Bonnes sœurs
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Adoptions forcées, accouchements sous X, torture: le dessous des «bonnes sœurs» flamandes

Après le séisme « Godvergeten », la Flandre pourrait bien connaitre une nouvelle vague de révélations et d’indignation avec « De nonnen » (« les nonnes »).

Après les prêtres, évêque et religieux, VTM s’attaque aux « bonnes sœurs », dans une série dont les quatre épisodes dévoilent, selon la presse flamande, les maltraitances, mensonges, punitions physiques et psychologiques, etc., envers des enfants ou jeunes filles dont elles avaient la charge dans des orphelinats, refuges ou lieux d’accueil pour filles-mères. On parle ici d’enlèvement d’enfants, d’accouchements sous X, d’adoptions forcées, de suicides de jeunes pensionnaires, de punitions physiques ressemblant davantage à de la torture.

Jeudi, dès le lancement sur la plateforme de Proximus Pickx+ (la série sera diffusée le mois prochain en primetime sur VTM), les témoignages ont fait réagir. La presse, bien sûr, qui n’a pas oublié tout ce qu’a entrainé « Godvergeten », mais aussi l’Union représentant les congrégations et ordres religieux de Flandre (Unie van Religieuzen in Vlaanderen), qui a tenu à présenter des excuses.

L’Union, présidée par une religieuse, appelle à une enquête indépendante aux mains de la Justice, et espère que les victimes qui s’expriment dans la série documentaire en inspirent d’autres qui n’auraient pas encore parlé. L’URV ajoute encore vouloir collaborer avec des instances externes, dont la COMEB (Commissie voor Erkenning & Bemiddeling). Cette commission « pour la reconnaissance et la médiation » est dédiée aux abus et violences dits « historiques » parce qu’ils ont eu lieu il y a plus de 10 ans. Elle a été initiée en 2014 par les autorités flamandes, à la suite du travail d’un groupe d’experts présidé par le pédopsychiatre Peter Adriaenssens, celui-là même qui avait travaillé sur les violences sexuelles au sein de l’Eglise. Dans la foulée de la prise de conscience des nombreux abus impliquant des prêtres ou religieux, la Flandre avait en effet voulu s’intéresser plus largement aux violences subies durant l’enfance et la jeunesse, dans les organisations, écoles, instituts et toute autre structure ayant la responsabilité de jeunes, et à leur impact sur les victimes des décennies pus tard.

Les victimes appelées à se faire connaître

La ministre flamande de la Justice Zuhal Demir a appelé, vendredi, toute victime de violences passées dans un couvent flamand ou une structure aux mains de religieuses à se faire connaître auprès de cette Commission « Reconnaissance et Médiation ». Les victimes y bénéficieront d’un « accompagnement empathique », assure la ministre, qui insiste sur l’objectif d’un soutien sur mesure, sans passage obligé. « Prendre contact ne vous oblige à rien. C’est une opportunité d’être entendu, à vos conditions« , ajoute-t-elle. La ministre N-VA pointe du doigt l’Eglise, qui, selon elle, a montré, lors des précédents scandales, que ce soit sur les plans humain ou juridique, qu’elle n’est « pas un partenaire fiable ». « Personne ne peut être son propre juge (…) Laissez l’accompagnement des victimes à des experts indépendants », lance-t-elle dans un communiqué incisif.

« Les témoignages, dans les premiers épisodes de ‘De nonnen’, sont bouleversants. J’espère que le parquet du Limbourg pourra éclaircir les choses », indique-t-elle encore.

Une enquête ouverte

Le parquet du Limbourg a indiqué, vendredi, ouvrir une enquête sur base des récits révélés par le documentaire, au sujet d’un ancien couvent de Zelem (Halen). Les Soeurs Saint-Vincent y tenaient un orphelinat jusque dans les années 70. Des personnes qui y ont séjourné parlent d’un régime de terreur et d’un quotidien émaillé de violences physiques et psychologiques. Certains pensionnaires se seraient suicidés.

Dans son communiqué, la ministre Zuhal Demir dit d’ailleurs craindre « l’existence de tombes anonymes comme en Irlande ». Récemment, l’Irlande a été forcée d’explorer une face bien sombre de son passé, avec l’exhumation de centaines de petits cadavres d’une gigantesque fosse commune, qui servait à enterrer anonymement des bébés morts dans les institutions catholiques hébergeant des femmes tombées enceintes hors mariage.

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