Une étude américaine signale la présence possible de polluants éternels –les PFAS– dans certains produits menstruels réutilisables. Un risque encore mal connu, qui soulève des interrogations sur la composition de ces alternatives censées être plus sûres.
Les serviettes hygiéniques et les tampons en sont presque devenus ringards: depuis quelques années, les alternatives aux produits intimes jetables sont nombreuses et en plein essor. «Du côté des options internes, on retrouve la coupe menstruelle, l’éponge menstruelle ou encore le disque menstruel», explique Juliette Lepage, de l’association BruZelle, qui lutte contre la précarité menstruelle et le tabou autour des règles. «Les serviettes lavables et les culottes menstruelles sont quant à elles des alternatives externes.» Toutes ces options tentent de conquérir le public féminin en jouant la carte écologique (utilisation possible durant plusieurs années), économique (rentabilité sur le long terme) et sanitaire. Fini, les substances et autres résidus toxiques (plusieurs études ont révélé la présence par exemple de plomb, d’arsenic, de glyphosate…). Vraiment?
L’Université de l’Indiana vient de publier une étude mettant en lumière la présence de PFAS dans les produits intimes réutilisables. Sur 59 produits menstruels réutilisables analysés, tous présentent des traces de ces substances chimiques persistantes que l’on retrouve déjà dans l’eau potable, les emballages alimentaires ou certains textiles imperméables. Coupelles (ou cups), culottes de règles, serviettes lavables: aucun des produits testés n’échappe complètement à la présence de PFAS.
PFAS dans les cups et les culottes de règles: un nouveau manque de précision sanitaire
Pour Alfred Bernard, toxicologue à l’UCLouvain, cette découverte est à analyser sous deux angles: le taux d’absorption des PFAS par le corps et la durée de vie de ces substances une fois absorbées. Sur le premier point, son constat est sans appel: «Le taux d’absorption par la muqueuse vaginale est proche de 100%. Tout ce qui entre en contact avec cette zone a donc un fort potentiel d’absorption par l’organisme», explique-t-il. En revanche, concernant la nature des PFAS identifiés dans les produits testés, Alfred Bernard se veut plus rassurant. «L’étude met principalement en évidence la présence de fluorotélomères. Selon plusieurs travaux, leur durée de vie dans le corps est relativement courte, de l’ordre de quelques heures.» Une différence notable avec les PFAS dits «à chaîne longue», véritables polluants éternels, qui peuvent persister dans l’organisme pendant plusieurs années.
Pour Juliette Lepage et l’organisation BruZelle, la découverte de PFAS dans des produits réutilisables est décourageante. Mais au-delà de cette nouvelle étude, c’est le manque de transparence globale qui inquiète. «Il y a une réelle pression sur les femmes lorsqu’il s’agit de choisir leurs produits menstruels. Les informations sur les risques sanitaires de chaque produit restent floues. Cela rend le choix extrêmement complexe, voire anxiogène, pour celles qui veulent simplement opter pour une solution sûre.» Pour l’organisation BruZelle, cette pression ne devrait pas reposer sur les seules épaules des femmes, mais être redirigée vers les autorités publiques. «Ils devraient accentuer la pression sur les entreprises afin de garantir une meilleure transparence sur la composition des produits», estime Juliette Lepage.
Alfred Bernard voit toutefois un aspect positif dans la publication de cette étude qui, selon lui, pourrait inciter les fabricants à revoir leurs pratiques. «On l’a déjà observé dans le secteur des cosmétiques: certaines marques ont fini par retirer les PFAS de leurs formules sous la pression de l’opinion publique et des régulations. On peut s’attendre à un mouvement similaire pour les produits menstruels», estime-t-il. Une évolution qui pourrait, à terme, améliorer la qualité et la transparence de ces produits largement utilisés.
Hugo de Waha