Inodore, incolore et insipide, l’arsenic est présent dans l’alimentation, notamment dans la chair de certains poissons et crustacés, mais aussi dans le riz. Selon une récente étude, sa concentration dans la céréale pourrait augmenter dans les années à venir en raison du réchauffement climatique.
Le riz est l’une des céréales les plus cultivées et les plus consommées dans le monde, mais est aussi l’une de celles qui contiennent le plus d’arsenic, «un composant naturel de la croûte terrestre, largement présent dans l’environnement, que ce soit dans l’air, dans l’eau ou dans la terre», précise l’Organisation mondiale de la santé. Il apparaît dans les sols de manière naturelle, ou est une conséquence d’activités humaines telles que l’utilisation passée ou actuelle de pesticides et d’engrais, la teinture de textile, ou encore l’industrie minière.
Dans sa version carbonée, dite organique, l’arsenic est très peu toxique pour la santé, contrairement à sa version non carbonée, ou inorganique, qui se retrouve dans les grains de riz. Il est un «cancérogène avéré et est le plus important contaminant chimique de l’eau potable à l’échelle mondiale», indique l’OMS.
+2°C et plus d’arsenic
Par la nature du sol des rizières et la contamination des eaux d’irrigation, la présence d’arsenic dans le riz est presque inévitable. C’est pourquoi, en 2023, l’Union européenne a fixé de nouvelles limites à 0,2 mg/kg de riz. Or, la concentration en arsenic risque d’augmenter dans les années à venir à cause du réchauffement climatique, prévient une étude sino-américaine publiée dans la revue scientifique The Lancet Planetary Health.
Les scientifiques ont observé, durant dix ans, 28 cultivars de riz paddy (brut, non décortiqué) plantés en différents endroits. Répartis en quatre groupes, ceux-ci ont subi des traitements simulant différentes conditions climatiques: climat actuel, avec un taux de CO2 plus élevé, avec des températures plus élevés de 2°C, et enfin, avec un taux de CO2 et des températures plus élevées. Ils en ont conclu que «des températures supérieures à 2°C, associées à une augmentation des niveaux de dioxyde de carbone, entraînaient une augmentation des concentrations d’arsenic inorganique dans le riz, augmentant potentiellement les risques pour la santé des populations asiatiques d’ici 2050», précisent les auteurs de l’étude. D’après eux, ces constats peuvent être extrapolés aux riz cultivés dans d’autres régions de globe, comme les Etats-Unis ou l’Europe.
Comment réduire le taux d’arsenic de son riz?
A l’échelle individuelle, des mesures peuvent être prises pour réduire l’exposition à l’arsenic provenant du riz. Tout d’abord en sélectionnant le riz dont la concentration est la moins élevée. Bien que moins nutritifs, les riz blancs ont une teneur en arsenic inorganique plus faible que le riz brun, par exemple. Certaines études suggèrent, par ailleurs, que le riz basmati est celui qui concentrerait le moins d’arsenic.
La cuisson est tout aussi importante, car la bonne méthode permet d’éliminer une plus grande partie de l’arsenic présent dans la céréale. Une étude de l’Université de Sheffield, au Royaume-Uni, montre que plonger le riz durant cinq minutes dans une eau préalablement bouillie, avant de le refroidir à l’eau froide, puis de le cuire à nouveau jusqu’à absorption complète de l’eau «permet d’éliminer plus de 50% de l’arsenic naturellement présent dans le riz brun et 74% dans le riz blanc». Les chercheurs avancent que cette technique permettrait également de préserver les nutriments tels que le fer ou le zinc, alors que le prérinçage en éliminerait une grande partie.
Enfin, la dernière recommandation est de varier les céréales: pâtes, semoule, boulgour…
Mais ce que soulignent surtout les chercheurs chinois et étasuniens, c’est la nécessité de sélectionner et de développer des variétés de riz absorbant moins d’arsenic, en menant une meilleure gestion des sols dans les rizières et en adoptant de meilleures pratiques de transformation. Mais aussi, et peut-être même surtout, de freiner le réchauffement climatique. «De telles mesures, associées à des initiatives de santé publique axées sur l’éducation des consommateurs et la surveillance de l’exposition, pourraient jouer un rôle essentiel dans l’atténuation des impacts du changement climatique sur la consommation de riz», concluent les scientifiques.