Pour aider les femmes victimes de violences conjugales à s’en sortir, des associations plaident pour l’adoption d’un «pack nouveau départ», articulé autour de 5 mesures concrètes. Mais l’Arizona tarde à embrayer.
«Elle n’a qu’à le quitter». «Si elle reste, c’est qu’elle aime ça.» Les injonctions adressées aux victimes de
violences conjugales véhiculent toujours la même idée: pour échapper à un partenaire violent, il «suffirait» de fuir le domicile familial. Comme si la dépendance économique, l’emprise psychologique ou l’isolement social n’étaient que des concepts théoriques.
Pour aider ces femmes à franchir le pas, Vie Féminine plaide depuis de nombreuses années pour l’adoption d’un «pack nouveau départ». «On pousse les victimes à partir, mais derrière, elles se retrouvent appauvries, sans logement, isolées et en détresse psychologique, observe Elodie Blogie, en charge des relations extérieures du mouvement d’éducation permanente féministe. L’idée, c’est de mettre en place quelques conditions pour faciliter ce départ, et ne pas les laisser seules face à l’ampleur des démarches à entreprendre une fois parties.»
Si un soutien est déjà partiellement offert par certaines associations de terrain, celles-ci sont aujourd’hui débordées. Ce «pack» doit donc permettre d’offrir une aide structurelle, en s’attaquant à différents freins au départ sur lesquels le politique peut «avoir une influence concrète», précise Elodie Blogie. «Malheureusement, le mécanisme d’emprise peut difficilement être dénoué par des aides légales ou financières, reconnaît la chargée des relations extérieures. Par contre, tout ce qui relève de la dépendance économique ou de la complexité des démarches socio-juridiques peut être débloqué par des leviers politiques.»
Système unique
L’idée est donc de créer un système unique, censé simplifier le chemin de la reconstruction, alors que celui-ci est aujourd’hui jalonné de démarches complexes. «Trouver un logement, un avocat, une nouvelle école pour les enfants ou accéder à des droits les plus fondamentaux est extrêmement lourd à porter, déplore Vie Féminine. D’autant plus dans une période de vulnérabilité, de fatigue psychologique voire de stress post-traumatique.»
Concrètement, le «pack nouveau départ» comprend cinq mesures:
- Une aide financière d’urgence, afin de pouvoir couvrir les premières dépenses auxquelles la
victime fait face lors de son départ (garantie locative, premiers loyers, frais
d’avocat, etc.). - Un accompagnement sociojuridique gratuit par des professionnels formés, comme alternative aux centres saturés, difficiles d’accès ou inégalement répartis sur le territoire
- L’accès immédiat à une adresse de référence non-communicable à l’ex-partenaire
le temps nécessaire, permettant aux victimes de rapidement délier les statuts qui les rattachent à leur ex et de faire valoir leurs droits individuels (en termes de mutuelle, chômage, fiscalité, etc.) - Vingt séances gratuites avec un ou une psychologue spécialisé(e)
- Une protection spécifique au travail ou dans la recherche d’emploi
Une idée qui a déjà fait son bout de chemin sur la scène politique, mais qui semble aujourd’hui au point mort. En avril 2024, ce «pack» avait en effet fait l’objet d’un accord en Conférence Interministérielle Droits des Femmes. Mais depuis, de nouvelles élections et de nouvelles majorités, tant au fédéral qu’à l’échelon régional, ont rebattu les cartes. L’accord de gouvernement de l’Arizona ne fait aucune mention de ce «pack». L’existence-même de la CIM Droits des Femmes avait par ailleurs été menacée en mai dernier.
Faux espoirs?
Pourtant, le MR, la N-VA, Vooruit et le CD&V, membres constitutifs de l’Arizona, étaient déjà autour de la table lors de l’adoption du «pack» en 2024, rappelle Vie Féminine. «Ces partis avaient couché leur décision noir sur blanc, insiste Elodie Blogie. Ils ont donné des espoirs à des milliers de victimes, mais derrière, rien ne suit.» L’association plaide dès lors pour une reprise urgente des travaux et pour que le «pack» soit intégré dans le futur Plan d’Action National (PAN) de lutte contre les violences basées sur le genre, qui doit être rédigé en 2026.
Interpellé à ce sujet en Commission par la députée Sarah Schlitz (Ecolo), le ministre fédéral en charge de l’Egalité des Chances, Rob Beenders (Vooruit), a assuré «examiner les pistes possibles» pour l’élaboration de ce pack. «En collaboration avec tous les acteurs concernés et les gouvernements compétents, nous analysons les différentes formes que celui-ci pourrait prendre et la manière dont un tel paquet pourrait être intégré dans le Plan d’action national», a insisté le socialiste, sans toutefois communiquer sur un éventuel calendrier.
De son côté, Yves Coppieters (Les Engagés), en charge des Droits des Femmes en Wallonie, planche sur un renforcement de la coordination entre les acteurs à l’échelon régional. «Aujourd’hui, les aides et services existent bien en Wallonie, mais ils sont éparpillés, déplore le ministre. J’ai demandé à mon administration d’évaluer la faisabilité d’une approche holistique, structurée et lisible, à l’image du modèle français où un référent unique assure le suivi du parcours de ces victimes.»
Alors qu’il prendra la tête de la CIM Droits des Femmes en janvier 2026, Yves Coppieters a en outre promis de remettre ce «pack» au menu de ces discussions, qui regroupent l’ensemble des niveaux de pouvoir (fédéral, communautaire et régional).