L’accord budgétaire conclu par l’Arizona implique plusieurs changements de taille pour les généralistes, qui vont devoir contrôler plus assidûment les malades de longue durée à partir de 2026. Le prix de certaines prestations médicales risque également d’augmenter.
Back to work. C’est l’un des chantiers phares de l’Arizona depuis son accession au pouvoir: remettre les malades de longue durée au travail. L’accord de majorité conclu en janvier dernier détaillait déjà les ambitions de l’exécutif en la matière, au travers un plan de cinq pages particulièrement exhaustif. Le budget fédéral présenté lundi en confirme les objectifs, qui sont désormais clairement chiffrés: 100.000 malades sur les 526.000 personnes actuellement en incapacité de travail devront retouver un emploi d’ici à 2030, avec à la clé 1,9 milliard d’euros d’économies en quatre ans. Soit un cinquième des 9,2 milliards d’efforts budgétaires promis par le gouvernement.
Cette remise au travail se fera par étapes, au cours desquelles les médecins généralistes seront particulièrement mis à contribution. Plusieurs nouveautés interviendront déjà dès le 1er janvier 2026, confirme l’INAMI.
1. Un premier certificat limité à trois semaines
Pour éviter les abus, le premier certificat d’invalidité ne pourra pas excéder les trois semaines. A l’issue de cette période, le certificat pourra être prolongé pour une durée de trois mois maximum au cours de la première année d’incapacité. Ces documents pourront uniquement être complétés par un généraliste qui a accès au dossier médical global (DMG) du patient, c’est-à-dire son médecin traitant. «Attribuer la responsabilité du certificat au médecin traitant est une bonne chose, qui permettra d’éviter le shopping médical, salue le Dr Lawrence Cuvelier, président du Groupement belge des omipraticiens (GBO). Le patient ne sera plus tenté de consulter ailleurs pour tenter de grapiller un certificat médical, donc ça évitera les fraudes. Même si elles restent minoritaires.»
2. Un renouvellement annuel
Au-delà des règles spécifiques à la première année d’invalidité, la vis sera également resserrée pour la suite du parcours. Dès le 1er janvier 2026, tout patient en incapacité de longue durée devra renouveler son certificat annuellement auprès de son médecin traitant. Celui qui ne se plie pas à la règle perdra son indemnité, sauf dans le cas de certaines pathologies qui sont «incontestablement de très longue durée ou très graves».
Ce suivi annuel permettra de pallier une «anomalie administrative totale», estime le Dr Luc Herry, président wallon de l’Absym (Association Belge des Syndicats Médicaux). «Aujourd’hui, on on voit certains invalides disparaître dans la nature ou se la couler douce en Espagne, s’offusque le généraliste. Il est impératif que ces patients soient suivis et contrôlés plus régulièrement.»
3. Questionner le potentiel de travail
Au cours de cette consultation annuelle, le médecin devra aborder avec son patient un éventuel retour en fonction. Cette évaluation du «potentiel de travail» apparaît logique aux yeux des deux généralistes, qui rappellent que cette reprise peut se faire de manière progressive et modulée. «Dans le cas d’un ouvrier, on peut par exemple lui délivrer un certificat d’aptitude pour certains travaux plus légers, mais continuer à lui proscrire des tâches plus lourdes, précise le Dr Herry. C’est à nous d’évaluer la pathologie et l’évolution du patient, et en cas de doute, de nous référer à son médecin du travail pour évaluer les possibilités d’adaptation.»
Ces adaptations restent toutefois fonction du secteur, et apparraissent plus envisageables dans de grandes entreprises qu’au sein de petites structures «qui ne comptent que quelques employés», nuance Lawrence Cuvelier. Dans ces conditions, l’objectif gouvernemental de remettre 100.000 personnes à l’emploi tient, à ses yeux, plutôt du «rêve» que d’une future réalité.
D’autant que toutes ces mesures entraîneront une charge de travail accrue pour les généralistes. «Sur le terrain, nous sommes déjà tous débordés et les pénuries sont criantes, rappelle le Dr Cuvelier. Ce plan contient des dispositions de bon sens, mais je ne saute tout de même pas d’enthousiasme. Je reste sceptique quant à nos capacités à assumer toutes ces missions.»
4. Des certificats digitalisés
Nouveauté aussi, à partir du 1er janvier 2026: les médecins traitants devront envoyer électroniquement tout certificat d’incapacité de travail de plus de quatorze jours à la mutualité de leurs patients. Cet envoi se fera de manière sécurisée via la plateforme Mult-eMediatt. Une manière d’alléger la surcharge administrative des médecins. «Aujourd’hui, on doit gérer un nombre invraisemblable de certificats différents, peste Luc Herry. Celui de notre logiciel personnel, celui à renvoyer à Medex pour les patients qui travaillent dans une administration, ainsi que des tas de certificats papiers à destination par exemple de l’employeur (NDLR: celui-là restera autorisé dans certains cas). Ce qu’on demande, c’est un seul certificat digitalisé, envoyé à toutes les parties.»
Si elle peut parfois «présenter des failles techniques», la digitalisation garantit toutefois une certaine sécurité, reconnaît Lawrence Cuvelier. «Elle évite les pertes qui sont malheureusement fréquentes chez certains patients.» Elle dissipe également toute tentation de la fraude. «Un certificat papier peut facilement être falsifié par le patient, qui peut par exemple en modifier les dates après l’avoir scanné, ce qui est un jeu d’enfant aujourd’hui, souligne Luc Herry. Le certificat digitalisé et centralisé est, lui, absolument infalsifiable.»
A noter que tous les changements précités s’ajoutent aux mesures déjà votées dans le cadre du budget des soins de santé, en octobre dernier, qui concernaient également les hôpitaux ou le remboursement des médicaments.
Hausse du ticket modérateur
Autre changement de taille acté par le fédéral dans son accord budgétaire: la hausse du ticket modérateur. Une mesure qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2026, mais qui comporte encore de nombreuses inconnues (quelles prestations médicales seront concernées? à quelle hauteur?). La seule certitude concerne les économies qu’elle devrait permettre, à savoir 125 millions d’euros par an.
Contrairement à ce qui a été relayé dans de nombreux médias, la hausse du ticket modérateur (NDLR: le montant qui reste à charge du patient après le remboursement de la mutualité) n’implique pas forcément une hausse du prix de la consultation médicale (chez le généraliste, par exemple). L’augmentation pourrait viser uniquement certaines prestations, comme des actes chirurgicaux ou des examens diagnostics. «Toute une réflexion doit désormais avoir lieu avec un groupe de travail pour déterminer où ce ticket peut être augmenté, en portant une attention accrue à l’accessibilité financière des soins pour certaines catégories de patients», précise le cabinet du ministre de la Santé, Franck Vandenbroucke (Vooruit).
Le cabinet ajoute que la majeure partie (100 millions d’euros) des économies réalisées par cette mesure «servira à financer une partie des investissements dans le personnel soignant», tandis que les 25 millions d’euros restants seront consacrés «au renforcement des administrations de la santé, indispensable pour mener à bien les nombreuses réformes prévues.» Les infirmières devraient notamment être revalorisées.
Une annonce qui ne ravit pas les généralistes, qui plaidaient pour une augmentation du ticket modérateur de leurs consultations à hauteur d’un euro pour revaloriser leurs honoraires ou financer la phonoconsultation. «Je n’ai rien contre les infirmières, mais nous allons être privés de ces retombées financières alors que nous demandons une indexation depuis plus de 20 ans», regrette le Dr Cuvelier.
«Le gouvernement vient continuellement puiser dans notre trésorerie d’honoraires pour faire des politiques sociales ou financer d’autres mesures, dénonce Luc Herry. Nous sommes toujours oubliés dans ce grand jeu budgétaire, et ça devient intenable.»
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