Longtemps marginalisés, les love hotels semblent aujourd’hui trouver leur place.

Le succès grandissant des love hotels en Belgique: «Certaines chambres peuvent accueillir deux à trois couples par jour»

Nés en Asie, et plus particulièrement au Japon, ils s’invitent dans le paysage belge. Loin des hôtels de passe aux relents douteux, ils empruntent des codes plus élégants, et plus feutrés.

Découvrir un love hotel ne se fait pas à la légère. La Villa des Sens, nichée à la lisière de Louvain-la-Neuve, ne s’affiche ni sur Waze ni sur Google Maps. Ici, la discrétion est reine. Quelques consignes précises, envoyées après la réservation, permettent d’atteindre le lieu. Ce petit jeu de piste dit déjà beaucoup de l’expérience promise: singulière, secrète, enveloppée de mystère.

Après quelques détours sur des chemins de gravier, la villa se dévoile. Jusqu’ici, rien ne semble différencier l’endroit d’un hôtel de charme classique. Mais dès le pas de la porte franchi, guidé par Marie (1), la maîtresse des lieux, l’atmosphère change. «Nous avons six chambres. Quatre s’apparentent à des chambres d’hôtel traditionnelles. Les deux autres, l’Impératrice et 50 Nuances, proposent une parenthèse plus audacieuse, où désir et sensualité s’invitent sans détour. »

Où le love hotel se réinvente

Finis les hôtels de passe aux allures troubles. Les love hotels nouvelle génération cultivent une esthétique du soin et de la délicatesse, loin des clichés poussiéreux. A la Villa des Sens, une chose frappe dès le premier pas: la propreté irréprochable des lieux. Deux personnes s’y relaient en permanence pour veiller à l’hygiène. «C’est non négociable, affirme Marie. Nos clients viennent ici avec des attentes précises, et
l’hygiène en fait partie. Nous devons être exemplaires.» Une exigence renforcée par le rythme effréné des réservations. «Certaines chambres peuvent accueillir deux à trois couples par jour. Chacune doit donc être
parfaitement remise en état, comme neuve, entre chaque passage.» Cette question de l’hygiène suscite parfois des réticences, reconnait la sexologue Julie Stas de Richelle, mais à tort selon elle. «Un love hotel n’est pas plus ou moins propre qu’un hôtel classique. Quand vous entrez dans une chambre d’hôtel traditionnelle, il y a de fortes chances qu’elle ait été le théâtre d’ébats la veille. Ce n’est pas spécifique aux hôtels de charme. C’est simplement une réalité de l’hôtellerie. » Plus largement, les love hotels ne cessent d’évoluer. «Le concept s’est fortement développé pendant le Covid, assure Sébastien, fondateur du guide en ligne Let’s Go My Love, spécialisé dans les escapades intimistes. Les couples cherchaient des échappatoires, des bulles d’intimité hors du quotidien.»

L’amour de la discrétion

Pour Marie, reprendre cet ancien hôtel il y a une dizaine d’années fut le point de départ d’une reconversion audacieuse. Faire de cet établissement un love hotel n’allait pas de soi pour tout le monde, mais pour elle, c’était une évidence. Cliente régulière de ce type de lieux, il ne lui restait plus qu’à faire le pas et passer de l’autre côté. Aujourd’hui, elle mène cette activité avec passion, mais non sans zones d’ombre. «Je travaille à mi-temps dans la fonction publique. Je ne dis pas que les deux sont incompatibles… mais je préfère que cela reste discret.» Deux téléphones à la main, elle jongle au quotidien entre anonymat et organisation, veillant à préserver sa propre discrétion autant que celle de ses clients. «C’est essentiel. Ceux qui viennent ici cherchent un refuge, loin des regards.» Un besoin que confirme Sébastien de Let’s Go My Love: «La discrétion et le charme sont les maîtres mots. Les lieux que nous répertorions sont choisis avant tout pour leur capacité à préserver l’intimité.»

Car si l’on vient à la Villa des Sens pour raviver une flamme, certains y viennent aussi pour en entretenir une autre, plus discrète. Celle qu’on cache à l’agenda, qu’on tait aux proches, qu’on habille de silence. Marie en est bien consciente: «Ce n’est pas uniquement pour des relations extra-conjugales que l’on vient ici… mais il y en a, évidemment.» Avec ce rôle vient une charge invisible: celle de garder les secrets des autres. «Je sais des choses que personne d’autre ne saura jamais. Des couples que je vois revenir avec des partenaires différents. Des visages connus que je croise parfois en public. C’est mon devoir de tout garder pour moi.» Et parfois, l’exigence du secret donne lieu à des scènes presque surréalistes. «Une cliente avait dit à son mari qu’elle partait faire un jogging. Elle est arrivée ici en talons aiguilles… elle a trébuché. Fracture ouverte du tibia. On a dû appeler les secours. Je doute qu’elle ait pu maintenir la version du footing bien longtemps. »

Une escapade amoureuse, hors du temps


Pourquoi s’offrir quelques heures ou une nuit dans un love hotel? Pourquoi s’arracher au quotidien pour se retrouver ailleurs, autrement? Pour Julie Stas de Richelle, sexologue, les raisons sont multiples: «Cela
permet d’échapper à la routine, mais surtout de raviver le jeu de la séduction. Je conseille parfois aux couples de venir chacun de leur côté. Ne pas arriver ensemble, c’est déjà recréer une attente, un rendez-vous, un fantasme. On s’imagine, on anticipe, et c’est là que la séduction renaît.» Mais tous les partenaires ne réagissent pas de la même manière à cette initiative inattendue. Marie a ainsi vu de nombreuses scènes se jouer à sa porte: «J’ai vu des invités faire demi-tour au bout de trois minutes. Ils comprenaient où ils avaient été emmenés, et cela ne leur plaisait pas du tout.» Le love hotel peut aussi devenir un refuge précieux pour les plus jeunes, en quête d’un espace à eux. «Beaucoup de jeunes n’ont pas accès à une intimité digne de ce nom. Certains doivent prendre des risques pour se retrouver. Ces établissements, bien que payants, peuvent offrir une alternative plus sécurisante», souligne Julie Stas de Richelle.

Longtemps marginalisés, les love hotels semblent aujourd’hui trouver leur place dans une offre hôtelière en quête de renouveau. Ni tabou ni phénomène de masse, ils répondent à une demande réelle: celle
d’un espace intime, confidentiel, et parfois ludique
. Si ces établissements exigent une organisation rigoureuse, leur rentabilité repose sur un roulement rapide des chambres –parfois louées deux fois par jour– et sur un personnel réduit mais efficace. Reste à voir si ces lieux, encore discrets, s’imposeront demain comme une alternative durable aux standards de l’hôtellerie classique.

(1) Nom d’emprunt.
«Beaucoup de jeunes n’ont pas accès à une intimité digne de ce nom.»

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