De plus en plus d’adolescents se font baptiser. L’Eglise catholique n’est pas la seule à constater cette croissance, d’autres religions notent également un regain d’intérêt chez les jeunes. «Dieu, je le considère comme mon « psychologue personnel ».»
Lors de la veillée pascale, 536 Belges se sont fait baptiser. C’est 50% de plus que l’année dernière, et un quart d’entre eux ont entre 14 et 25 ans. «C’est de la curiosité et de l’incertitude; ils cherchent une direction, et la tradition chrétienne peut leur servir de guide», estime Sofi Van Ussel, directrice de Kamino, le réseau jeunesse de l’Eglise catholique en Flandre.
Carlo Luyckx, président de l’Union bouddhiste de Belgique, estime lui aussi que cela s’explique par la «permacrise» actuelle: «Lorsque les gens perdent stabilité et sécurité, ils vont chercher un appui dans les philosophies de vie.»
Mais la religion doit être un choix mûrement réfléchi, avertit le théologien musulman, auteur et chroniqueur d’opinion Khalid Benhaddou. «Les jeunes recherchent dans la religion surtout un ancrage et une sécurité, plutôt que de la voir comme une boussole ou un guide. Cela les rend vulnérables face aux voix conservatrices au sein de l’islam, qui simplifient la réalité et ne proposent qu’une vision manichéenne du monde.»
C’est pourquoi les institutions religieuses ne doivent pas seulement faire ressentir la foi aux jeunes, mais aussi les aider à la comprendre, insiste Khalid Benhaddou. «C’est une bonne chose que des jeunes viennent à la mosquée, dit-il, mais cela devient vraiment précieux s’ils y apprennent aussi à penser de manière critique, à trouver une orientation, et à voir la religion comme une source d’inspiration personnelle.»
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«J’ai le sentiment que l’islam est pris plus au sérieux»
Wietse Van Roey (26 ans) estimait que le développement spirituel manquait à son épanouissement personnel et, 23 ans après son baptême, a embrassé le christianisme.
«J’ai envisagé toutes les religions, mais avec le christianisme, les pièces du puzzle se sont assemblées. Je considère Dieu comme mon « psychologue personnel ». Je remarque qu’il subsiste encore beaucoup de préjugés à propos du christianisme. Par exemple, quand je dis que je prie, les gens pensent que je joins les mains et que je me mets à genoux. Alors que pour moi, c’est simplement une conversation, comme d’autres parlent avec eux-mêmes. Lors d’une fête, une fille s’est déjà moquée de moi quand j’ai dit que j’étais croyant. J’ai le sentiment que d’autres religions comme l’islam sont prises plus rapidement au sérieux.»
«Beaucoup de mes amis sont devenus plus croyants, mais ce n’est que récemment que nous l’avons découvert les uns des autres.»
«Beaucoup de mes amis sont devenus plus croyants, mais ce n’est que récemment que nous l’avons découvert les uns des autres. Maintenant, nous nous envoyons des TikTok sur la foi et nous nous suivons sur l’application Bible. Il m’est aussi déjà arrivé d’aller à l’église avec un ami. C’est agréable d’en parler avec des amis, mais la foi reste pour moi quelque chose de personnel.»
«Le catholicisme est une religion morte»
A seize ans, Cathy* s’est convertie à l’islam. Elle est tombée amoureuse lors d’un job d’étudiant. «Je pense que c’est à cause de ses beaux récits sur le Coran que j’ai décidé de me convertir. Mais peu après, il a rompu tout contact. J’ai encore essayé de continuer à croire pendant quelques semaines. Mais après avoir passé tout l’été à me promener en longues robes, j’ai compris que ma conversion était un élan émotionnel et non une décision consciente.»
«Ce qui me manquait dans le catholicisme, c’était la solidarité et la vivacité de l’islam. Le catholicisme est une religion morte, elle ne vit pas vraiment chez les jeunes. C’est pourquoi je cherche maintenant activement des communautés de jeunes, qui offrent justement de l’implication et un sentiment d’unité. J’ai profondément honte de cette période de ma vie, beaucoup de gens ignorent même que j’ai été musulmane pendant un temps. Est-ce que j’ai tourné la page? Non, je ne pense pas, je l’ai enfermée dans un coffre et repoussée.»
«Je ne deviendrai jamais l’homme musulman idéal»
Nathan Dupont (22 ans) a découvert deux nouvelles amours cette dernière année: il est tombé amoureux d’une musulmane chiite et aussi de sa foi. Il s’est converti en septembre.
«Peu après ma conversion, nous nous sommes fiancés. Elle m’avait clairement fait comprendre dès le début que sortir ensemble sans intentions sérieuses n’était pas une option. Cela m’a d’abord surpris, mais au fil du temps, l’idée des fiançailles m’a de plus en plus enthousiasmé.»
«La famille de ma fiancée n’avait aucun problème avec un partenaire non croyant. Ma famille, en revanche, avait des doutes; ils estiment que l’islam est en contradiction avec mon éducation laïque. Mais mon choix est justement très conscient et libre. Pour moi, la foi ne dépend pas de l’éducation, mais de la manière dont je veux façonner ma vie –n’est-ce pas cela, être libre penseur?»
«Il m’arrive de boire de l’alcool et je ne mange pas halal, je vis l’islam à ma manière. Donc non, je ne deviendrai jamais le musulman parfait qui respecte tout à la lettre. Mais je vois le Coran comme un guide pour mener une bonne vie.»
*Cathy a souhaité rester anonyme.
Islinde Teurelincx