Et si le sexe des nouveaux-nés n’était pas seulement dû au hasard: 50% ou pièce truquée? © Getty Images

Et si le sexe des nouveaux-nés n’était pas seulement dû au hasard? Une nouvelle théorie de la «pièce truquée»

Une nouvelle étude britannique bat en brèche la croyance selon laquelle la naissance d’un garçon ou d’une fille relèverait toujours d’une probabilité fixe.

En apparence, tout reste stable. Une fille, un garçon, une autre fille. Une alternance, comme une parité statistique imprimée dans le tissu biologique. Depuis toujours, la science répète la même chose: chaque grossesse a une chance sur deux d’aboutir à un enfant d’un sexe ou de l’autre. Chaque nouvelle naissance serait indépendante des précédentes. Et pourtant.

Une étude publiée dans Science Advances par une équipe de la Harvard T.H. Chan School of Public Health vient de révéler une faille dans ce vieux modèle. En analysant les données de 146.067 accouchements, issues des registres nationaux de naissance britanniques, les chercheurs ont montré que certaines familles présentent une tendance marquée à n’avoir que des enfants du même sexe. Une forme de biais invisible, enfoui dans le patrimoine génétique ou les mécanismes hormonaux.

Les résultats démontrent que les femmes ayant déjà eu trois garçons ont 61% de probabilité d’en avoir un quatrième, contre seulement 50% si le sexe de l’enfant était distribué de manière parfaitement aléatoire. Même constat chez celles ayant eu trois filles, avec 58% de probabilité de voir naître une quatrième. Plus la fratrie s’allonge, plus l’écart s’accentue. Dans certaines familles, la loi du tout-ou-rien semble supplanter la loterie.

Une pièce biaisée, propre à chaque lignée

Le cœur de l’étude repose sur un changement d’échelle. Plutôt que d’étudier chaque naissance isolément, les chercheurs ont observé les schémas familiaux. Il en ressort que les fratries avec un fort déséquilibre de sexes ne sont pas plus rares que prévu, elles sont au contraire surreprésentées. Les auteurs parlent d’une distribution bêta-binomiale, où chaque famille possède sa propre «pièce», légèrement biaisée vers un sexe ou l’autre.

Pour écarter un biais bien connu, celui des couples qui s’arrêtent de procréer dès qu’ils obtiennent un enfant du sexe désiré, l’équipe a exclu les derniers enfants des séries. Même après ce nettoyage statistique, les effets persistent. «Ce n’est pas une question de choix reproductif, mais de configuration interne, propre à certaines lignées», concluent les auteurs de l’étude.

L’un des résultats les plus inattendus concerne l’âge de la mère au moment du premier accouchement. Selon l’étude, les femmes devenues mères après 28 ans ont 43% de chances d’avoir des enfants tous du même sexe, contre 34% pour celles ayant accouché avant 23 ans. Cette différence, statistiquement significative, suggère que l’âge biologique pourrait influencer les chances de déséquilibre sexuel.

La biologie en embuscade

Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce phénomène ? Plusieurs pistes biologiques sont évoquées. D’abord, le raccourcissement de la phase folliculaire du cycle menstruel avec l’âge, qui favoriserait la fécondation par les spermatozoïdes porteurs du chromosome Y. Ensuite, l’acidification progressive du pH vaginal, qui créerait un environnement plus favorable aux spermatozoïdes porteurs du chromosome X. Ces deux effets vont en sens inverse, mais pourraient produire une sorte de filtre asymétrique, propre à chaque personne.

Ce terrain reste largement exploratoire. Mais ce n’est pas tout. En examinant les profils génétiques de plus de 7.500 femmes, les chercheurs ont également identifié deux régions du génome associées à la probabilité d’avoir des enfants d’un seul sexe. Le gène TSHZ1, situé sur le chromosome 18, est statistiquement lié à des fratries composées uniquement de garçons. Le gène NSUN6, sur le chromosome 12, semble favoriser les naissances féminines. Aucun de ces deux gènes n’était jusqu’ici connu pour influencer la détermination du sexe à la naissance.

«Nous ne savons pas encore comment ces gènes agissent, mais leur lien statistique est robuste», commente dans l’étude Jorge Chavarro, professeur de nutrition et d’épidémiologie à Harvard. Pour lui, ces résultats ouvrent une nouvelle voie: celle d’une prédisposition génétique au sex-ratio familial, partagée par des groupes de parents et transmissible au fil des générations.

Une science encore partielle

Comme toute étude de grande ampleur, ces résultats s’accompagnent de limites. Le corpus étudié reste dominé par des femmes blanches d’origine britannique, avec une diversité génétique et culturelle limitée. Les chercheurs reconnaissent aussi qu’ils ne disposent d’aucune donnée sur les pères biologiques. Or, les caractéristiques du sperme, notamment la proportion de spermatozoïdes X ou Y, ou leur vitesse, pourraient jouer un rôle déterminant. En l’absence d’informations croisées sur les deux parents, il est impossible de reconstituer les interactions potentielles entre facteurs maternels et paternels.

Autre inconnue: l’impact de facteurs environnementaux, comme l’alimentation, l’exposition à certains produits chimiques, ou les niveaux de stress chronique. Tous ces éléments, potentiellement modulables, restent à explorer. Pour l’heure, l’étude se concentre sur les aspects biologiques et génétiques identifiables à partir des bases de données existantes.

Reste que cette recherche bouscule un mythe ancien, celui d’un hasard parfait. Les résultats confirment que, pour une part non négligeable de la population, le sexe d’un enfant n’est pas statistiquement indépendant de celui des aînés. Il existe des familles où la pièce ne tourne pas. Elle tombe, encore et encore, du même côté.

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