Certaines simplifications interviennent pour les actes posés par les infirmiers. © Hans Lucas via AFP

Elargissement des soins infirmiers à domicile sans prescription: une avancée, «mais que se passera-t-il en cas de contrôle?»

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Dès ce 1er novembre, les infirmiers et infirmières à domicile pourront effectuer davantage de soins sans avoir besoin d’une prescription. Cette mesure vise à accroître leur autonomie et à réduire la charge administrative. Sur le terrain, la mesure est jugée favorablement mais accueillie avec prudence.

La vaccination pour la grippe, un geste de saison pour une partie de la population. Une piqûre qui, dès ce 1er novembre, pourra être effectuée directement par un infirmier à domicile, sans prescription d’un généraliste pour poser l’acte médical. Une facilité permise par la modification d’un arrêté royal, intervenue en septembre dernier, encadrant les exigences de prescription pour le remboursement dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire, rappelle l’Inami.

Jusqu’à présent, les patients devaient disposer d’une prescription pour certains actes médicaux effectués par les infirmiers à domicile, afin d’être remboursés par la mutuelle. Une obligation qui sera supprimée dès samedi pour une série d’actes comme la vaccination, la mise en place de certaines perfusions ou encore des injections, notamment.

«C’est une modification que nous accueillons positivement, qui favorise une plus grande autonomie, juge Joachim Delbart, infirmier indépendant et référent du Cilib, collectif qui défend les intérêts des infirmiers indépendants auprès des autorités. Cette modification permet de soulager à la fois le prescripteur du soin et le personnel infirmier. Cela montre l’évolution de notre place par rapport à d’autres prestataires de soins et signe une forme de reconnaissance du métier, dont le monde infirmier a bien besoin.»

Une charge administrative inchangée?

Au total, une trentaine d’actes sont classés dans cette catégorie dite «B1», soit ceux ne nécessitant pas de prescription et pouvant être effectués par un infirmier ou une infirmière. Chaque traitement sera toujours établi par le médecin, mais il ne faudra plus obligatoirement de prescription pour chaque acte individuel. «Cela peut alléger aussi un peu la charge de travail administrative. On ne devra par exemple plus redemander une nouvelle prescription en cas de problème avec celle-ci. Nous pourrons aussi directement en parler au chevet du patient, encoder tout ça et mettre en route le suivi plus rapidement. C’est une petite avancée, pas encore majeure, mais appréciable, qui signifie aussi plus de responsabilités à assumer», poursuit l’infirmier, par ailleurs membre du conseil d’administration de l’Union générale des infirmiers de Belgique (UGIB), la coupole qui rassemble 40 organisations professionnelles du secteur.

Son confrère Pascal Clerincx, président de l’Association des infirmières indépendantes de Belgique (AIIB), se montre plus prudent quant à la charge de travail. «Récupérer une prescription auprès d’un médecin, ce n’est pas ce qui charge le plus la barque. Vous devriez voir la complexité du dossier qu’il faut remplir pour un simple soin de plaie par exemple. Il faut des photos, prendre des mesures sur la taille de la plaie, avec une nomenclature qui change tous les quinze jours et des programmes informatiques qui ne suivent pas… C’est là que se situe la lourdeur administrative

Celui-ci se montre également plus critique sur l’intérêt intrinsèque de cette nouveauté. «Avant, il y avait une prescription qui justifiait l’acte, avec un avis médical derrière. Comment cela se passera-t-il si demain un patient se plaint du dos et qu’un infirmier réalise une injection pour le soulager? Je ne dis pas qu’on est incapable de dire que le patient souffre, mais un avis médical est toujours utile. Et quid en cas de contrôle par l’Inami, comment devra-t-on justifier ou se défendre d’avoir facturé tel ou tel acte?», interroge-t-il.

Des besoins qui explosent

Cette modification intervient également à un moment où le monde des soins infirmiers reste sous tension. La pénurie frappe, le métier reste lourd, et cela alors que la population vieillit, entraînant avec elle la hausse de la demande pour cette ligne de soins de proximité. «Il faut rappeler qu’en 2030, plus de 30 % de la population sera âgée de plus de 65 ans. En restreignant les budgets, on court droit vers une catastrophe sanitaire. Le vrai combat est probablement plus à chercher de ce côté-là, pour aider le monde infirmier, que sur une simplification pour des prescriptions», prévient encore Pascal Clerincx.

Joachim Delbart abonde, avec prudence. «Est-ce un écran de fumée du ministre de la Santé (NDLR: Frank Vandenbroucke, Vooruit), alors que la profession a toujours des revendications? Difficile à juger. On note clairement une volonté de faire des économies dans le secteur de la santé, avec des budgets qui se décident sans vraie concertation avec le terrain. Quand on voit l’explosion des maladies chroniques, l’explosion des besoins, quand on rencontre des patients qui ont parfois déjà du mal aujourd’hui à payer leurs soins, il est clair que le secteur a besoin de rester correctement financé et que nous n’en prenons pas forcément le chemin.»

Si les deux représentants du secteur ne nient pas qu’il existe peut-être des pistes d’économies, à trouver en bonne concertation, ils défendent avant tout une qualité des prestations qui reste à la hauteur des attentes des patients. Avec ou sans prescription.

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