Le Comité de l’assurance de l’Inami n’est pas parvenu à un accord sur le budget des soins de santé 2026. Onze refus contre neuf suffrages favorables parmi les prestataires. Le gouvernement fédéral doit maintenant déposer sa propre note au Conseil général le 21 octobre. L’ABSyM et Unessa rejettent la trajectoire d’économies et alertent sur l’accès aux soins et l’emploi.
Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) a demandé 907 millions d’euros d’économies d’ici 2026, dont 150 millions sur les prestations médicales. L’une des pistes envisagées était de relever le ticket modérateur de quatre à cinq euros en 2027, afin de compenser 150 millions d’euros. Les mutualités soutenaient ce schéma alors que le principal syndicat de médecins, l’ABSyM a voté contre.
«L’ABSyM ne peut accepter la dernière proposition avancée par les mutualités. Cela ne donne pas de garanties suffisantes: à plusieurs reprises déjà, des promesses faites à moyen terme n’ont pas été tenues», déclare Patrick Emonts, président de l’ABSyM. Le syndicat rappelle avoir plaidé pour une indexation du ticket modérateur, resté inchangé depuis une vingtaine d’années.
Pour l’ABSyM, l’effort demandé dépasse la réalité des chiffres: «Si l’on se penche sur les travaux budgétaires, on observe que les médecins ont réalisé des dépassements pour un montant de 31 millions d’euros. Or, dans sa lettre de mission, le ministre Vandenbroucke leur demande 150 millions d’euros d’économies, en plus des 72,5 millions d’euros d’économies déjà réalisées pour 2025 et des 62 millions d’euros qu’ils vont rendre au 1er janvier 2026.»
«Nous sommes d’accord de participer à l’effort nécessaire pour maintenir le budget des soins de santé à flot, mais nous ne pouvons pas être le banquier des soins de santé. L’effort doit être mieux réparti», poursuit Patrick Emonts. Les incertitudes s’ajoutent sur plusieurs chantiers: «Pour l’instant, nous sommes encore dans le flou total. Nous ne savons pas ce que la réforme de la nomenclature va nous apporter. Pour certaines spécialités, on parle d’une diminution des revenus des médecins qui pourrait aller jusqu’à 30%. Nous ne savons pas non plus sur quoi va déboucher la réforme du financement des hôpitaux. Et enfin, les suppléments d’honoraires restent au cœur des négociations. Le ministre, lui, semble ignorer que leur suppression en ambulatoire mettrait en péril la qualité des soins et la survie de nombreux cabinets médicaux.»
Le président de l’ABSyM met aussi en cause la méthode de négociation de Frank Vandenbroucke: «La concertation est un mot vide de sens avec le ministre Vandenbroucke. Le chiffre des 150 millions d’euros à réaliser est totalement arbitraire. Personne n’a su nous expliquer d’où il vient. Mais le ministre a maintenu ce chiffre. Par ailleurs, le calendrier des économies proposé n’offre pas de garanties suffisantes pour notre secteur.»
Côté mutualités, la déception est affichée: «La proposition budgétaire présentée était le résultat d’un processus rigoureux et approfondi, dans lequel nous avons laissé la place à différentes options, déclare Elise Derroitte, vice-présidente de la Mutualité chrétienne. Les prestataires qui ont voté contre la proposition préfèrent remettre leur sort entre les mains des politiques plutôt que dans le modèle de concertation. Ce sont les patients qui en feront les frais.»
Unessa dit non et met en garde pour les hôpitaux
La fédération Unessa a aussi voté contre. Elle juge que l’essentiel de l’effort retombe sur l’hôpital sans mesures corrélées sur les charges. Le cadre financier est déjà sous forte pression. La norme de croissance a été limitée à 2%, puis rabotée à 0,8% via des montants interdits à dépenser. Les mesures initiales représentaient au moins 200 millions dès 2026, dont environ 50 millions sur l’hôpital de jour et plus de 170 millions via les honoraires, les implants et la pharmacie.
La fédération annonce plusieurs conséquences de l’échec des négociations. Comme le gel d’embauches, le risque de licenciements, l’allongement des délais de consultation, les fermetures partielles d’activités moins rentables et la pression accrue sur des équipes déjà en tension. «On ne peut pas baisser les recettes hospitalières tout en laissant intacts -voire laisser croître- les coûts récurrents et fixes. Sans une neutralité économique, la seule soupape qui subsiste, ce sont des licenciements ou l’augmentation des suppléments d’honoraires en chambre individuelle. Or, c’est précisément ce que nous voulons éviter», explique Philippe Devos, directeur général d’Unessa.
Unessa propose un plan d’apaisement baptisé Pax Hospitalia, couvrant la période 2026-2028. La fédération plaide pour une neutralité économique immédiate, un partage équitable de l’effort entre intra- et extramuros et avec l’industrie, des assises des soins raisonnables à organiser en douze mois, avec des objectifs mesurables et des lignes directrices claires, ainsi qu’une régulation de la demande en première ligne sans stigmatisation. Objectif affiché, réduire les charges par des achats groupés nationaux, encadrer la variabilité par des forfaits et des lignes directrices opposables, et évaluer les trajectoires via Promes et les indicateurs de l’Inami.
La suite est politique: au gouvernement d’arbitrer entre rigueur budgétaire et accès aux soins. Les syndicats restent vent debout: «L’effort doit être mieux réparti», martèle l’ABSyM. Les hôpitaux demandent des garanties sur les charges: «Sans neutralité économique, la seule soupape, ce sont des licenciements», prévient Unessa.