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Le conclave suscite bien des curiosités et attire les fidèles au Vatican. © Matteo Nardone/IPA/Sipa USA

Fumigènes, roue de la fortune et GSM au placard: 10 choses amusantes à savoir sur le conclave

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Le conclave pour désigner le successeur du pape François débute, au Vatican. Voici dix informations plus ou moins indispensables à connaître sur cette réunion très encadrée. Le plus long conclave de l’histoire, par exemple, a duré plus de 1.000 jours.

Les yeux du monde entier sont tournés vers le Vatican, pour le commencement du conclave, qui désignera le 267e pape. Cette réunion des cardinaux électeurs se caractérise par un aspect très ritualisé, depuis l’enfermement dans la chapelle Sixtine jusqu’à la célèbre formule habemus papam.

Depuis les origines des conclaves jusqu’à celui-ci, voici quelques informations instructives ou amusantes à connaître.

Un peu d’étymologie

Le terme conclave, associé à l’élection d’un pape, est parfois utilisé en dehors du Vatican pour désigner le fait que plusieurs personnes s’enferment jusqu’à l’obtention d’une décision. Ce n’est pas pour rien qu’une habitude bien belge veut que les travaux budgétaires des gouvernements se déroulent à l’occasion de «conclaves budgétaires», même si on ne s’y enferme pas dans des conditions aussi strictes qu’au Vatican.

Le terme provient des mots latins cum (avec) et clave (clé) et recouvre donc cette idée d’une réunion à huis clos. On retrouve cette origine étymologique liée à la clé dans des termes comme «clavier» ou «clavicule» (la petite clé).

Le conclave s’est déroulé pour la première fois dans la chapelle Sixtine en 1492 et l’est systématiquement depuis 1878. En 1996, Jean-Paul II en a fait le lieu officiel des conclaves,  à travers sa constitution apostolique Universi Dominici Gregis.

Trois ans de conclave

Interminable. L’élection la plus longue d’un pape s’est déroulée entre 1268 et 1271. Elle a duré deux ans et neuf mois, 1.006 jours précisément. Et a contribué au façonnement des conclaves tels qu’ils sont connus à ce jour.

Avant cette date, durant un bon millénaire, l’élection des papes s’effectuait de manière moins codifiée. Le clergé sélectionnait des candidats et la désignation s’effectuait avec le concours de la communauté. Les pressions extérieures ont également été courantes, pour influencer le casting.

En 1268, donc, 18 cardinaux se réunissent à Viterbe, à une soixantaine de kilomètres de Rome, pour désigner le successeur de Clément IV. Face à l’impossibilité de faire un choix, l’histoire raconte que les habitants ont entrepris de mettre un petit coup de pression sur les électeurs, en murant les portes, en déconstruisant le toit du palais et en soumettant les cardinaux à la diète. L’épisode se solde par l’élection de Grégoire X, le 1er septembre 1271, qui était par ailleurs… archidiacre de Liège.

C’est aussi ce pape qui a pris une série de premières dispositions pour que l’élection se déroule comme un conclave à proprement parler, dans un lieu isolé de l’extérieur. L’élection d’Innocent V en 1276 a donné lieu au premier conclave en bonne et due forme.

Quelques heures de conclave

A l’inverse, certains conclaves se sont achevés rapidement. Celui de 1503, qui a vu Jules II succéder à Pie III, n’a duré que quelques heures. Les cardinaux s’étaient réunis à peine un mois plus tôt, mais Pie III est mort après 26 jours de pontificat seulement. Il ne s’agit pas, soit dit en passant, du règne le plus court, puisque Urbain VII a été pape 12 jours en 1590 et Marcel II, 22 jours en 1555.

Deux conclaves particulièrement courts se sont tenus dans l’histoire récente. En 1939, Pie XII après trois tours de scrutin seulement. En 2005, Benoit XVI l’a été après quatre tours.

Deux conclaves et trois papes en un an

Les moins de 50 ans ne se souviennent que de pontificats relativement longs, avec ceux de François (douze ans), Benoit XVI (presque huit ans) et surtout Jean-Paul II (plus de 26 ans). Ce dernier a d’ailleurs connu le deuxième pontificat le plus long, après Pie IX (plus de 31 ans).

L’année 1978 fut bien plus mouvementée, au Vatican, puisqu’on y a organisé deux conclaves. Il faut remonter un demi-millénaire dans le temps pour trouver une année civile durant laquelle trois papes différents ont régné. Ce fut le cas en 1503 (Alexandre VI, Pie III, Jules II), en 1555 (Jules III, Marcel II, Paul IV), en 1590 (Sixte V, Urbain VII, Grégoire XIV) et, pour la dernière fois avant le XXe siècle, en 1605 (Clément VIII, Léon XI, Paul V).

L’an 1978 vit donc Jean-Paul Ier succéder à Paul VI, un des deux papes ayant chapeauté le concile de Vatican II. Le nouveau pape, élu le 26 août, décède cependant le 28 septembre. La cause de son décès est officiellement attribuée à un infarctus, même s’il a fait l’objet de nombreuses rumeurs et théories. Le 16 octobre, c’est le Polonais Karol Wojtyła qui est désigné pape, bien connu sous son appellation de Jean-Paul II.

Beaucoup de candidats potentiels

Celui qui sortira pape du conclave fait partie du collège des 133 cardinaux électeurs participant au vote. La tradition veut en effet qu’on désigne le souverain pontife parmi les cardinaux, mais le droit canon ne l’impose pas. En théorie, tout homme baptisé et âgé d’au moins 18 ans peut prétendre au pontificat, pour autant qu’il obtienne la majorité des deux tiers des suffrages.

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En réalité, le dernier qui a été désigné sans être cardinal est Urbain VI, en 1378. Les livres d’histoire rappellent surtout que c’est en cette année que se déclencha le grand schisme d’Occident, cette période durant laquelle la légitimité de la papauté se disputait entre les papes d’Avignon et ceux de Rome. En 1378, cette lutte avait précisément lieu entre le pape Urbain VI et l’antipape Clément VII.

Pas de réseau au Vatican

On ne badine pas avec le secret, au Vatican. Tout cardinal qui violerait la confidentialité absolue du conclave serait d’ailleurs menacé d’excommunication, ni plus ni moins. Une série de dispositifs sont prévus pour empêcher toute communication des cardinaux électeurs, mais aussi du personnel présent sur place avec l’extérieur.

C’est ainsi que quelque 80 sceaux de plomb ont été posés sur les accès à la zone du conclave, que certaines fenêtres ont été obturées et que des cloisons ont été installées. Quant aux communications téléphoniques, tout est également organisé pour les éviter. Les cardinaux sont tenus de laisser leur téléphone à la résidence Sainte-Marthe, où ils logent. A partir de ce 7 mai à 15 heures, le réseau téléphonique et toutes les possibilités de télécommunications sont coupés à l’intérieur du Vatican, à l’exception de la place Saint-Pierre, où vont se masser les fidèles. Cet isolement téléphonique prendra fin dès que l’identité du nouveau pape sera connue.

Des pompiers ont installé la cheminée qui attirera tous les regards ces prochains jours. © Vatican Media

Non pas un, mais deux poêles

Fumée blanche ou fumée noire. Cela fait partie des moments célèbres du rituel qui s’enclenche ce 7 mai. Lorsqu’un des cardinaux a été élu, c’est-à-dire quand il a obtenu au moins deux tiers des suffrages, se dégage une fumée de la cheminée installée sur le toit de la chapelle Sixtine. Sa coloration blanche envoie le message au monde extérieur.

L’idée selon laquelle les bulletins sur lesquels les cardinaux électeurs inscrivent un nom sont rassemblés puis brûlés, avec de la paille pour la fumée blanche ou du goudron pour la fumée noire, est bien ancrée. Cela se déroule au moyen d’un poêle, datant de 1939.

Mais un second poêle lui a été adjoint en 2005, à l’occasion du conclave qui a conduit à l’élection de Benoit XVI. Il est relié au même conduit de cheminée que l’ancien, mais celui-ci permet d’envoyer à l’aide d’un système de fumigène une fumée clairement blanche ou noire. Une certaine incertitude sur la couleur de la fumée a en effet pu avoir lieu par le passé. C’est aussi la raison pour laquelle, depuis 2005, les cloches de Saint-Pierre sonnent lorsque le scrutin a trouvé une issue.

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Un conclave international

L’Europe reste le continent le plus représenté au sein du collège des cardinaux, mais a tout de même perdu de son influence. Sur les 133 cardinaux électeurs participant au conclave, 52 sont européens (huit de moins qu’au précédent conclave), 23 sont asiatiques (treize de plus), 21 sont sud-américains ou centraméricains (huit de plus), 17 sont africains (six de plus), seize sont nord-américains (quatre de moins) et quatre océaniens (trois de plus).

Le pape Francois a nommé 80% des cardinaux concernés.

Deux Belges parmi les votants

Ce n’est pas tellement courant: deux Belges font partie des électeurs, du fait qu’ils sont cardinaux et qu’ils ont moins de 80 ans. Cela fait d’eux de potentiels futurs papes, bien que leurs chances soient très minces.

Il s’agit de Jozef De Kesel, ancien archevêque de Malines-Bruxelles, créé cardinal en 2016, et de Dominique Mathieu, archevêque de Téhéran-Ispahan, élevé au rang de cardinal par le pape François en décembre dernier. L’actuel archevêque de Malines-Bruxelles, Luc Terlinden, n’a pour sa part pas (encore?) été créé cardinal.

Le fait que la Belgique compte plus d’un cardinal n’est pas si exceptionnel. En revanche, il faut remonter jusqu’aux deux conclaves de 1978 pour en trouver deux parmi les électeurs, en l’occurrence l’archevêque de Malines-Bruxelles, Léon-Joseph Suenens, et du préfet émérite de la Congrégation pour les Eglises orientales, Maximilien de Furstenberg.

Godfried Danneels, l’ancien primat de Belgique, était le seul représentant du pays lors des conclaves de 2005 et 2013.

Ceci n’est pas un jeu

Parmi les initiatives originales entourant le conclave, on notera la «roue de la fortune» mise en ligne par le média catholique belge Cathobel. Il s’agit d’actionner la roue comportant les noms des 133 cardinaux électeurs pour en découvrir un en particulier et prier pour lui, comme le recommande le média.

Même si l’initiative apporte de la légèreté, l’objectif ne consiste pas qu’à jouer, encore moins à désigner son favori tel un bookmaker. «Il s’agit de prier pour sa santé physique, sa force intérieure, et surtout pour son ouverture au Saint-Esprit, afin qu’il puisse discerner avec sagesse et humilité lors des votes du conclave», précisent bien les initiateurs du concept.

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