Intestins
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Prébiotiques, compléments… Ce qui fonctionne (ou pas) pour prendre soin de son intestin  

Dix ans après le succès mondial du best-seller Le Charme discret de l’intestin, les recherches sur le microbiote se poursuivent. Un ouvrage qui, pour de nombreux lecteurs, a sonné comme une révélation: le bien-être intestinal a un pouvoir insoupçonné sur la santé globale.

Il y a (un peu plus de) dix ans –en février 2014 précisément–, Giulia Enders publiait Le Charme discret de l’intestin. Et un pan entier de la santé et du bien-être se dévoilait au grand public. Avec humour, clarté et métaphores bien senties, l’auteure allemande faisait entrer l’intestin dans le cercle restreint des organes stars, révélant un rôle bien plus déterminant qu’imaginé. Le microbiote intestinal –cet écosystème composé de bactéries, de virus ou encore de levures, souvent appelé «flore intestinale»– aurait une influence directe sur le poids, l’énergie, le sommeil ou encore l’état de la peau.

Pour Nathalie Delzenne, chercheuse à l’UCLouvain depuis plus de 30 ans, ce «charme discret» n’avait toutefois rien d’une découverte. «Le monde scientifique connaissait l’importance centrale de l’intestin depuis longtemps, mais ça restait un sujet très marginal. On passait presque pour des extraterrestres», sourit la professeure en nutrition et métabolisme, saluant le travail de vulgarisation de Giulia Enders. «Pour beaucoup, son livre est devenu un ouvrage de chevet. Il a permis de faire comprendre, simplement, le rôle crucial de l’intestin dans la santé.» Un constat partagé par la nutritionniste Anne-Charlotte Jalhay: «Quelques années après la sortie de l’ouvrage, on a constaté un boom de personnes qui venaient nous consulter pour prendre soin de leur flore intestinale.» Qui hérita, dans la foulée, du surnom de «deuxième cerveau».

Le microbiote intestinal, deuxième cerveau du corps humain 

«Oui, on peut le qualifier comme tel, mais il ne faut surtout pas se passer du premier», plaisante Nathalie Delzenne. Si le microbiote intestinal possède un rôle central, il ne se révèle pas non plus tout puissant. Son influence sur le bien-être au quotidien a été reconnue. «Cela va des troubles digestifs comme les maux de ventre et les ballonnements, à la qualité du sommeil, en passant par la gestion du poids», explique le nutritionniste Louis Engels. Selon lui, «le corps peut envoyer toute une série de signaux d’alerte: fatigue inexpliquée, peau terne, ballonnements… Tous ces symptômes peuvent indiquer un déséquilibre, et l’intestin est souvent en première ligne». Dès la petite enfance, l’alimentation, l’activité physique ou encore la gestion du stress influencent l’état du microbiote. Celui-ci peut s’appauvrir ou, au contraire, s’enrichir grâce à des bactéries bénéfiques. «Les toutes premières bactéries que nous recevons viennent du lait maternel, rappelle Nathalie Delzenne. C’est pourquoi il est essentiel de suivre les recommandations des pédiatres: la flore intestinale se construit dès les tout premiers jours de la vie.»

Pourtant, de nombreux mythes continuent d’entourer cet organe, notamment depuis le succès du livre de Giulia Enders, dont le contenu très vulgarisé a parfois mené à quelques simplifications excessives. «Ceux qui prétendent pouvoir tout soigner grâce au microbiote intestinal se trompent, ou trompent les autres, insiste Nathalie Delzenne. On ne guérit pas un cancer, l’autisme ou le diabète grâce à une bactérie miracle qu’on viendrait insérer dans un microbiote déséquilibré. C’est bien plus complexe que cela. La recherche sur le sujet est encore en plein développement, et il faut rester prudent face aux discours trop enthousiastes.»

Entretenir l’intestin: tout commence dans l’assiette

Pas de bactérie miracle, donc, mais bien un «remède» simple: prendre soin de son microbiote intestinal passe par l’alimentation, affirment en chœur les trois experts. «Elle doit être variée et idéalement riche en fibres, celles qu’on trouve principalement dans les fruits, les légumes et les légumineuses», précise le diététicien Louis Engels. Qui distingue deux grandes familles d’alliés du microbiote:

  • Les prébiotiques, ces fibres qui nourrissent les bonnes bactéries déjà présentes dans l’intestin. «On les retrouve dans la plupart des légumes, des légumineuses, des céréales complètes ou encore des fruits.»  
  • Ensuite, les probiotiques, ces micro-organismes vivants –bactéries et levures– qui renforcent la diversité du microbiote. «Ils se trouvent naturellement dans certains aliments fermentés comme le yaourt, le fromage, la choucroute, le kéfir, ou encore le très en vogue kombucha.»  

Sans surprise, les aliments à éviter sont ceux ultra-transformés, riches en additifs de toutes sortes. «Tout ce qui contient des édulcorants, des arômes artificiels ou des exhausteurs de goût est à limiter autant que possible», avertit la diététicienne Anne-Charlotte Jalhay. En d’autres termes: plus un aliment est transformé industriellement, plus il risque de nuire à l’équilibre du microbiote. «Globalement, une alimentation équilibrée, variée et naturelle contribue déjà largement à la bonne santé du microbiote intestinal», résume Nathalie Delzenne.

Savoir ce qui est bon ou mauvais pour le corps, c’est une chose. Encore faut-il réussir à adapter ses habitudes alimentaires au quotidien. «C’est un processus progressif, souligne Anne-Charlotte Jalhay. On ne passe pas du jour au lendemain d’une alimentation déséquilibrée à une assiette parfaite avec du kéfir et des graines de chia. Il faut y aller étape par étape.» Autre aspect souvent négligé: la manière de manger. «C’est la première chose que j’aborde avec mes patients. Si quelqu’un mange en répondant à ses mails, il ne va ni mâcher correctement, ni écouter les signaux de son corps. Résultat: il risque de trop manger sans même s’en rendre compte», explique Anne-Charlotte Jalhay. Pour elle, prendre le temps de se reconnecter à ses sensations au moment des repas est fondamental: «S’écouter quand on mange, c’est déjà un grand pas vers une meilleure santé».

Les compléments probiotiques? Oui, mais pas de miracles 

Ces dernières années, surfant sur la mouvance intestinale, les compléments probiotiques ont inondé le marché, promettant parfois monts et merveilles pour «sauver» le microbiote. Pourtant, ces produits vendus en pharmacie ou en parapharmacie ne remplaceront jamais une bonne hygiène de vie. «Aucun complément ne vous permettra de manger n’importe quoi, de rester sédentaire et d’être en bonne santé, prévient Louis Engels. On les appelle compléments pour une raison: ils viennent en soutien d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique régulière. Sans cela, leurs effets positifs s’estompent très vite.» 

Autre phénomène en plein essor: certaines souches de bactéries, disponibles en gélules, sont parfois présentées comme des solutions miracle pour restaurer la flore intestinale. Nathalie Delzenne tient à nuancer. «Il existe des travaux très intéressants sur certaines bactéries qui pourraient, à terme, contribuer à la prévention ou au traitement de pathologies spécifiques, explique-t-elle. Mais il s’agit encore majoritairement d’études en laboratoire. Aucun chercheur sérieux ne laisserait entendre qu’une bactérie isolée peut guérir à elle seule un ensemble de maladies.» Les intestins recèlent encore quelques charmes discrets à révéler.

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