
Comment l’outsider Robert Francis Prevost s’est imposé comme pape: «Dès le premier soir, il a senti qu’il pouvait être élu»
Léon XIV, 69 ans, a déjoué les pronostics en devenant le premier pape américain de l’histoire. Au terme d’un conclave particulièrement expéditif, Robert Francis Prevost a séduit les cardinaux grâce à son profil modéré et pacificateur.
(Presque) personne n’avait parié sur lui. Au terme d’à peine 30 heures de conclave, Robert Francis Prevost a créé la surprise en devenant officiellement le pape Léon XIV. Seuls quatre tours de vote ont suffi à l’Américano-péruvien pour convaincre ses pairs. Selon Rik Torfs, professeur en droit canon à la KULeuven, plusieurs éléments ont pesé en sa faveur.
Plutôt considéré comme un outsider, Robert Francis Prevost est finalement sorti du lot en s’imposant comme nouveau pape. Comment expliquer un tel revirement de situation?
La teneur des discussions lors du conclave n’étant pas rendue publique, il est difficile de discerner les idées qui ont vraiment pesé dans le débat. Mais plusieurs caractéristiques ont permis à Prevost de se démarquer: son profil international, ses capacités de gestion, et surtout son côté conciliateur. Ces dernières années, la situation au sein de la Curie romaine était très tendue. Certains cardinaux n’ont pas mâché leurs mots sur les dissensions créées par François. Les collaborateurs de certains Dicastères étaient un peu effrayés par l’ambiance générale qui régnait. Prevost, dans la lignée du pape François sur le plan social, mais au tempérament sans doute un peu moins volcanique ou du moins plus modéré, s’est ainsi imposé comme un candidat de compromis. Il peut véritablement jouer un rôle de réconciliation au sein de l’administration de l’Eglise .
Peut-on supposer que certains favoris, plébiscités par la presse, se sont en quelque sorte neutralisés, permettant l’émergence d’un candidat plus discret?
C’est vrai que certains candidats italiens, par exemple, ont été fortement mis en avant dans les médias. Peut-être trop… Le cardinal Parolin, par exemple, aurait fait un excellent pape. Mais de par son rôle de secrétaire d’Etat, il s’est aussi attiré pas mal d’adversaires. Pareil pour le cardinal Zuppi, qui était le président de la Conférence épiscopale italienne. Les cardinaux ont donc préféré une personnalité moins visible, mais avec un profil comparable à celui de Parolin, c’est-à-dire modéré, bon gestionnaire et structuré. Et tout ça s’est déroulé extrêmement vite. J’ai l’impression que Prevost a déjà obtenu pas mal de voix au premier tour. Car son premier discours était très bien préparé, ce qui laisse penser qu’il a consacré du temps à sa rédaction. Dès le premier soir, il a peut-être senti qu’il pouvait être élu et s’est préparé à cette éventualité en prenant des notes pour son discours.
Le poids des donateurs américains, cruciaux pour la survie financière de l’Eglise, a-t-il joué un rôle dans l’élection?
Je ne l’exclus pas, car on sait que le volet financier est important. D’autant que les prédécesseurs de Prevost n’ont pas géré les affaires économiques d’une main de maître. Peut-être fallait-il donc s’assurer d’un profil capable de séduire les donateurs américains, qui ont un peu déserté ces dernières années. Certains à cause des scandales d’abus sexuels. D’autres à cause de la personnalité du pape François, jugée trop progressiste. Cet élément a peut-être pesé dans le débat, mais a plutôt eu un rôle secondaire. C’est d’abord le profil réconciliateur de Prevost qui a convaincu.
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