Frais inattendus et double facturation, les hôpitaux belges dans le viseur: «Nous envisageons une action en justice.» © Getty Images

Les hôpitaux belges dans la tourmente, entre frais inattendus et double facturation: «Nous envisageons une action en justice»

Près de 30% des hôpitaux belges ne respectent pas leur obligation légale de transparence sur les suppléments de matériel médical. D’autres surfacturent des produits pourtant déjà remboursés par l’assurance maladie. Une double peine pour les patients, selon Solidaris, qui exige une remise en ordre immédiate.

A l’occasion de la Journée des droits du patient, Solidaris publie une nouvelle analyse alarmante sur la facturation de matériel médical dans les hôpitaux belges. Près de 26 des 92 hôpitaux étudiés ne mettent pas à disposition de leurs patients la liste des suppléments facturés pour les consommables médicaux, comme le prévoit pourtant la loi. Cela représente plus d’un hôpital sur quatre, 28% d’entre eux, avec d’importantes inégalités géographiques: en Wallonie et à Bruxelles, un établissement sur deux manque à l’appel, contre un sur dix seulement en Flandre​.

Cette obligation n’est pas nouvelle. Un arrêté royal du 17 juin 2004 impose aux hôpitaux belges de publier, tant en ligne qu’au sein de leurs locaux, une liste actualisée des prix des biens et services susceptibles d’être facturés. Ce texte vise à renforcer la transparence des coûts hospitaliers et le droit des patients à faire un choix éclairé, tel que défini dans l’article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

«Cette obligation vise précisément à éviter que les patients découvrent des frais inattendus sur leur facture, explique Paul Callewaert, secrétaire général de Solidaris. Un tiers des hôpitaux persistent à ignorer la loi. C’est non seulement inacceptable d’un point de vue légal, mais aussi profondément injuste. Si les hôpitaux ne sont pas en ordre d’ici juin, nous envisagerons une action en justice.»

Quand les listes sont disponibles, elles s’avèrent souvent peu compréhensibles. Certaines utilisent des termes médicaux opaques, mélangent les frais médicaux et non médicaux, ou affichent des codes internes comme «V260 – Oncologie B&B» sans explication. Parfois, l’hôpital se contente d’indiquer que l’information est «disponible à l’accueil.» Une mention qui ne satisfait pas à l’exigence de publication web, jugée essentielle pour une véritable transparence.

Des prix délirants pour du matériel déjà remboursé

Plus grave encore, Solidaris pointe un phénomène de double facturation. 25 hôpitaux parmi ceux qui ont publié une liste tarifaire continuent à facturer séparément des consommables qui sont déjà couverts par la Sécurité sociale via le financement forfaitaire des soins hospitaliers. Cela inclut notamment les seringues, pansements, sets de désinfection, cathéters ou aiguilles, tous mentionnés dans l’article 104 de la loi hospitalière, qui interdit leur refacturation aux patients.

«Les patients paient deux fois. Via leurs cotisations à l’assurance maladie et via la facture de l’hôpital, dénonce Paul Callewaert. C’est en totale contradiction avec l’esprit et la loi. Il faut que cela cesse.»

Le rapport pointe également des écarts de prix ahurissants entre établissements pour des produits de base. Quelques exemples : des poches de froid entre 2,82 et 32,77 euros, du shampoing de 0,25 à 17,30 euros, ou encore des compresses allant de 13,18 à 86,92 euros.

Des différences si extrêmes qu’elles interrogent sur les marges pratiquées par certains hôpitaux. «On ne peut exclure une logique de profit, souligne le rapport. Nous rappelons que l’objectif d’un hôpital n’est pas de faire du chiffre sur le dos des malades.»

Plusieurs établissements cumulent les infractions. Ils ne publient pas de liste et facturent des produits interdits, comme le ZAS à Anvers, le Centre hospitalier de Mouscron ou encore l’hôpital universitaire Erasme à Bruxelles​.

Vers une réforme du cadre de facturation?

Face à ces abus, Solidaris appelle à un renforcement des contrôles, mais aussi à une simplification et une standardisation des listes tarifaires. Le mutualiste plaide notamment pour un modèle commun à tous les hôpitaux, avec des termes clairs, des catégories normalisées et l’interdiction explicite des produits déjà financés par l’assurance.

Côté politique, le sujet ne laisse pas indifférent. A la Chambre, plusieurs parlementaires ont interpellé le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke ces derniers mois sur la facturation abusive des suppléments. En février dernier, il a rappelé que «toute surfacturation est contraire à l’éthique des soins» et que «les hôpitaux doivent respecter scrupuleusement les règles.» Mais jusqu’ici, aucune sanction concrète n’a été prise contre les établissements en faute.

Solidaris, de son côté, encourage les patients à réclamer des explications, à vérifier systématiquement leurs factures et à contester toute ligne douteuse auprès de leur mutualité. «Si vous doutez, ne payez pas tout de suite, conseille Paul Callewaert. Appelez-nous d’abord.»

Le mutualiste a d’ailleurs adressé un courrier officiel aux 26 hôpitaux en infraction pour les sommer de se mettre en règle. A défaut, il demandera l’interdiction pure et simple de facturer les produits dont le prix n’est pas publiquement accessible. «Transparence ou gratuité: à eux de choisir», tranche Paul Callewaert.

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