiler les aliments.
Adapter ses repas à son biorythme permet de préserver l’horloge biologique et de réduire le risque de maladies liées au mode de vie, telles que l’obésité, le diabète de type 2 ou les affections cardiovasculaires.
«En nutrition, l’idée selon laquelle seul le nombre de kilocalories quotidiennes compte est dépassée, explique l’experte en nutrition Hella Van Laer. Le corps fonctionne avec un mode jour et un mode nuit. Dans les pays méditerranéens, on dîne et soupe souvent tard. Pourtant, les études révèlent que les repas riches en énergie consommés tard le soir nuisent à la santé. Les bébés font exception: jusqu’à l’âge de trois mois, leur horloge biologique n’est pas encore en place et ils peuvent s’alimenter la nuit.»
«Les mêmes kilocalories ne produisent pas le même impact sur le métabolisme selon qu’elles sont consommées à un moment ou à un autre.»
Selon la chrononutrition, un constat s’impose: les mêmes kilocalories ne produisent pas le même impact sur le métabolisme selon qu’elles sont consommées à un moment ou à un autre. «Un biscuit pris l’après-midi déclenche une poussée d’insuline moins forte que le soir, explique Hella Van Laer. Le soir, la sensibilité à l’insuline baisse, forçant l’organisme à en produire davantage pour assimiler un biscuit. Or l’insuline favorise le stockage du glucose et des graisses, entraînant une prise de poids. Autrement dit, ce biscuit fait davantage grossir le soir qu’en milieu de journée.»
Les neuf commandements de la chrononutrition
– Manger à heures fixes;
– placer toujours le repas principal chaud au milieu de la journée, avant 14 heures;
– prendre un petit-déjeuner copieux (avec une source de glucides riches en fibres, une bonne dose de protéines et un peu de graisses saines);
– dîner à midi de manière équilibrée, avec des glucides complexes et des fibres;
– souper léger (des légumes, des protéines suffisantes et une petite quantité de graisses saines, pas de sucres rapides et même une limitation des sources de glucides riches en fibres);
– ne rien consommer après 20 heures afin de ne pas perturber le sommeil ni freiner la combustion des graisses;
– se limiter à trois repas principaux par jour, suffisamment rassasiants;
– respecter entre chaque repas une pause d’au moins trois à quatre heures pour permettre au corps de récupérer;
– éviter la collation de dix heures, mais s’autoriser éventuellement un goûter vers seize heures si plus de cinq à six heures séparent deux repas principaux.
Elaborer des recommandations nutritionnelles basées sur la chronobiologie reste difficile. Chacun possède son propre biorythme: certains sont du matin, d’autres du soir. Ces derniers supportent généralement davantage d’aliments en fin de journée. L’horloge interne varie aussi d’une personne à l’autre et se trouve influencée par le sommeil, le travail et le stress. Chez certaines personnes, un repas riche en glucides le soir entraîne une faible élévation d’insuline, tandis que chez d’autres elle est beaucoup plus marquée.
«De manière générale, nous conseillons le soir de privilégier beaucoup de légumes, suffisamment de protéines et une petite quantité de graisses saines plutôt que des glucides rapides comme les pâtes, recommande Hella Van Laer. Sauf en cas de séance intensive de spinning prévue ensuite. Mais la réalité, c’est que la plupart des gens s’affalent sur le canapé après le repas.»
Manger comme il faut: trois repas rassasiants par jour
Pour l’horloge biologique, la structure et la régularité sont essentielles, y compris à table. «Les personnes qui mangent de manière très irrégulière présentent un risque accru de résistance à l’insuline, de diabète de type 2 ou de surpoids, ajoute Hella Van Laer. Chaque jour, trois repas principaux suffisent, complétés éventuellement par un goûter. Si l’estomac reste vide trop longtemps, les hormones de la faim prennent le dessus dans le cerveau. Dans un environnement obésogène, il devient alors extrêmement difficile de garder le contrôle sur son comportement alimentaire.»
Mais qu’en est-il du populaire jeûne intermittent, qui pousse beaucoup de personnes à sauter le petit-déjeuner? Hella Van Laer: «Une approche plus judicieuse de l’alimentation à durée limitée consiste à prendre un petit-déjeuner, même à 10 heures si nécessaire, puis à arrêter assez tôt le soir afin de réduire la fenêtre alimentaire au minimum. En pratique, un tel rythme reste difficile à suivre. Peu de couples actifs avec enfants réussissent à souper dès 18 heures.»
Tout commence par la prise de conscience
Les connaissances issues de la chrononutrition restent encore récentes, mais il se pourrait qu’à l’avenir une pyramide alimentaire voie le jour… avec horaires intégrés. «La clé, insiste Hella Van Laer, c’est la prise de conscience. Très souvent, l’alimentation relève de gestes impulsifs, dictés par l’habitude ou par un environnement obésogène. Et sans s’en rendre compte, on grignote toute la journée. La société tombe de plus en plus malade, et l’alimentation demeure l’un des moyens les plus puissants de prévention.»