Qui succèdera au pape François? Le conclave qui débute mercredi à Rome tient en haleine les catholiques… et les internautes. (Photo by Dimitar DILKOFF / AFP) © AFP

Pourquoi l’élection du pape suscite tant d’engouement sur les réseaux sociaux: «C’est comme les Jeux olympiques»

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Vidéos humoristiques, paris en ligne et pronostics d’influenceurs religieux: les contenus autour de l’élection du pape pullulent sur les réseaux sociaux. Un engouement renforcé par le caractère mystérieux et symbolique du conclave.

Conclave, J-1. Les cardinaux ont pris leurs quartiers au Vatican mardi, à la veille de leur réunion historique pour élire le successeur du pape François. Un rassemblement à huis clos qui suscite un véritable engouement, bien au-delà de la sphère catholique.

Dans les médias traditionnels, l’élection est couverte sous ses multiples facettes. Mais l’intérêt a également gagné les réseaux sociaux, où les internautes semblent s’être véritablement pris de passion pour l’événement. Sur Instagram, X ou encore Facebook, les vidéos humoristiques et les contenus informatifs se multiplient ces derniers jours. Au total, plus de 1,3 million de tweets ont été publiés sur le sujet depuis le décès du souverain pontife, d’après les calculs de la plateforme de veille Visibrain. Sur TikTok, les contenus relatifs au conclave cumulaient plus de 363 millions de vues mardi. Un jeu en ligne a même vu le jour. Baptisé «Fantapapa», il permet de choisir ses cardinaux favoris et de faire ses pronostics sur le modèle des paris sportifs.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Mythes et protocoles

Une ferveur qui ne surprend pas Nicolas Vanderbiest, directeur général de Saper Vedere, cabinet d’études et de conseil en communication. «Le conclave reste un événement planétaire, qui ne survient que tous les dix à quinze ans, rappelle l’expert. D’où son aspect sensationnel.» La compétition relative qui entoure l’élection (avec un total de 113 cardinaux «en lice»), peut également déchaîner les foules. «C’est comme aux Jeux olympiques, illustre Nicolas Vanderbiest. Les internautes ont envie de savoir quel candidat va l’emporter, et quelle nationalité il aura. Certains espèrent que ce sera un cardinal de son pays qui sera élu. Le clivage entre progressistes et conservateurs ajoute également de l’enjeu à l’élection. Au final, chacun peut s’approprier la question et y aller de son pronostic.»

Le cadre majestueux du conclave (dans la chapelle Sixtine), son suspense haletant et son dénouement unique à coup de fumée blanche ou noire sont autant d’éléments symboliques qui entretiennent le mythe du conclave. Et forgent son succès sur les réseaux sociaux. En outre, l’obligation pour les cardinaux de se couper du monde et de délibérer à huit clos confère à l’événement une dimension mystérieuse. «Ca fait partie de l’équation du succès, reconnaît Nicolas Vanderbiest. Tout ce qui relève des « coulisses du pouvoir », qu’il soit politique ou religieux, suscite généralement un intérêt marqué au sein du grand public.»

Des cardinaux chanteurs

Un succès qui ravit Tommy Scholtès, porte-parole francophone de la Conférence des évêques de Belgique. «C’est un signal clair de la place importante qu’occupe encore l’Eglise aujourd’hui, souligne-t-il. Depuis des années, on nous dit que la société est sécularisée, que l’Eglise doit rester cantonnée à la sphère privée, mais force est de constater que l’interêt reste présent. On ne peut que se réjouir de cet engouement.»

Cette ferveur numérique doit peut-être beaucoup au Vatican lui-même, qui a récemment gagné en visibilité sur les réseaux sociaux. A l’image du défunt pape, qui rassemblait plus de dix millions de followers sur Instagram, de nombreux cardinaux investissent également les canaux digitaux. Timothy Dolan, archevêque de New York (près de 300.000 abonnés sur X et 55.000 sur Instagram), publie régulièrement des vidéos où il raconte ses journées à Rome. Favori à la succession de François, le philippin Luis Antonio Tagle jouit également d’un certain succès grâce à des vidéos où on le voit faire du karaoké.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Pas encore un facteur décisif

Une présence médiatique totalement tolérée par l’Eglise. «Avant le conclave, chacun a le droit de s’exprimer et de donner des interviews, assure Tommy Scholtès. Libre à chacun d’utiliser (ou non) ces canaux à sa manière.» Une mise en avant sur les réseaux sociaux n’aurait toutefois pas vocation à faire basculer l’élection. «Dans le cadre du conclave, personne ne fait campagne», rappelle le porte-parole. Une personnalité complètement absente de la scène médiatique peut très bien avoir le respect de ses pairs et être nommée pape. «Le levier d’influence des réseaux sociaux reste ici bien plus limité que dans le cadre politique, confirme Nicolas Vanderbiest. Ce ne sont pas des jeunes ultraconnectés qui auront leur mot à dire. Les cardinaux impliqués dans l’élection restent pour la plupart peu familiers avec les réseaux sociaux.»

Cette nouvelle présence pourrait toutefois contribuer à dépoussiérer l’image d’une Eglise vieillissante. «Mais il faudrait alors qu’elle s’accompagne d’une véritable incarnation et mise en scène», note Nicolas Vanderbiest. Une communication «corporate» à l’image de celle de François, qui se contentait d’informer sa communauté de sa présence dans tel ou tel pays, ne suffira pas pour séduire un public plus jeune. «On croit souvent à tort que « le medium est le message », mais ce n’est pas le cas. Si vous êtes vendeurs de dentiers et que vous décidez de publier sur Instagram, vous n’allez pas attirer un jeune public du jour au lendemain.»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire