Des liquides pour puffs et des sachets à base de 6-méthyl-nicotine circulent depuis peu en Belgique. © Getty Images/Johner RF

La 6-méthyl-nicotine, copie (presque) conforme de la nicotine, débarque en Belgique: «Encore plus addictive, elle cible les jeunes»

A quelques jours de la Journée mondiale sans tabac (31 mai), les spécialistes s’inquiètent de l’arrivée d’une nouvelle molécule potentiellement très problématique: la 6-méthyl-nicotine. Commercialisée sous l’appellation «No-Nic», elle ressemble pourtant furieusement à la nicotine. Elle serait même bien plus addictogène. Les jeunes, qui peuvent facilement s’en procurer en ligne, sont clairement le public cible.

Fin mai, en France, le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNLT) a lancé l’alerte face à la 6-méthyl-nicotine (également appelée métatine). Cette molécule de synthèse a été identifiée dans des produits de vapotage et des sachets oraux commercialisés dans l’Hexagone. Présentée «de manière trompeuse comme innovante, sans tabac ou sans nicotine», elle posséderait pourtant un potentiel addictif bien plus élevé que la nicotine issue de la plante de tabac.

Depuis quelques mois, cette molécule se fraie également un chemin en Belgique. «Des pochettes contenant du 6-méthyl-nicotine circulent actuellement ici, parfois sous des appellations comme « No-Nic ». En ce qui concerne les e-cigarettes, la présence de cette molécule semble plus marginale», confirme le SPF Santé publique, qui se prépare à communiquer officiellement sur le sujet.

Qualifier ces produits de «No-Nic» est clairement trompeur. La 6-méthyl-nicotine ne présente pas la même structure que la nicotine naturelle, mais elle a des effets similaires. «Elle a fait son apparition aux Etats-Unis il y a quelques années, éclaire Adrien Meunier, tabacologue à l’hôpital de la Citadelle, à Liège. Quand la nicotine de tabac a été interdite dans les puffs (e-cigarettes jetables), on a conçu en laboratoire de la nicotine de synthèse qui présentait exactement la même structure. Une fois qu’elle a été interdite à son tour, on a créé la 6-méthyl-nicotine qui, puisqu’elle n’est pas exactement pareille, a permis de passer outre cette interdiction.»

Si le SPF Santé publique estime qu’il est encore trop tôt pour se prononcer de manière définitive sur les risques associés à cette nouvelle molécule de synthèse, il appelle tout de même à la vigilance. Et pour cause: la 6-méthyl-nicotine rendrait encore plus dépendant. «Elle agit sur les mêmes récepteurs que la nicotine issue de la plante de tabac mais elle libère plus de dopamine, ce qui rend ses effets anxiolytiques plus importants. En fonction des études, on l’estime trois à cinq fois plus addictogène que la nicotine naturelle», explique Adrien Meunier.

Sur les paquets, un message de prévention à l’égard de la nicotine, mais rien sur le potentiel addictif encore plus puissant du « No-Nic ». © Aroma King

En France, le CNLT avance que la 6-méthyl-nicotine favorise également le développement d’espèces réactives de l’oxygène dans les cellules pulmonaires, associée à des réactions inflammatoires et à des dommages cellulaires. «Certaines études tendent à montrer une certaine toxicité à l’égard de certains organes, mais ça reste à confirmer», tempère le tabacologue.

Le pouvoir addictogène renforcé de la 6-méthyl-nicotine doit toutefois, à lui seul, repousser les (potentiels) consommateurs. D’autant plus les jeunes, qui semblent particulièrement ciblés par le marketing agressif organisé sur les réseaux sociaux autour de cette nouvelle molécule. «Ils risquent fortement de devenir dépendants et pourraient finir par se tourner vers d’autres produits, voire vers le tabagisme», prévient Adrien Meunier.

En plus des professionnels de la santé, la 6-méthyl-nicotine inquiète le secteur de la vape. «Ce type de produit fait de la mauvaise publicité pour l’industrie légale et responsable de la vape, déplore Dany Michel, président de la Fédération belge de la vape (Febeva). Cela crée de la confusion dans l’esprit du grand-public. C’est à cause de ce type de dérive qu’on continue de croire que la cigarette électronique est néfaste, alors qu’elle est reconnue comme un outil utile au sevrage tabagique.» Un propos à nuancer. L’avis du Conseil supérieur de la santé est clair: certes il reconnaît que «la e-cigarette est considérée comme nettement moins nocive que les cigarettes classiques» et «constitue une meilleure alternative au tabac pour les fumeurs et peut être utilisée comme aide au sevrage tabagique», mais il précise bien par ailleurs que «la e-cigarette n’est pas sans risque, elle est potentiellement dangereuse. Les e-liquides contiennent de nombreuses substances dont les informations sur leur toxicité par inhalation font défaut.»

Comme il s’agit d’une nouvelle molécule, le cadre légal entourant la 6-méthyl-nicotine reste encore relativement flou. Il semble toutefois impossible d’en commercialiser légalement en Belgique. «Nous avons pris la décision en interne de considérer la 6-méthyl-nicotine, ainsi que d’autres analogues, comme étant de la nicotine. En conséquence, les règles existantes en matière de pochettes de nicotine (interdites) et de e-liquides sont appliquées aux produits contenant cet additif», indique le SPF Santé publique.

Traduction: les formes les plus populaires à travers lesquelles on retrouve actuellement la 6-méthyl-nicotine en Belgique rendent sa commercialisation illégale. Les sachets et pochettes de nicotine sont interdits depuis 2023, tandis que les puffs le sont depuis le début de l’année.

En revanche, il existe aussi des liquides à base de 6-méthyl-nicotine destinés aux cigarettes électroniques rechargeables –qui sont, elles, légales. En l’état, la commercialisation de ces flacons semble donc autorisée, à condition que l’acheteur ait au moins 18 ans. Mais ça pourrait ne pas durer très longtemps. Le SPF Santé publique promet de bientôt communiquer plus formellement au secteur. Des contrôles seront ensuite mis en place, d’abord auprès des grossistes, puis progressivement dans les petits commerces.

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