Nous assistons actuellement à une révolution naissante dans le traitement de l’hépatite C : de nouveaux médicaments ont montré des taux de guérison impressionnants. Certains médecins se prennent même à rêver de voir le virus éradiqué.
L’hépatite C est une infection du foie provoquée par un virus du même nom, transmis quasi exclusivement par voie sanguine. L’injection de drogues avec des aiguilles sales est l’un des principaux modes de transmission, ce qui donne une image particulièrement négative à cette maladie. Pourtant, une grande partie des personnes infectées l’ont été par des produits sanguins impurs ou des aiguilles d’injection sales, par exemple au cours de campagnes de vaccination à grande échelle dans les pays pauvres. La médecine est donc en grande partie responsable du déclenchement de l’épidémie d’hépatite C, ce qui a longtemps pesé sur la conscience de nombreux médecins.
Ce n’est qu’après avoir isolé le virus de l’hépatite C, en 1989, qu’il a été possible de lancer une prévention digne de ce nom, notamment par le contrôle du sang destiné à la transfusion ainsi que d’autres dérivés sanguins. Par ailleurs, il semble que les personnes nées entre 1945 et 1965 courent cinq fois plus de risque d’être infectées par ce virus que le reste de la population, sans que l’on ne comprenne pourquoi.
Une infection longtemps qui est longtemps passéeinaperçue
Environ 75 % des personnes infectées ne ressentent aucun symptôme, sinon tout plus quelques symptômes vagues et légers, qui n’inspirent pas d’inquiétude et qui peuvent s’observer dans de nombreuses autres maladies bénignes. Moins d’une personne infectée sur quatre développera une forme d’ictère (jaunisse), un symptôme bien plus fréquent dans l’hépatite B, souvent confondue avec l’hépatite C.
Comme l’infection entraîne peu de symptômes et que la majorité des personnes ne savent pas qu’elles sont infectées, la maladie peut attaquer et ravager le foie pendant de nombreuses années. Elle éclate au grand jour lorsque le foie est tellement atteint qu’il ne peut plus remplir correctement sa fonction. Malheureusement, les lésions sont alors incurables, et la seule solution possible est la transplantation hépatique, dont l’hépatite C est d’ailleurs une des indications majeures.
De la guérison au cancer Il est noter qu’une guérison spontanée est possible, mais chez moins de 20 % des personnes contaminées, le plus souvent au cours des six premiers mois ; par la suite, les chances de guérison spontanée sont très faibles. Les malades développent alors une infection chronique du foie généralement longtemps silencieuse. Néanmoins, chez certains, les choses en restent là : le virus reste bien actif, mais les foyers d’infection n’entraînent pas de nouvelles lésions hépatiques. Chez les autres, par contre, l’organe se remplit progressivement de cicatrices internes, créant un état qu’on appelle fibrose hépatique. La situation peut ensuite évoluer vers la cirrhose et, finalement, vers le cancer du foie. 10 à 20 % des personnes contaminées développeront une cirrhose dans les 20 ou 30 ans après le début de l’infection. 1 à 5 % d’entre elles évolueront même jusqu’au cancer du foie, avec un risque d’environ 1 sur 3 d’en décéder au cours de l’année.
Le décours individuel de l’infection est impossible à prévoir, mais certains facteurs y contribuent. L’alcool n’est pas la cause de la maladie mais il stimule la multiplication du virus et accélère ainsi l’évolution vers la fibrose et la cirrhose. L’usage quotidien de marijuana semble également favoriser la fibrose.
En plus d’être à l’origine de cancer du foie et d’insuffisance hépatique, une cirrhose sévère augmente également le nombre de décès pour des maladies que les patients auraient pu vaincre si leur foie avait été bien fonctionnel. Cet aspect de la maladie est souvent méconnu, car les autres maladies captent toute l’attention.
La fin d’un cancer ? L’espoir vient cependant d’être relancé, grâce à de nouveaux médicaments très prometteurs. Ils semblent capables de bloquer la multiplication du virus avec succès. Plusieurs études récemment bouclées ont montré des pourcentages de guérison compris entre 95 et 99 % après un traitement de 12 semaines seulement. Inutile de préciser que les médecins sont enthousiastes. Jusqu’ici, ils étaient prudents avant de prescrire certains médicaments, car il n’était pas rare qu’ils aggravent l’état des patients. Ils devraient bientôt avoir à leur disposition des médicaments qui ne provoquent pas d’autres problèmes et permettent de guérir dans un temps relativement bref.
Mieux encore : guérir l’hépatite C implique que l’on empêche la survenue d’un cancer du foie. Et c’est unique : dans la grande majorité des cancers, le but est de le dépister aussi rapidement que possible pour ensuite traiter, avec les risques engendrés, comme les fausses alarmes, les cancers qui échappent à la détection et les traitements qui ne fonctionnent pas. Les nouveaux médicaments de l’hépatite C, pour leur part, aident à éradiquer le virus, ce qui met un terme à l’infection et à l’inflammation qui l’accompagne, permettant au foie de guérir. Le cancer peut donc être évité !
Les nouveaux médicaments sont également intéressants pour les transplantés du foie chez qui l’hépatite C reprend vigueur. Les résultats sont alors un peu moins bons, mais de toute manière encore bien meilleurs que ceux obtenus par les anciens médicaments.
Les nouveaux produits ne sont pas encore disponibles en Belgique, mais ils devraient l’être probablement bientôt.
Un espoir pour l’avenir
Même si ces nouvelles sont excellentes, il convient de rester sur nos gardes : il n’est pas rare que le résultat en pratique courante soit inférieur à celui obtenu lors des études, où l’accompagnement et le suivi des patients est d’excellente qualité. Du reste, le nombre de patients inclus dans les études est toujours faible en comparaison avec les centaines de milliers de personnes qui seront amenées à prendre le traitement étudié. De nouveaux effets inattendus peuvent alors se produire. En tous cas, s’ils tiennent leurs promesses, on pourra affirmer qu’un pas gigantesque aura été franchi en médecine.
Par Jan Etienne
Un coût élevé Les nouveaux médicaments sont chers et donc difficiles à prendre en charge par notre société aux moyens limités : les 12 semaines de traitement coûteraient entre 60.000 et 80.000 a. Cependant, le long traitement d’une cirrhose ou d’un cancer du foie coûte aussi beaucoup d’argent. Reste donc à déterminer qui doit se voir prescrire des médicaments aussi chers, car toutes les personnes infectées ne développeront pas un cancer du foie, et personne n’est en mesure de prédire qui en sera épargné ou pas.