Le gouvernement fédéral veut réduire les dépenses de santé de 907 millions d’euros dès 2026. Une lettre d’intention, adressée par Frank Vandenbroucke aux instances de l’Inami, fixe un cadre budgétaire strict tout en laissant la porte ouverte aux négociations. Médicaments, actes médicaux, hôpitaux, mutualités et patients… Tous sont mis à contribution.
Une lettre d’intention envoyée le 22 juillet 2025 par le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) aux instances de l’Inami fixe les objectifs en matière de soins de santé et marque une nouvelle étape dans le processus budgétaire, prévu par l’accord de coalition et encadré par une loi-cadre en cours de finalisation. Le ministre socialiste flamand veut cadrer dès cet été les négociations du budget 2026 de l’assurance maladie. Pour cette année jugée «charnière», le gouvernement fixe un objectif d’économies de 907 millions d’euros, réparti entre différents postes du système de soins.
Une première tranche de 264 millions d’euros correspond à des mesures déjà actées dans les années précédentes, comme des gels partiels de croissance, des baisses de prix de médicaments ou des conventions tarifaires. Ces montants doivent toutefois être consolidés en mesures structurelles.
Vient ensuite le secteur pharmaceutique, le plus fortement mis à contribution, avec 275 millions d’euros d’efforts supplémentaires à fournir. Cette somme s’ajoute aux 158 millions d’euros déjà prévus dans des révisions de prix, des ajustements budgétaires ou des engagements des médecins et pharmaciens. Des mesures concrètes sont détaillées: économies sur les antiacides (53,9 millions), sur les statines (33,3 millions), sur la facturation partielle des pharmacies hospitalières, ou encore via un ticket modérateur renforcé, estimé à 26,2 millions d’euros.
Les médecins sont appelés à contribuer à hauteur de 150 millions d’euros, par une réduction du volume ou du coût de certaines prestations techniques: actes d’imagerie, de biologie clinique, de chirurgie ou de prestations spéciales.
Les hôpitaux doivent eux aussi participer à l’effort. Une économie de 50 millions d’euros est attendue par une réorganisation des soins en hôpital de jour et une meilleure efficience entre institutions. Le gouvernement évoque la suppression de forfaits pour certaines prestations ambulatoires ou la fusion de fonctions redondantes.
Les organismes assureurs (mutualités) sont mis à contribution à hauteur de 25 millions d’euros. Ils doivent, selon Frank Vandenbroucke, «démontrer leur implication dans la maîtrise des dépenses, notamment via le contrôle et le suivi des pratiques».
Enfin, une série de mesures qualifiées de transversales vient compléter la répartition, pour un montant total de 143,5 millions d’euros. Ces mesures sont réparties sur plusieurs axes et concernent l’ensemble du système. Le gouvernement prévoit d’abord un plan renforcé de contrôle et de lutte contre la fraude, porté par l’Inami, qui devrait permettre d’économiser 25 millions d’euros. Ensuite, 35 millions sont attendus grâce à la «réduction de la sous-utilisation de certains soins». Il s’agit ici de situations où certains patients ne reçoivent pas les traitements auxquels ils ont droit, ce qui entraîne, à long terme, des coûts évitables. Par ailleurs, 33,5 millions d’euros proviendraient de mesures exceptionnelles, qui ne rentrent pas dans le calcul budgétaire habituel. Il peut s’agir de décisions ponctuelles ou de dépenses inhabituelles, comme des projets pilotes ou des réformes spécifiques. Autrement dit, ce sont des économies qui viendraient s’ajouter au cadre budgétaire sans affecter les mécanismes structurels habituels de l’assurance soins de santé. A cela s’ajoutent encore diverses corrections techniques et ajustements, qui seront affinés et validés à l’automne 2025.
L’ensemble de ces montants totalise les 907 millions d’euros exigés. Le cabinet de Frank Vandenbroucke précise que «cette ventilation peut encore évoluer, pour autant que les alternatives proposées respectent le principe d’efficience et l’équilibre global du budget».
Ticket modérateur, une contribution accrue des patients
Parmi les pistes évoquées, l’introduction d’un ticket modérateur minimal sur les médicaments figure parmi les mesures susceptibles d’avoir un impact direct sur les patients. Le gouvernement propose d’instaurer une participation forfaitaire d’un euro par boîte pour les bénéficiaires de l’intervention majorée, et de deux euros pour les autres assurés. Cette participation concernerait les boîtes de médicaments pour lesquelles le ticket modérateur actuel est inférieur à ces montants.
Le ticket modérateur est un mécanisme déjà en vigueur dans le système de sécurité sociale belge, visant à «responsabiliser les patients tout en assurant un haut niveau de remboursement.» Pour le ministre de la Santé, «cette hausse, qui reste à discuter dans les instances compétentes, permettrait de financer un nouveau système d’accès rapide aux médicaments innovants. Elle s’accompagnerait aussi d’un élargissement du maximum à facturer, afin d’inclure davantage de médicaments essentiels comme les contraceptifs ou certains traitements contre les allergies.»
Les premières réactions sont venues des mutualités. La Mutualité chrétienne insiste sur la «nécessité d’évaluer attentivement l’impact social d’une telle mesure, notamment pour les patients chroniques.» De son côté, Solidaris a rappelé l’importance de préserver l’accessibilité financière aux soins pour tous.
Un cadre contraignant, mais ouvert à la discussion
Le cabinet du ministre de la Santé insiste sur le fait que ces propositions ne sont pas imposées telles quelles. «Les instances de l’Inami et les partenaires qui y siègent (prestataires de soins, mutualités, syndicats, employeurs, patients) ont toute latitude pour proposer d’autres mesures, dès lors que le cadre budgétaire global est respecté. Ce processus de dialogue est d’ailleurs prévu par la loi-cadre récemment approuvée.»
Frank Vandenbroucke justifie cette démarche par la volonté de dégager des marges de manœuvre à partir de la seconde moitié de sa législature. «L’objectif est d’investir dans des priorités fixées par le Conseil général de l’Inami avec un renforcement des soins de première ligne, amélioration de l’accessibilité financière, investissements dans les soins dentaires et de santé mentale, ainsi qu’un soutien accru au personnel soignant. En ce sens, j’appelle à un effort collectif, mais différencié selon les responsabilités de chacun. Un assainissement ciblé aujourd’hui est indispensable pour éviter, à l’avenir, des coupes linéaires qui toucheraient indistinctement tous les secteurs.»