Une jeune Américaine, consommatrice d’e-cigarettes depuis l’âge de 14 ans, a été diagnostiquée du syndrome du «poumon pop-corn». Les arômes des e-liquides sont pointés du doigt. Si, en Belgique, le risque de développer cette maladie est faible, il n’est pas nul.
Moyen de se sevrer en douceur de la cigarette classique ou porte d’entrée pour certains vers la consommation de tabac? L’impact sanitaire des cigarettes électroniques fait débat. D’autant que le nombre de consommateurs ne cesse d’augmenter. En Belgique, la proportion d’utilisateurs quotidiens est passée de 4,1% en 2018 à 6,3%, selon l’Enquête de Santé 2023-2024 de Sciensano. En prenant en compte l’ensemble de la population ayant déjà testé une e-cigarette, cette proportion monte à 21,7% (15,5% en 2018).
Selon l’Institut national de santé publique, cette augmentation générale est surtout due à une hausse importante de la consommation chez les plus jeunes, ciblés par le secteur à coups de vapes colorées et de goûts aussi divers que variés. Alors qu’en 2018, seul 0,6% des 15-24 ans faisait quotidiennement usage d’une cigarette électronique, ils sont aujourd’hui 6,3%. Près de 11,11% des jeunes sondés ont répondu en utiliser de manière occasionnelle, lorsqu’ils n’étaient que 5,5% à l’affirmer, il y a sept ans.
Vape et poumon pop-corn
Si les e-cigarettes sont exemptes de tabac, les e-liquides contiennent d’autres produits potentiellement néfastes pour la santé, parmi lesquels des arômes: bubble gum, fraise, kiwi, saveurs exotiques, noisettes, brownie… C’est l’une de ces saveurs qui aurait rendu malade Brianne Cullen.
«Les jeunes arrivent à se procurer un peu tout et n’importe quoi sur Internet. On ne sait pas d’où ça vient, ce qui peut être dangereux.»
Cette Américaine de 17 ans avait fait la une de la presse anglophone, en avril dernier, lorsqu’elle a été diagnostiquée d’une bronchiolite oblitérante. Cette maladie respiratoire rare «atteint les bronchioles, donc les voies respiratoires profondes, et est souvent liée à l’inhalation de produits chimiques», explique la tabacologue Valérie Bonhivers. Cette affection tire son surnom de syndrome «du poumon pop-corn» des premiers cas diagnostiqués dans une usine de maïs soufflés. C’est l’inhalation de diacétyle, une cétone liquide et volatile à l’odeur et au goût de beurre, qui a provoqué la maladie. Une substance également utilisée dans certains e-liquides aux arômes fruités et exotiques, comme ceux que consommait Brianne Cullen depuis trois ans.
«La bronchiolite oblitérante est une maladie irréversible et chronique, il n’existe donc pas de traitement permettant d’en guérir», prévient l’Association pulmonaire du Québec. Des traitements existent cependant pour en réduire les symptômes (essoufflement, toux, respiration sifflante, fatigue…) et ralentir la progression de la maladie.
Les interdictions contournées
En Belgique, aucun cas de bronchiolite oblitérante due au vapotage n’a été signalé. Le risque pour un vapoteur européen de développer la maladie du poumon pop-corn reste d’ailleurs théoriquement faible, «car les fabricants doivent respecter des normes, et certains produits ne sont tout simplement pas autorisés, indique la tabacologue. Néanmoins, on n’a pas assez de recul ni d’études probantes sur la consommation intensive et à long terme de ces arômes fruités. Plus ceux-ci sont complexes, comme les saveurs bubble gum ou cookies, plus des produits sont nécessaires pour les fabriquer. Selon nos connaissances actuelles, certains arômes parmi les plus controversés ont déjà été retirés du marché, mais d’autres pourraient encore gonfler cette liste prohibée dans les années à venir.»
«Les poumons ne sont pas faits pour respirer autre chose que de l’air. Il est absurde d’encourager le vapotage chez des personnes qui ne fument pas.»
En outre, si ces composés sont interdits à la vente sur le marché européen, cela n’empêche pas les vapoteurs d’obtenir des e-liquides. Un nombre important de consommateurs sont jeunes, parfois mineurs. Or, en Belgique, la vente de vapes est interdite aux personnes de moins de 18 ans. Ceux-ci se tournent donc vers les marchés illégaux ou vers des vendeurs moins regardants. «Ils arrivent à se procurer un peu tout et n’importe quoi sur Internet. On ne sait pas d’où ça vient, ce qui peut être dangereux», alerte Valérie Bonhivers.
«Les poumons ne sont pas faits pour respirer autre chose que de l’air. Il est absurde d’encourager le vapotage chez des personnes qui ne fument pas, mais il ne faut pas pour autant diaboliser l’e-cigarette, insiste-t-elle. Elle peut être une porte de sortie pour les fumeurs, à condition d’être accompagnés et que la durée de recours à la cigarette électronique soit la plus courte possible, avec des arômes les moins complexes possibles», conclut la tabacologue.