Le nouveau pape Léon XIV. © NurPhoto via Getty Images

Léon XIV, le nouveau pape qui n’est pas vraiment américain mais péruvien (portrait)

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Le cardinal Robert Prevost, 69 ans, a été élu nouveau pape et a choisi le nom de «Léon» –il devient Léon XIV. C’est un père augustin américain qui, après de nombreuses années de mission, a pris la nationalité péruvienne. Il souhaite «bâtir des ponts».

Tout le monde l’attend, et pourtant, c’est toujours inattendu: à 18h08, de la fumée blanche est soudainement sortie de la cheminée de la chapelle Sixtine. Après quatre tours de scrutin –autant que la fois précédente, mais moins que ce qui était anticipé– les 133 cardinaux réunis en conclave ont élu Robert Prevost comme successeur du pape François.

Quelque 15.000 personnes se trouvaient sur la place Saint-Pierre lorsque cette fumée blanche est apparue; une heure plus tard, lorsque le cardinal protodiacre Dominique Mamberti est monté au balcon de la basilique Saint-Pierre, elles étaient 55.000.

Le silence était plus profond que jamais quand Mamberti a annoncé Robert Prevost –comme si tout le monde était déconcerté par le nom de l’élu. Même les commentateurs de la BBC, pourtant très bien informés, ne savaient que dire et ont trop longtemps tardé à livrer une explication. Le nom de Prevost ne figurait pas parmi les favoris des bookmakers, mais il avait bien été mentionné. Le prestigieux magazine catholique britannique The Tablet l’avait inclus dans sa «longue liste»: «S’il y a un Américain papabile, c’est Prevost.»

«S’il y a un Américain papabile, c’est Prevost.»

The Tablet

Et pourtant, le nouveau pape a de solides références. Il est le premier pape américain et, en même temps, le premier pape péruvien. Prevost a longtemps travaillé comme missionnaire au Pérou, mais ces dernières années, il était également une figure de poids à Rome: en tant que préfet du Dicastère pour les évêques –en termes laïques: «le ministre des évêques»– et aussi comme préfet de la Commission pontificale pour l’Amérique latine.

Après François, c’est à nouveau un «père» qui a été élu –un prêtre appartenant également à un ordre religieux, les Augustins. Il a été provincial des Augustins au Pérou, puis prieur (numéro deux) de son ordre à Rome. Il parle couramment l’anglais, l’italien (il a étudié dans plusieurs universités italiennes) et l’espagnol. Le nouveau pape peut envisager les choses depuis la perspective vaticane, celle du Sud global, et celle des Etats-Unis. A l’ère Trump, cela a sans aucun doute pesé lourd –l’inverse est impensable. Entre-temps, le président américain Donald Trump a déjà félicité Léon XIV comme premier pape américain. Même si, sur sa carte d’identité, il est bien indiqué «Péruvien».

Pas un tribun

Léon succède à François, mais il n’est pas un nouveau François. Contrairement à son prédécesseur qui portait une simple tenue blanche, il s’est présenté vêtu de la traditionnelle cape romaine plus classique. Il a prononcé son premier discours sans effort –et longuement– en italien. Il a pris le temps d’expliquer.

Ce n’était pas un discours simple, improvisé, destiné à récolter des applaudissements faciles. Les applaudissements ne sont venus qu’à la fin, lorsqu’il a évoqué le pape François. Il y a également eu des applaudissements –et de l’émotion– lorsqu’il est passé à l’espagnol: il ne tourne pas le dos au Pérou, ni plus largement au Sud. Les cardinaux n’ont clairement pas choisi un nouveau tribun du peuple. Mais bien un pape relativement jeune –à 69 ans, il vient tout juste de dépasser l’âge légal de la retraite en Belgique, fixé à 67 ans.

Prevost a choisi le nom de Léon. C’est un signe hautement reconnaissable pour les catholiques. Le dernier Léon (XIII, 1878-1903) fut le pape de l’encyclique Rerum novarum: le point de départ de la politique sociale de l’Eglise.

«Le bien»

Léon XIII fut l’homme du dialogue et de la réconciliation entre l’Eglise et la société, tout en menant avec ardeur la lutte contre le socialisme. Mais il avait compris que cela n’était possible qu’en adoptant une posture explicitement sociale au sein de l’Eglise elle-même. A l’époque de la révolution industrielle, cela signifiait un choix en faveur du «petit peuple». Un «Léon» ne part pas en guerre contre la société moderne, il cherche à l’influencer de l’intérieur en la guidant vers «le bien» –ou du moins vers ce qu’il entend par là.

«Un profil qui a trouvé un écho dans ses premiers mots, par deux mots simples: “Bâtir des ponts”.»

Avec le choix de Robert Prevost, alias Léon XIV, la crainte que les conservateurs les plus durs aient pu orienter ce conclave à leur avantage semble dissipée. La carrière du nouveau pape révèle jusqu’ici un profil différent. Un profil qui a trouvé un écho dans ses premiers mots, par trois mots simples: «Bâtir des ponts.»

Dans un monde où les murs et les lignes de front se multiplient, ce n’est sans doute pas la pire des intentions. C’était une soirée de printemps ensoleillée à Rome.

 

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