Il est recommandé de ne pas utiliser de médicaments périmés, bien que des études montrent que leur efficacité n’est pas vraiment affectée par le temps. A condition néanmoins de les avoir conservés correctement. En cas de doute, il est possible de se débarrasser de ces remèdes, mais pas n’importe comment.
Antalgiques, anti-inflammatoire, antihistaminique, antibiotiques… Ces comprimés, crèmes, ampoules et autres gouttes à avaler ont été achetés il y a deux ans, peut-être même dix, mais traînent toujours au fond de l’armoire à pharmacie. Et arrive un jour où leur date de péremption est dépassée.
Un petit mal de crâne et la tentation d’automédication peut être grande, en piochant un cachet dans une boîte certes périmée. Une mauvaise idée, selon l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (Afmps), car leur consommation peut être dangereuse pour la santé, une fois dépassée la date limite de consommation. «Les propriétés du médicament évoluent dans le temps, ce qui ne permet pas de garantir son efficacité et sa sécurité.»
Une assertion qu’une analyse de l’Union fédérale des consommateurs portant sur 30 médicaments (du paracétamol et de l’ibuprofène) périmés nuance cependant. Selon cette étude, après plusieurs mois, voire plusieurs années d’expiration (de 1992 à 2024), la très grande majorité des échantillons a gardé 90% de ses principes actifs. Seuls six d’entre eux (trois de chaque groupe) ont vu leur efficacité baisser de plus de 10%, le plus mauvais élève étant un ibuprofène dont la date limite de consommation était passée depuis 2022, et dont l’efficacité a été mesurée à 82%.
Médicaments périmés, mais pas forcément moins efficaces
«Par contre, on dispose de très peu de données sur l’évolution des autres critères de qualité du médicament, dont certains en assurent l’efficacité ou la sécurité, comme certaines propriétés physico-chimiques, la présence de composés de dégradation toxiques, ou la qualité microbiologique», pointe le Centre belge d’information pharmacothérapeutique, soulignant que «la notion de date de péremption est très théorique et comporte des limites».
«Les études de stabilité prennent en compte la situation la moins optimale. En situation réelle, on s’attend à ce que ces paramètres ne correspondent pas tous à la situation la moins optimale. De plus, ces paramètres ne sont pas testés sur de très longues périodes, de plus de cinq ou dix ans, par exemple, poursuit le CBIP. Cependant, on manque de données sur l’évolution de la plupart des critères de qualité au-delà de la date de péremption du médicament.»
Des résidus de médicaments polluants…
Il serait préférable de ne pas prendre de risques avec les médicaments périmés, très bien. Mais que faut-il faire de ces traitements non utilisés? Les jeter dans la poubelle verte ou avec les déchets ménagers? Ou plutôt les vider dans l’évier ou les toilettes? Surtout pas! Ceux-ci peuvent être dangereux pour l’environnement. Sans même tenir compte de leur production, la consommation de médicaments entraîne la pollution des sols et des eaux, et aucun pays n’est épargné.
Selon une étude britannique publiée en 2022, la quasi-totalité des rivières à travers le monde sont contaminées par des résidus de médicaments. Le plus souvent, il s’agissait de carbamazépine, un anti-épileptique, de metformine, un médicament pour traiter le diabète de type 2, et de caféine. Tous trois ont été retrouvés dans les eaux d’au moins 50% des sites analysés. Les scientifiques ont aussi trouvé des molécules d’antibiotiques dans un site sur cinq.
Les concentrations médicamenteuses les plus importantes ont été retrouvées dans les pays socio-économiquement les moins puissants, et qui font l’objet de moins de recherche, mais aussi dans les régions où l’âge médian, le taux de chômage et la pauvreté sont les plus élevés. Toutefois, avec une concentration cumulée de 10.000 ng/L, les rivières belges, plus particulièrement bruxelloises, font partie des 20% les plus polluées par des résidus de médicaments au monde. A l’inverse, seuls trois endroits analysés n’étaient pas du tout pollués: deux en Islande et un au Venezuela.
… et mauvais pour la santé
«Il est prouvé que l’exposition environnementale aux ingrédients pharmaceutiques actifs (API, ou active pharmaceutical ingredient) a des effets délétères sur la santé des écosystèmes et de l’homme», indiquent les scientifiques. Ils évoquent notamment la féminisation des poissons et l’augmentation de la sensibilité des poissons à la prédation, mais surtout, l’augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Or, «comme les eaux de surface [contaminées] sont utilisées pour l’arrosage de nos cultures, pour la baignade et les sports nautiques, mais aussi pour la production d’eau potable, nous pouvons entrer de cette façon en contact avec des bactéries résistantes», commente l’Afmps.
«Selon l’OMS, l’Onu, ainsi que d’autres organisations, cette résistance constitue la plus grande menace pour l’humanité. Il s’agit de l’une des prochaines pandémies», souligne John Wilkinson, auteur principal de l’étude britannique. Et pour cause, selon une autre étude publiée la même année dans la revue scientifique Lancet, ce sont pas moins de cinq millions de personnes qui sont mortes en 2019 d’une infection bactérienne liée à une plus grande résistance de ces bactéries aux antibiotiques.
Les médicaments périmés retournent à la pharmacie
Pour se débarrasser des médicaments périmés, un seul endroit: la pharmacie. Celle-ci les collecte gratuitement et les remet au distributeur en gros, alors chargé de leur incinération. Selon l’Association générale de l’industrie du médicament, ce sont à peu près 600 tonnes de médicaments qui sont ainsi détruites chaque année en Belgique.
Sont acceptés par les pharmaciens: les pilules, les suppositoires, les gélules, les résidus de sirops et de médicaments liquides, les restes de médicaments semi-liquides en tube, les restes de sprays et d’aérosols, et les pansements médicamenteux inutilisés. Tous doivent être remis dans leur conditionnement d’origine (plaquette, bouteille…), exempts de la boîte d’emballage et de la notice.