Pourquoi il est si difficile de se passer de sucre: les 8 raisons qui expliquent notre ultradépendance

Illisibilité des étiquettes, complicité de l’industrie, manque de politique ambitieuse: plusieurs facteurs conduisent à une surconsommation de sucres ajoutés en Belgique.
Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Tout le monde a conscience de ses méfaits. Pourtant, (presque) personne n’arrive à s’en passer. Pourquoi le sucre nous rend-il tous accros?

«Le sucre, c’est mon réconfort émotionnel. Quand le moral est au beau fixe, je m’en passe facilement. Mais en cas de coup dur, il vient souvent à ma rescousse.» A 27 ans, Marie vient de boucler un nouveau mois sans sucres ajoutés. Un défi alimentaire qu’elle se lance volontairement, à intervalles réguliers. Avec plus ou moins de succès. «Le sucre, c’est comme une drogue. Au début du sevrage, je suis parfois plus irritable, plus facilement à cran.» Il faut aussi composer avec la pression sociale. «Le plus difficile, ce sont les repas en famille ou entre amis. Si je refuse une part de gâteau ou une coupe de cava, les questions fusent rapidement. Certains ne comprennent pas ma démarche.» Pas de quoi décourager la jeune kiné. «L’expérience m’apporte toujours des tas de bénéfices: je dors mieux, j’ai beaucoup plus d’énergie. Surtout, mes performances sportives s’améliorent considérablement.»

A l’instar de Marie, les adeptes de l’alimentation non sucrée semblent de plus en plus nombreux. Sur Instagram et TikTok, les hashtags #nosugar ou #nosugarchallenge sont devenus viraux, accompagnant vidéos de recettes et selfies d’influenceuses à la peau «sublimée» par l’arrêt des confiseries. Sur Facebook, les groupes de soutien pullulent, chacun y allant de son conseil pour «tenir le coup». Car la version sucrée de la «tournée minérale» comporte son lot de difficultés, à l’heure où l’or blanc a envahi placards et supermarchés. Voici pourquoi il est si difficile de s’en passer.

1. La recherche (addictive) du plaisir: première cause de la dépendance au sucre

Le sucre, c’est d’abord du plaisir. Ingérer un aliment sucré active le système de récompense du cerveau, en libérant le plus célèbre des neurotransmetteurs: la dopamine. Associée au bien-être et à la jouissance, elle entraîne un sentiment (temporaire) de satisfaction dans l’organisme. Deux cerises acidulées en bouche, et hop, direction le septième ciel. Et puis, vient l’envie irrépressible d’une troisième, d’une quatrième… ou d’une dixième. Bien que le sucre ne soit pas (encore) reconnu médicalement et légalement comme un aliment addictif, «ses effets peuvent entraîner des comportements très proches de l’addiction», assure Régis Radermecker, professeur de pharmacologie à l’ULiège et président de l’Association belge du diabète. D’autant que, plus l’organisme consomme du sucre, plus sa sensibilité à la dopamine augmente. «C’est un cercle vicieux assez pervers», reconnaît le diabétologue. Rien que la vue d’un aliment sucré, sans même le toucher, provoque déjà une série d’agitations dans le cerveau, par anticipation du circuit de récompense.

Se pose alors une question: pourquoi le corps remercie-t-il d’ingérer un aliment dont il connaît paradoxalement les méfaits? «Les dommages d’une consommation excessive de sucre ont été acquis par notre savoir, précise Nicolas Guggenbühl, diététicien-nutritionniste et professeur à la haute école Léonard de Vinci, à Bruxelles. Or, notre organisme, lui, fonctionne toujours selon des comportements innés.» La physiologie humaine a en effet été façonnée à l’âge de pierre, dans un environnement plutôt hostile. «A cette époque, l’être humain cherchait avant tout à survivre et à faire face au manque, contextualise l’expert chez Karott, spécialiste de la communication santé, nutrition et alimentation. Notre organisme a donc développé une avidité effrénée pour tout ce qui est pour lui un signe distinctif de survie.» Et pour les calories, sources d’énergie indispensables à son bon fonctionnement. Les éléments sucrés étant les premiers aliments comestibles dans la nature, l’homme s’y est prioritairement intéressé. Résultat: l’ingestion de cette énergie sucrée a été durablement intégrée comme un signal positif pour l’organisme.

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2. Un besoin croissant de réconfort

Grâce au circuit de récompense qu’il active, le sucre s’apparente à une source instantanée (et bon marché) de réconfort. Un petit plaisir parfois ancré dans les habitudes, octroyé à la fin d’un repas ou à la pause-café de 11 heures. «Certains disent: « Moi, je suis sucré », note Régis Radermecker. Mais cette inclination prononcée pour le sucre n’a rien de naturel. Elle est simplement le résultat d’une accoutumance des papilles à ce goût plaisant, souvent à certains moments clés de la journée.» Cet ancrage dans la routine alimentaire quotidienne renforce la dépendance au sucre et rend sa suppression (même temporaire) extrêmement difficile.

A l’instar d’autres drogues, les périodes d’abstinence peuvent entraîner des effets secondaires et être particulièrement complexes à endurer pour l’organisme. «Entre le deuxième et le dixième jour de sevrage, des maux de tête ou de la fatigue peuvent se manifester, tout comme de l’irritabilité et une baisse d’énergie», précise Marie de Giey, nutritionniste et fondatrice de la plateforme de conseils My Okinawa. Des symptômes transitoires, mais qui peuvent décourager les participants au #nosugarchallenge.

Au-delà des habitudes, l’envie de sucre peut également être déclenchée en réponse à un événement négatif soudain. «Dans des situations de stress, de tristesse ou d’émotions extrêmement négatives, l’organisme va se sentir menacé et enclencher des mécanismes de survie», rappelle Nicolas Guggenbühl. Et par conséquent, à nouveau, se diriger naturellement vers des aliments caloriques et énergétiques, comme les sucres raffinés ou les graisses saturées. Si ce besoin de «manger ses émotions» est courant, il peut, selon sa gravité, s’apparenter à un véritable trouble du comportement alimentaire (TCA).

Ce recours émotionnel au sucre serait aujourd’hui «en plein boom». En cause: la dégradation progressive de la santé mentale de la population. «Face au mal-être généralisé qui prévaut au sein de notre société, l’appel réconfortant du sucre se manifeste de plus en plus, confirme Régis Radermecker. Car le moyen le plus rapide et économique de lutter contre l’isolement et la tristesse, c’est de se tourner vers ce genre d’aliments.» D’ailleurs, la hausse des troubles dépressifs et des burnouts, principalement chez les jeunes, est de «mauvais augure» pour l’avenir, s’inquiète Nicolas Guggenbühl: «Plus on vivra dans un monde anxiogène, plus on observera ce type de phénomène, qui constitue une menace sérieuse pour la santé publique

3. Dépendance au sucre: une omniprésence insoupçonnée

S’il est si difficile de se passer de sucre, c’est aussi car il se trouve absolument partout. «Même dans des aliments salés», rappelle Marie de Giey. Grâce à ses propriétés multiples et variées, l’or blanc est utilisé à toutes les sauces par l’industrie agroalimentaire. D’abord, comme conservateur. Grâce à son pouvoir hygroscopique, le sucre prolonge la durée de vie des aliments, précise Nicolas Guggenbühl. Il absorbe l’eau naturellement présente dans ces denrées et empêche ainsi le développement de moisissures, voire de micro-organismes à leur surface.

Les recommandations de Sciensano

Des standards de concentration maximale

Pour l’Institut de santé publique, c’est au gouvernement, et non à l’industrie, de fixer des standards de concentration maximale en sucres pour chaque sous-catégorie de produits alimentaires. Une démarche indépendante qui permettrait une amélioration durable de la composition des produits.

Une publicité réglementée

Contrairement au code d’autorégulation présenté fin mai par la Fevia et Comeos, c’est au gouvernement de développer un plan ambitieux pour limiter la publicité des aliments malsains à destination des mineurs, estime Sciensano. Les produits ciblés par cette interdiction devraient être sélectionnés selon des critères stricts fixés par l’OMS, tels que leur teneur en sucres ajoutés, en graisses saturées ou en édulcorants.

Une taxation intelligente

En 2015, le gouvernement a instauré une taxe sur les boissons sucrées. Une méthode «inefficace» aux yeux de Sciensano, car elle n’a pas permis de réduire la consommation globale de sodas en Belgique. L’Institut de santé publique préconise plutôt une taxation dont les revenus permettraient de faire baisser le prix des aliments sains (tax shift) ou seraient réinjectés pour financer des campagnes de sensibilisation ou de prévention.

Le sucre est également utilisé comme exhausteur de goût, pour mettre en valeur les arômes et les saveurs des ingrédients (parfois de piètre qualité) d’une préparation industrielle. Plus besoin de tomates bien mûres et gorgées de soleil pour une soupe savoureuse: deux, trois cuillères de sucre feront l’affaire. Un procédé similaire à la chaptalisation, une pratique vinicole utilisée pour pallier le manque de sucre dans le raisin. Sans oublier que, dans la majorité des sauces, le sucre permet aussi d’atteindre un équilibre subtil entre acidité et amertume.

Autre vertu capitale du sucre: sa capacité à sublimer les textures. Onctuosité, croustillance ou caramélisation: le sucre peut tout, et l’industrie l’a bien compris. Dans les pâtisseries et gâteaux, il a également un rôle massique, qui leur confère une jolie consistance. «Si vous faites un quatre-quarts et que vous remplacez le sucre par quelques gouttes d’édulcorant, d’aspartam ou de glycosides de stéviol et que vous fouettez le tout, ça ne marchera jamais, insiste Nicolas Guggenbühl. Vous n’aurez pas du tout la même pâte.»

«Plus la liste d’ingrédients est longue et complexe à déchiffrer, plus il y a de chance que le produit soit ultra-transformé et contienne pas mal de sucres.»

4. Des étiquettes illisibles

Grâce à sa panoplie de propriétés, le sucre se cache donc dans une large gamme de produits de supermarchés. Mais encore faut-il le repérer. «Sur une étiquette, il peut se dissimuler sous 50 noms différents, estime Marie de Giey. On peut parler de maltodextrine, de dextrose, de fructose, de glucose, de sirop de céréales…» Un déchiffrage complexe pour le consommateur non averti, qui peine déjà à faire la différence entre sucres et glucides. «Ce manque de transparence rend les choix très difficiles pour le grand public», déplore Marie de Giey, qui rappelle que les produits industriels sont les plus propices à une haute teneur en sucres «cachés». «En général, plus la liste d’ingrédients est longue et complexe à déchiffrer, plus il y a de chances que le produit soit ultratransformé et contienne de nombreux sucres.»

Les règlementations européennes ajoutent encore un degré de confusion supplémentaire. Alors que les agences officielles et les professionnels de la santé recommandent de limiter la consommation en sucres ajoutés (ou «sucres libres», selon la définition de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé), l’Union européenne n’impose pas cette mention sur les étiquetages. «Dans la déclaration nutritionnelle exigée sur les produits européens, seule la teneur en sucres totaux est indiquée, déplore Nicolas Guggenbühl. Or, cette donnée ne fait pas la distinction entre les « bons » et les « mauvais » sucres. Dans un yaourt aux fruits, par exemple, il y a du sucre issu du lactose, naturellement présent dans le lait. Il y a également un peu de sucre qui provient des fruits. Puis il y a évidemment du sucre ajouté à la préparation, sauf que le consommateur n’a aucune idée de sa proportion. Ça n’a absolument aucun sens! On ne dira jamais à la population d’arrêter de manger des fruits car ils comportent trop de sucres naturels…»

5. L’ancrage culturel

Au-delà des rayons de supermarché, le sucre est également omniprésent dans la culture occidentale. «Le sucre est associé à la majorité des traditions et des célébrations», insiste Marie de Giey. Difficile, en effet, d’imaginer un goûter d’anniversaire sans sucreries ni moelleux au chocolat. Ou un repas de Noël sans buche. Ou encore un petit déjeuner d’équipe sans viennoiseries. A l’instar de l’alcool, le sucre fait souvent office de liant dans ce genre d’événements, où la pression sociale est très forte. Refuser un verre, décliner une part de galette des rois, «ça fait mauvaise ambiance».

Alors que les tournées minérales sont aujourd’hui ancrées dans les mœurs, les défis «sans sucre» commencent seulement à gagner en popularité, rendant la démarche parfois incomprise. «Finalement, une personne lambda sans addiction éprouvera peut-être plus de difficultés à faire un mois sans sucre qu’un mois sans alcool, estime Marie de Giey. Car tout le monde sait ce qui contient de l’alcool. Et puis, on ne le consomme généralement pas tout au long de la journée, contrairement au sucre qui se présente à chaque instant.»

6. L’argument économique

Grâce à ses propriétés multiples, mais surtout à son faible coût, le sucre est devenu indispensable à l’industrie agroalimentaire. Résultat: les aliments transformés en sont gorgés. Or, cette catégorie de produits reste souvent la plus abordable pour les classes sociales moins favorisées. «Le prix de la calorie d’un aliment ultratransformé équivaut à la moitié (voire même un peu moins) d’un aliment peu ou pas transformé, insiste Nicolas Guggenbühl. Autrement dit, pour un même montant à la caisse, vous pouvez obtenir plus du double de calories si vous optez pour des produits transformés.» Un argument de taille pour les familles nombreuses au budget serré.

«Le prix de la calorie d’un aliment ultratransformé équivaut à la moitié d’un aliment peu ou pas transformé. Autrement dit, pour un même montant à la caisse, vous pouvez obtenir plus du double de calories si vous optez pour des produits transformés.»

Une tendance confirmée par une enquête de Foodwatch France, dont les résultats ont été publiés en janvier. L’analyse de 400 produits contenant des sucres ajoutés a révélé une constante: plus les aliments étaient bon marché, plus leur teneur en sucre ajouté s’avérait élevée. Dans la catégorie des pizzas surgelées, par exemple, les cinq marques (souvent des produits blancs) les plus abordables contenaient en moyenne 183% de sucres en plus que les cinq marques les plus chères.

En outre, les industriels capitalisent aujourd’hui sur la mode du «sans sucres ajoutés» pour gonfler leurs prix, regrette Marie de Giey. «Ça rend l’effort inaccessible pour certaines familles.» Pire: certaines marques remplacent ce sucre par d’autres options, comme des édulcorants. «Ces produits, initialement conçus pour les diabétiques, sont vendus beaucoup plus chers, observe la nutritionniste. Y compris à des consommateurs qui ne présentent pourtant aucun problème de glycémie

Si certains produits non transformés comme les fruits ou les légumes restent globalement accessibles, ils représentent l’exception plutôt que la règle. Une large gamme de produits bruts a vu ses prix flamber ces dernières années. Leur préparation nécessite en outre un investissement en temps et en énergie. «Se passer de sucres ajoutés implique de cuisiner davantage, reconnaît Marie de Giey. Or, certains n’ont ni le temps ni les compétences adéquates, ce qui peut devenir une source de stress quotidienne.» Culturellement, le temps passé en cuisine et autour de la table est aujourd’hui moins valorisé. L’évolution des habitudes alimentaires encourage ainsi le recours aux plats préparés, par facilité. Mais limiter le sucre reste aussi une question de priorité financière et, par conséquent, un luxe que certaines familles ne peuvent s’offrir.

7. Dépendance au sucre: la complicité des supermarchés

La responsabilité de l’industrie agroalimentaire dans l’excès de consommation de sucre est aujourd’hui indéniable. Pour le secteur, les répercussions économiques sont doublement positives. Le sucre est à la fois une substance bon marché et polyvalente, mais également addictive, permettant une fidélisation aux produits. «Ce goût sucré fait systématiquement revenir le consommateur», confirme Marie de Giey.

L’industrie tire donc sciemment profit de la dépendance au sucre, tout en y contribuant. Une stratégie également en vigueur dans la grande distribution. «Les supermarchés ont aussi une grande part de responsabilité, insiste la nutritionniste. Les sucreries sont des produits d’appel, mises en avant dans les rayons, souvent à hauteur des yeux des enfants. Ils sont également placés à la caisse, stimulant les achats impulsifs pendant l’attente. Le consommateur se retrouve vite à acheter un paquet de biscuits dont il n’avait en réalité aucune envie.»

En outre, la majorité des promotions pratiquées dans les grandes surfaces concerne des produits malsains, souvent trop gras ou trop sucrés. Selon une enquête de Foodwatch France menée entre février et mars 2025 auprès de cinq grandes enseignes, à peine 12% des ristournes de type «2+1 gratuit» ou «-50%» portaient sur des aliments sains.

8. Des politiques peu ambitieuses pour contrer la dépendance au sucre

Aujourd’hui, la consommation de sucres ajoutés en Belgique reste largement supérieure aux recommandations officielles. Un constat «peu surprenant» aux yeux de Stefanie Vandevijvere, experte en alimentation et politique nutritionnelle chez Sciensano, qui regrette le manque d’ambition politique à l’échelle nationale pour réduire efficacement la consommation de sucres.

Dire que le fédéral est inactif sur le plan de l’alimentation serait fallacieux. Depuis la fin des années 2000, plusieurs initiatives ont vu le jour. A commencer par un «Plan fédéral nutrition santé», qui vise à améliorer les habitudes alimentaires de la population. Instauré en 2006, il a permis quelques avancées, sans toutefois révolutionner les pratiques nutritionnelles des Belges. Bien que de nouveaux engagements soient promis par le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) pour redynamiser ce plan, leur concrétisation se fait aujourd’hui attendre.

Malheureusement, le sucre est rarement la cible principale de ces actions gouvernementales. Contrairement à la Convention sel, signée en 2009, qui a débouché sur une baisse de la consommation journalière moyenne chez les Belges de 10% en cinq ans, aucune initiative ambitieuse ne s’est pour l’heure focalisée uniquement sur le sucre.

Surtout, la majorité des actions sont menées en collaboration avec le secteur lui-même. Par exemple, en 2016, le SPF Santé publique a signé la «Convention pour une alimentation équilibrée» avec la Fevia (Fédération de l’industrie alimentaire belge) et Comeos (Fédération pour le commerce et les services). «Cela a conduit à une diminution de la teneur en sucres et en graisses des aliments dans les différents secteurs représentés entre 2012 et 2020, souligne le cabinet du ministre Vandenbroucke. Nous espérons continuer à travailler ensemble de la même manière

Mais en œuvrant main dans la main avec le secteur, les résultats restent logiquement en deçà des attentes. «Le gouvernement ne doit pas laisser la politique alimentaire à l’industrie, fustige Stefanie Vandevijvere. Les évolutions ne seront jamais notables, car forcément, l’industrie a d’autres intérêts. Si elle conclut des plans nutritionnels, c’est avant tout pour montrer qu’elle n’est pas inactive en matière de santé publique. C’est une sorte de publicité bienvenue. Mais soyons clairs: la santé ne figure pas parmi ses préoccupations principales

La dépendance au sucre, en chiffres

109

Le consommateur belge consomme en moyenne 109 grammes de sucres totaux (monosaccharides et disaccharides) par jour, selon la dernière enquête de consommation alimentaire de Sciensano (2014-2015). Ces sucres totaux représentant la somme de tous les sucres présents dans un aliment, qu’ils soient naturellement présents ou ajoutés.

123

Les hommes ont un apport significativement plus élevé (123 g/jour) de monosaccharides et de disaccharides que les femmes (96 g/jour). Les personnes non diplômées de l’enseignement supérieur (116 g/jour) consomment également plus de sucres totaux que celles diplômées de l’enseignement supérieur de type long (102 g/jour).

20%

Toujours selon Sciensano, environ 20% de l’apport énergétique quotidien du Belge provient des monosaccharides et des disaccharides. Un pourcentage plus pertinent à analyser que les quantités absolues, les besoins en sucres totaux variant en effet fortement d’un individu à l’autre. Cette proportion diminue d’ailleurs avec l’âge et passe de 27% chez les 3-5 ans à 19% chez les 40-64 ans.

10%

Le Conseil supérieur de la santé recommande que la proportion de sucres ajoutés n’excède pas 10% de l’apport énergétique journalier. L’application de cette recommandation est difficilement vérifiable auprès de la population belge, car l’étiquetage actuel des produits n’opère pas de distinction entre «sucres ajoutés» et «sucres naturellement présents» (voir point 4).

Une sorte de «healthwashing» réitéré fin mai par la Fevia et Comeos. En collaboration avec le secteur publicitaire, les deux fédérations ont ainsi présenté un nouveau code d’autorégulation pour limiter la publicité pour la malbouffe (sucreries compris) à destination des moins de 16 ans. Une manière adroite de contourner une réglementation plus stricte, déplore Sciensano. «Les critères nutritionnels pris en compte dans ce plan sont très faibles comparés aux recommandations officielles de l’OMS», regrette Stefanie Vandevijvere. Si les efforts du secteur ont été salués par le ministre Vandenbroucke, il a toutefois refusé de signer le plan, faute d’objectifs «dont la réalisation est objectivement vérifiable», selon son cabinet.

Autre obstacle à l’élaboration d’un plan nutritionnel ambitieux: la complexité institutionnelle belge. «Les compétences liées à l’alimentation sont très morcelées en Belgique», regrette Régis Radermecker. Si la santé reste majoritairement du ressort fédéral (comme la publicité), la prévention et la promotion de la santé, elles, sont du ressort des Régions, alors que l’éducation a trait à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Enfin, les réglementations liées à l’étiquetage (notamment le nutri-score) dépendent de l’Union européenne, «où les lobbys agroalimentaires sont extrêmement puissants», pointe Stefanie Vandevijvere.

Enfin, dans un système politique régi par le court-termisme, la prévention nutritionnelle a logiquement peu la cote. Contrairement aux politiques de sécurité routière, qui permettent de réduire rapidement le nombre de tués sur les routes, les effets tangibles des politiques alimentaires tardent à se faire ressentir. «Or, la prévention permet de réduire drastiquement les maladies, et donc l’impact financier sur les soins de santé, insiste Nicolas Guggenbühl. Mais quel politique décidera d’investir dans un plan dont les fruits ne pourront être récoltés que dans 20 ou 30 ans?»

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