médicaments cholestérol
Comment l’Arizona justifie une hausse de prix de médicaments: «Les communistes devraient y être sensibles.» © Getty Images

Comment l’Arizona justifie sa hausse de prix des médicaments contre le cholestérol: «Les communistes devraient y être sensibles»

Dès le 1er janvier 2026, le prix des statines, médicaments favorisés pour réguler le taux de cholestérol, va augmenter. Le traitement va passer de la catégorie de remboursement B à C. Une «cotisation solidaire» pour l’Arizona. Un blasphème pour l’opposition, qui se demande, encore et toujours, pourquoi les plus précaires, même malades, sont ceux appelés à contribution.

Dès le 1er janvier 2026, les statines, médicaments anticholestérol, passeront de la catégorie de remboursement B à C. Ce qui engendrera une hausse généralisée des prix pour les patients.

Les partenaires de l’Arizona défendent une mesure de «cotisations solidaires, justes et équitables», avec l’idée de faire participer ce qu’ils jugent être des «soins de conforts» aux ambitions d’économies à hauteur de 30 millions d’euros.

«Soyons clairs, il faut trouver de l’argent, pose d’entrée Jean-François Gatelier (Les Engagés), l’un des députés signataire du projet de loi. Notre mesure est nécessaire. Elle permet de faire des économies, tout en gardant la possibilité des investissements futurs dans des médications plus efficaces et innovantes. On est en plein dans ce que j’appelle une «cotisation solidaire». Les patients payent un peu plus cher leurs statines, et de l’autre côté, on finance une médication à la pointe, qui fait exploser le coût pharmaceutique. En six ans, le budget des soins de santé a doublé. L’Etat ne peut pas continuer à financer à ce point des patients qui ont des modes de vie inadéquats à leurs pathologies.»

Le cabinet du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), fait mention d’une augmentation de 5,33 à 10,66 euros pour la simvastatine, une des molécules de statine la moins prescrite en Belgique. Pour les bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM), cela passera de 3,20 à dix euros. De son côté, Solidaris fait part d’une hausse plus conséquente. De six à 20 euros en prenant en exemple l’atorvastatine, la statine la plus commercialisée dans le pays.

«Le ministre a regardé la liste des coûts pour chaque médicament. Les statines étaient tout en haut du tableau, et paf, il a décidé que les économies se feraient là-dessus», confie un député de la majorité, à qui l’on reproche parfois sa langue pendue.

«Cotisations solidaires», vraiment?

Le député des Engagés, Jean-François Gatelier vend une mesure «presque socialiste», à laquelle «les communistes devraient être sensibles», ajoute-t-il, non sans un brin de sarcasme à la Chambre, en s’adressant au PTB, fermement opposé au projet de loi.

Pour Sophie Merckx (PTB), le vol de la casquette floquée «médecine pour le peuple» passe mal: «Ce ne sont pas les patients et leurs doses de statines qui font grimper les coûts du budget santé. On parle ici de 100 euros par tête et par an. Mais ce sont les nouveaux médicaments aux prix exorbitants, jusqu’à 43 fois plus chers que les anciens, qui font exploser le budget. Là, le coût annuel dépasse les 4.000 euros par patient. Ces solutions médicales, comme le Leqvio, sont certes innovantes et efficaces, mais elles sont négociées sous forme de contrats secrets par le ministre Vandenbroucke. S’il y a de l’argent à trouver, ce serait certainement par là. Pas dans la poche du patient. On appelle «solidarité» le fait de faire passer à la caisse des patients chroniques et des pensionnés. A d’autres.»

Olivier Descamps, spécialiste de médecine interne, lipidologue et professeur à l’UMons et à l’UCLouvain, nuance les arguments politiques du PTB: «Ces médicaments plus onéreux dont on parle sont en réalité des piqûres très efficaces. On les prescrit soit à la demande du patient, ce qui est assez rare, mais le plus souvent pour des cas sérieux où les statines ne sont pas suffisantes

Le professeur universitaire rejoint toutefois le PTB sur l’un de ses arguments: «La logique de contribution solidaire est mal appliquée. Si on renchérit un traitement bon marché, bien validé, pour des patients modestes, tout en continuant à rembourser au même niveau les traitements de dernière ligne infiniment plus coûteux, il existe un risque très concret que certains patients demandent à arrêter leur statine en disant « je paie trop » ou « on m’a dit que ce n’était pas bon » et se tournent vers des alternatives beaucoup plus onéreuses pour la collectivité. On serait alors perdant sur tous les plans.»

«Un argument fallacieux»

Chez les députés signataires du projet de loi, il y a cet argument de «contribution», mais aussi celui de la qualité de vie du patient. Ils expliquent que le cholestérol peut en grande partie se corriger par une alimentation saine et de l’activité physique.

Pour le cardiologue Fabien Demeure, cet argument est fallacieux: «Leur raisonnement va à l’encontre des données scientifiques. Le cholestérol est très injuste d’une personne à l’autre. C’est génétique. Alors oui, les mesures d’hygiène de vie restent indispensables, mais leur impact est limité quand on parle de cholestérol. Même en optimisant au maximum l’alimentation et l’activité physique, la baisse du taux de cholestérol ne varie que de l’ordre de dix à quinze pour cent. Rarement plus. Si on veut une réduction efficace et durable, il faut un traitement médicamenteux, via de la statine et autres.»

Faire payer les plus précarisés

Le médecin et professeur Olivier Descamps évoque une inégalité peu mentionnée par les opposants à la mesure, et totalement écartée par ses partisans: «La situation socio-économique du patient définit en partie sa susceptibilité à développer des taux risqués de cholestérol.»

Ce dernier multiplie les consultations dans plusieurs coins de la Belgique. A La Louvière, dans le Brabant wallon, en passant par Woluwe-Saint-Lambert. Il y remarque une diversité des profils de patients, avec des habitudes de vie et un rapport à la consultation et médication préventive différente: «Le Hainaut est l’une des provinces les plus touchées par les maladies cardiovasculaires. C’est directement lié à son statut de région post-industrielle, où il y a un plus haut taux de précarité chez la population. Quand un patient est précarisé, il a plus de mal à suivre les recommandations médicales. Une alimentation saine a un coût à ne pas négliger. Le sport aussi.»

Le risque pointé par ce spécialiste de la santé, et partagé par ses confrères, réside dans une double facture du patient précarisé. En augmentant le prix des statines sans prendre en compte les facteurs socio-économiques, ils craignent l’accumulation des inégalités.

Décortiquée, la fameuse «cotisation solidaire» vendue à la Chambre sonne plutôt comme un mauvais jeu de mots pour les cardiologues. Seuls les signataires du projet de loi semblent croire dans le caractère social d’une hausse des prix des statines. «Ce type d’augmentation peut suffire à faire hésiter un patient entre poursuivre son traitement ou renoncer. Ce qui est, sans dramatiser, dramatique pour le combat cardiologique», conclut Olivier Descamps.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire