L’ex-président des Etats-Unis Joe Biden a été diagnostiqué d’une forme «agressive» d’un cancer de la prostate. En Belgique, ce type de cancer est aujourd’hui le plus répandu, devant le cancer du sein. Son taux de létalité reste toutefois relativement faible.
L’annonce a provoqué une onde de choc outre-Atlantique. Dimanche, les services de santé de Joe Biden ont révélé que l’ex-président américain souffrait d’une forme «agressive» d’un cancer de la prostate. A 82 ans, les chances de survie du démocrate s’annoncent plutôt faibles, d’autant que des métastases ont été détectées au niveau osseux. A l’instar de l’octogénaire américain, de plus en plus de Belges se voient diagnostiquer cette forme de cancer ces dernières années. Voici six choses à savoir sur cette pathologie oncologique.
1. Un cancer sur six
En 2022, 12.699 nouveaux cancers de la prostate ont été recensés sur le territoire national, selon les chiffres les plus récents de la Fondation contre le Cancer. Un chiffre qui a presque doublé en huit ans: en 2014, la maladie avait été nouvellement détectée chez «seulement» 7.929 patients. La prostate est ainsi devenue l’organe le plus touché par la maladie, représentant un cas de cancer sur six (16,6%), tout sexe confondu. Il devance ainsi le cancer du sein, avec quelque 11.302 cas enregistrés en 2022 (un cancer sur sept, ou 14,83%). Une progression qui devrait se poursuivre dans les années à venir. Selon les projections de l’European Cancer Information System (ECIS), 13.103 cancers de la prostate devraient être diagnostiqués en Belgique en 2040.
2. Les aînés, les plus touchés
Le cancer de la prostate est une véritable «maladie de la vieillesse». Sur les 12.699 cas enregistrés en 2022, la toute grande majorité (11.178) concernaient les plus de 61 ans, d’après les données de la Fondation contre le Cancer. Dans le détail, la tranche d’âge de 61 à 70 ans représentait 4.394 cas; celle de 71 à 80 ans, 4.881 cas; et celle des 80 et plus, 1.901 cas. «Le pic de la maladie se situe entre 65 et 75 ans, confirme Emmanuel Seront, professeur aux Cliniques Universitaires Saint-Luc et spécialiste des cancers urologiques. C’est la raison pour laquelle nous centralisons les dépistages à partir de 50 ans, sauf contre-indication.» L’âge étant le principal facteur de risque, il est peu étonnant de voir le nombre de cas s’envoler ces dernières années. «La Belgique fait face à une population vieillissante, qui vit plus longtemps grâce aux progrès médicaux, pointe Emmanuel Seront. Aujourd’hui, les patients décèdent moins de phénomènes cardio-vasculaires et meurent à un âge plus avancé. Ils ont donc davantage le temps de développer des cancers de type prostatique.»
3. Un cancer «héréditaire»
Outre l’âge, les antécédents familiaux sont également un facteur de risque important. Selon la Fondation contre le Cancer, environ 20% des cancers de la prostate surviennent dans des familles où plusieurs hommes ont déjà développé la maladie. «Plus il y a eu de cas dans la famille, plus le risque augmente, informe la Fondation. Le risque est deux à trois fois plus élevé chez les hommes dont le père, un frère et/ou un oncle a (ont) développé un cancer de la prostate.» Dans ce genre de situation, le dépistage est «conseillé à partir de 40 ans», précise Emmanuel Seront.
4. L’influence de l’ethnicité
Autre facteur de risque: l’origine ethnique. Pour une raison encore indéterminée, le cancer de la prostate est plus fréquent chez les hommes d’origine afro-antillaise. «Ils ont tendance à développer des cancers beaucoup plus agressifs et à un âge plus précoce que la population caucasienne, par exemple», indique le Dr Seront. Certaines théories pointent les différences d’alimentation et de modes de vie pour expliquer cette prévalence. «Mais cela peut aussi être lié aux gênes différents, explique l’oncologue. Les raisons de ce phénomène n’ont pas encore été suffisamment étudiées.»
5. Un taux de survie élevé
Heureusement, le cancer de la prostate est associé à un faible taux de létalité. En moyenne, 98.3% des patients s’en sortent. Un pourcentage élevé qui s’explique par le développement très lent de la maladie. Il faut habituellement une dizaine d’années avant qu’elle ne cause des symptômes. «Grâce à un dépistage intensif, le cancer est généralement détecté alors qu’il n’en est qu’à un stade localisé», précise le professeur aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. D’ailleurs, de nombreux hommes âgés de plus de 70 ans sont atteints de la maladie sans le savoir. «Dans les autopsies port-mortem, on remarque qu’entre 36 et 40% des patients décédés présentaient des cellules cancéreuses qui ne se sont pas développées, assure le Dr Seront. Les patients meurent donc plutôt « avec » le cancer de la prostate que « du » cancer de la prostate.»
6. Progrès médicaux
Dans le cas d’un cancer localisé, une simple surveillance suffit à contrôler l’évolution de la maladie. «On ne doit pas tout de suite se précipiter vers un traitement radical, qui peut entraîner des effets secondaires pour le patient et impacter négativement sa qualité de vie», insiste le Dr Seront. Mais évidemment, il arrive que le cancer devienne métastatique (ou soit diagnostiqué à ce stade déjà avancé). Dans 90% de ces cas, les métastases se développent au niveau osseux (comme pour Joe Biden). Dans cette situation, le traitement consiste en général en de l’hormonothérapie. «Il n’y a rien de plus hormono-dépendant que le cancer de la prostate, explique Emmanuel Seront. Ce type de cancer se développe grâce à l’apport de testostérone produit par les testicules. L’idée est donc de stopper l’apport de testostérone qui va alimenter la tumeur, via des injections ou des comprimés qui limitent la production de l’hormone.» Insidieuses, les cellules cancéreuses réussisent parfois à s’adapter en produisant elles-mêmes de la testostérone. Une réponse que les médicaments d’hormonothérapie de nouvelle génération permettent de contrer. «Ces progrès médicaux sont extrêmement efficaces», se réjouit l’oncologue. Le Dr Seront souligne en outre les avancées sur le plan de l’imagerie. «Aujourd’hui, on arrive à détecter de façon beaucoup plus précise la localisation des métastases du cancer de la prostate. Ce qui permet, via la radiothérapie, de cibler uniquement l’intérieur de ces cellules.»
«Les patients meurent plutôt “avec” le cancer de la prostate que “du” cancer de la prostate.»
Bref, le diagnostic d’un cancer de la prostate est loin d’être une sentence de mort. Grâce à un dépistage massif et aux progrès médicaux, la guérison est fréquente. «Evidemment, le taux de survie en situation métastatique n’est pas aussi excellent qu’en stade localisé, reconnaît le spécialiste. Mais il faut garder espoir, car l’arsenal thérapeutique à notre disposition ne cesse de grandir au fur et à mesure du temps.»