Dans certains fromages du commerce, un ingrédient interpelle: les sels de fonte. Additifs utilisés pour rendre les produits laitiers crémeux, ils ne présentent pas de danger pour la santé, tant que leur dosage est strictement limité. Néanmoins, ils peuvent perturber le microbiote intestinal.
«Source de calcium et de vitamine D», «aide pour la croissance des os», «sans colorants ni arômes artificiels»… Ces allégations santé sont mises en évidence sur de nombreux produits lactés et spécialités fromagères marketés pour les enfants. Mais derrière ces emballages colorés, tout n’est pas aussi rose qu’un pot de Petit Gervais. Foodwatch a épinglé dix produits laitiers vantés comme bons pour la santé des enfants, mais en réalité trop gras, sucrés, salés et ultratransformés.
Soit tout à fait déséquilibrés pour le public qu’ils ciblent, selon les critères de l’OMS. «Ils ne devraient en principe pas avoir le droit de cibler les enfants avec leur marketing racoleur, souligne l’organisation de défense des consommateurs. C’est pourtant le cas, faute de réglementation.» Et Audrey Morice, chargée de campagnes chez Foodwatch, d’ajouter: «On sait désormais que la consommation [de produits ultratransformés] augmente le risque d’obésité et de maladies chroniques chez les enfants» telles que le diabète de type 2, des cancers ou des maladies cardiovasculaires.
Présence de sels de fonte
Plusieurs des produits pointés du doigt ne sont disponibles que sur le marché français, mais certains d’entre eux peuvent être achetés dans les magasins belges. C’est le cas des Mini Rolls Babybel et des Nesquik Petit, mais aussi des Kiri goûter, et des Danonino Go goût fraise. Ce dernier est qualifié de produit ultratransformé, car il contient de l’amidon modifié, trop d’acides gras saturés et de sucre, selon les critères de l’alimentation pour enfants de l’OMS. Quant au Kiri goûter, il est trop gras, trop calorique et trop salé. Il contient, en outre, du polyphosphate (E452).
Il s’agit d’un additif alimentaire employé comme sel de fonte, une catégorie qui inclut aussi l’acide citrique (E330), le citrate de sodium (E331) et le phosphate de potassium (E340). Ils donnent au fromage fondu sa texture crémeuse en réarrangeant les protéines pour empêcher la séparation des graisses, explique l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Ces sels de fonte se retrouvent dans de nombreux fromages, destinés aussi bien aux enfants qu’aux adultes: tranches de cheddar, emmental ou gouda fondu, La vache qui rit, Apéricubes, Maredsous ou Herve à tartiner, Leerdammer spreadable, Eru… Parfois, la liste des ingrédients précise les additifs utilisés, d’autres fois, les fabricants se contentent de la mention «sel(s) de fonte». Quelquefois, les industriels n’en utilisent qu’un, d’autres, ils ajoutent plusieurs à leurs produits.
«Les additifs impactent indirectement le microbiote en modifiant l’équilibre des micro-organismes intestinaux. Les perturber peut conduire à des problèmes de surpoids ou d’inflammation.»
Dérèglement du microbiote
Mais quels sont leurs effets sur la santé? «Voir des codes comme E452 sur les emballages devrait rassurer les consommateurs, lance d’emblée Christophe Blecker, professeur en technologies alimentaires à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). Ces additifs sont extrêmement réglementés, et en principe, les doses retrouvées dans les produits alimentaires sont limitées. Le risque pour la santé l’est donc aussi.» Il nuance toutefois: «Si ces additifs font l’objet de tests rigoureux, ceux-ci sont toutefois limités à nos connaissances scientifiques actuelles.»
S’ils présentent peu de risques de toxicité et ne sont pas cancérigènes, les effets sur la santé d’additifs comme le phosphate ou le polyphosphate sont en revanche bien réels. «Ils impactent indirectement le microbiote en modifiant l’équilibre des micro-organismes intestinaux. Or, on le sait, les intestins sont un peu comme notre deuxième cerveau: les perturber peut conduire à des problèmes de surpoids ou d’inflammation», expose le professeur Blecker, qui évoque des cas documentés de dérèglement important du microbiote après des tests sur des souris. Il s’agissait néanmoins de conditions excessives auxquelles n’est pas censé être exposé l’homme, «à moins d’une consommation chronique».
S’il estime que les sels de fonte ne présentent pas de danger réel pour la santé, le professeur de Gembloux Agro-Bio Tech rejoint Foodwatch sur la nécessité d’une réglementation plus stricte pour les produits destinés aux enfants, dénonçant «l’aberration de ces aliments qui ciblent spécifiquement les plus jeunes».