Au moment de la sortie, bien des patients découvrent une facturation supplémentaire pour la télévision, le frigo, le wifi ou un lit d’appoint. Cachés sous la mention «autres services», ces montants ajoutent souvent plusieurs dizaines d’euros au total.
Le choc se produit souvent au moment du paiement. La facture d’hospitalisation affiche d’abord le prix des soins, des honoraires et des médicaments. Tout semble prévu. Jusqu’à cet ajout de plusieurs dizaines d’euros pour accéder à une télévision, ouvrir un petit frigo, surfer sur Internet ou louer un lit pour un proche.
En 2023, 126,8 millions d’euros de suppléments ont été facturés aux patients hébergés en chambre à deux lits ou en chambre commune. Parmi eux, 33,7 millions d’euros concernent des «autres services» que la loi qualifie de frais de confort: télévision, réfrigérateur, accès wifi, bouteille d’eau, lit pour l’accompagnant, produits d’hygiène non remboursables… Ces montants ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Ils pèsent intégralement sur le patient ou son assurance complémentaire.
Pour le député fédéral Jan Bertels (Vooruit), il faut interdire cette facturation liée aux frais de conforts: «De nombreux patients découvrent à leur grande surprise des frais supplémentaires, cachés. Ils doivent payer un supposé confort, sans savoir exactement ce qui est repris dedans. Nous demandons à ce que les représentants des services hospitaliers soient entendus sur ce problème.»
Le socialiste flamand a en ce sens défendu sa proposition de loi en commission santé ce 3 juin: «Nous faisons face à un problème double. Les patients ne sont pas informés et ne peuvent donner leur accord avant ou après la facturation. Ces suppléments ne sont autorisés que pour les chambres individuelles. Il ne peut pas y avoir de suppléments pour des choses standard qui sont de toute façon présentes dans les hôpitaux. Nous demandons qu’il ne soit pas possible de le faire, et que, dans le cas des chambres individuelles, cela soit détaillé. Le patient doit pouvoir choisir en étant conscient des coûts inattendus.»
Quand le confort creuse la facture
Le code des hôpitaux et l’arrêté royal du 17 juin 2004 encadrent en théorie la facturation des frais liés au confort d’une chambre. Ceux-ci ne peuvent être réclamés que si la prestation ne fait pas partie des services de base de l’établissement, si le montant est raisonnable et proportionnel, et surtout si le patient a été informé clairement et a donné son accord avant l’admission. L’information doit être sans ambiguïté et le consentement établi. Pourtant, dans 69 des 100 hôpitaux visés par l’enquête de l’Agence intermutualiste (AIM), ces principes ne sont pas respectés. La feuille d’admission ne détaille pas toujours la nature des services facturés et le montant est souvent décidé a posteriori.
Dans certains établissements, un forfait journalier de onze euros pour la télévision, le mini-bar et le wifi est appliqué à toute chambre, même quand la loi n’autorise ces frais que pour une chambre individuelle. Beaucoup de patients ignorent qu’ils peuvent refuser ces services. Ils signent sans réaliser que leur signature équivaut à un accord qui sera facturé à la sortie. Le phénomène n’est pas récent, mais il a pris de l’ampleur ces dernières années. «Plusieurs établissements ont relevé leurs tarifs d’hébergement, sans que cela soit compensé par une amélioration perceptible du confort», alerte l’AIM.
Une hospitalisation moyenne de cinq jours dans une chambre double peut ainsi générer un supplément de 25 à 55 euros, uniquement pour la télévision, le frigo et le wifi. Un montant qui pèse sur les budgets alors que l’assurance maladie obligatoire ne le rembourse pas. Solidaris, par le biais de son secrétaire général Paul Callewaert, dénonce ces pratiques depuis avril. Il souligne l’injustice subie par ceux qui ne maîtrisent pas la lecture d’une facture médicale: «Nous encourageons les patients à réclamer des explications, à vérifier systématiquement leurs factures et à contester toute ligne douteuse auprès de leur mutualité. On ne peut exclure une logique de profit. Nous rappelons que l’objectif d’un hôpital n’est pas de faire du chiffre sur le dos des malades.»
Le malaise hospitalier
Le phénomène des frais de confort n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un malaise plus profond. En Wallonie et à Bruxelles, 28% des hôpitaux ne publient pas la liste à jour des suppléments susceptibles d’être facturés, contre 10% en Flandre. Cette absence d’information publique viole l’arrêté royal de 2004 et l’article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. Ceux qui affichent une grille tarifaire voient souvent leurs listes rédigées dans un langage opaque, avec des codes internes et des abréviations incompréhensibles. D’autres patients subissent une double facturation, comme le confirmait l’enquête de Solidaris d’avril 2025.
Des consommables médicaux déjà couverts par le financement forfaitaire des soins hospitaliers sont refacturés par après. Dans ce contexte, interdire les suppléments de confort apparaît comme un premier pas pour restaurer une facturation plus juste, avant même d’attaquer la question des consommables médicaux.
De son côté, la Fédération des institutions de soins de la Région de Bruxelles-Capitale (GIBBIS) indique que: «Les frais de confort sont tous accessibles au public et consultables dans les déclarations d’admission de chaque patient. Il n’y a pas de volonté de cacher des montants. Les frais sont identiques dans tous nos établissements hospitaliers. Certains produits nécessitent qu’on y attache des frais en raison de leur forte demande. Je pense aux produits d’hygiène, à la connexion internet ou encore aux repas et boissons supplémentaires.»
Le secteur hospitalier craint que si ces recettes disparaissent, elles devront faire face à un trou budgétaire équivalent aux 33,7 millions d’euros encaissés l’an dernier sous la rubrique «autres service.» A ce stade, la proposition de loi de Vooruit ne fixe aucune compensation automatique. Ses auteurs indiquent qu’ils consulteront les fédérations hospitalières pour mesurer l’impact financier et envisager des pistes avant le vote définitif de la loi.
Pour ce qui est de la question globale du refinancement du secteur hospitalier, secteur en crise économique depuis quelques années, le député Vooruit tempère: «Les hôpitaux subissent une pression énorme. Ce problème doit être réglé mais il faut voir comment mettre en place la réforme des hôpitaux tout en condamnant les abus. La vraie question ne doit pas être perdue de vue. Nous voulons la pérennité économique des hôpitaux.»