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« Et si ton cortisol était en cause? »: les fausses affirmations des réseaux sociaux

Fatigue, anxiété, ou visage bouffi: « Et si ton cortisol était en cause? » Sur les réseaux sociaux, des spécialistes auto-proclamés accusent le cortisol – aussi appelé hormone du stress – d’être responsable d’une série de maux, tout en vendant conseils et produits censés le réguler.

« Neuf signes alarmants d’un taux de cortisol trop élevé« , avancent des pseudos experts, énumérant pêle-mêle des problèmes de sommeil, des difficultés à perdre du poids, de la frilosité ou de l’irritabilité. « Si tu te reconnais dans au moins un des symptômes, j’ai créé un programme fait pour toi », avancent certains, quand d’autres affichent des « codes promo » pour des compléments alimentaires promettant de réduire « jusqu’à 75% » son taux de cortisol.

Ces messages sur les réseaux sociaux, selon lesquels le cortisol aurait un impact sur le bien-être, sont « loin » de la réalité, explique à l’AFP le Pr Guillaume Assié, endocrinologue à l’hôpital Cochin, à Paris. Le cortisol, une hormone produite par les glandes surrénales, joue un rôle dans la régulation du stress, du métabolisme ou encore du système immunitaire.

Sa libération suit un rythme circadien, avec un pic le matin puis une diminution progressive au fil de la journée. Et elle peut être perturbée lors d’événements stressants. Mais avoir un taux beaucoup trop faible ou beaucoup trop élevé de cortisol est en réalité très rare, comme dans le syndrome de Cushing (excès) ou la maladie d’Addison (déficit).

« La finalité, c’est vendre »

En dehors de ces pathologies, « inutile » de s’inquiéter de son taux de cortisol, insiste le docteur en santé publique Thibault Fiolet, dénonçant « le charlatanisme » de professionnels autoproclamés. Utilisant le concept de « fatigue surrénalienne », ils affirment que « des millions de personnes souffrent d’une hypoactivité des glandes surrénales due à des facteurs de stress répétés, ce qui entraîne de nombreux symptômes non spécifiques »… dans lesquels « tout le monde peut se retrouver », expose-t-il.

Selon la Société française d’endocrinologie, il n’existe « aucune preuve scientifique permettant de confirmer que la fatigue surrénale est une véritable affection médicale ». Une revue de 58 études réalisée en 2016 concluait même à un « mythe ».

Certains « coaches en nutrition » affirment également que le cortisol pourrait empêcher de maigrir et serait responsable de l’apparition d’un ventre gonflé (« Cortisol Belly ») ou d’un visage bouffi (« Cortisol Face »). Si une production excessive de cortisol peut influencer l’apparence du visage, comme dans la maladie de Cushing, le stress quotidien ne suffit pas à provoquer des changements physiques de ce type.

Pour lutter contre ce prétendu dérèglement de cortisol, les réseaux sociaux regorgent de publications sur des régimes, compléments alimentaires ou boissons détox – à base d’eau de coco et de jus d’agrumes, censés réguler l’hormone. « L’intérêt de parler du cortisol est purement lucratif, la finalité, c’est vendre », constate M. Fiolet, alors qu' »aucune donnée clinique ne démontre d’effets bénéfiques de ces produits ».

« 300 à 1.500 euros »

Pauline Guillouche, hépato-gastro-entérologue, alerte pour sa part sur le « marché » des analyses biologiques « prescrites par des professionnels autoproclamés », hors du circuit médical. « On parle de dosage salivaire de cortisol mais aussi du microbiote et de l’intolérance alimentaire« , dont les résultats « permettraient de mettre en évidence des déficits » qui ne seraient pas visibles avec « la médecine dite conventionnelle », explique cette spécialiste. Selon les témoignages qu’elle a recueillis, ces tests, « absolument pas fiables », coûteraient de « 300 à 1.500 euros le package complet ».

« Si vous passez par un circuit alternatif, vous perdez toute garantie de qualité« , prévient le Pr Assié. Or, de nombreux tests de dosage de cortisol « à faire à la maison » sont aussi disponibles sur internet. « S’il y a, derrière, un service commercial non certifié proposant de vous faire parvenir du matériel pour réaliser un prélèvement (…) et ne passant pas par un laboratoire d’analyses médicales classique en ville ou à l’hôpital, il y a une prise de risque », indique-t-il.

Outre la « perte d’argent », le Dr Guillouche pointe un risque d’errance pour « ces personnes souvent assez désespérées à qui on promet de trouver une réponse à tous leurs problèmes » et qui peuvent être ainsi incitées « à se détourner de la médecine ».

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