Caméras
Qui installe le plus de caméras de surveillance en Belgique, le PS ou le MR? Plutôt les libéraux, mais... © Getty

MR ou PS, qui installe le plus de caméras de surveillance? «Si vous voulez faire des voix, vous devez dire: « Je vais en mettre plein »»

«Moi bourgmestre, j’installerai des caméras de surveillance…» Cette promesse est-elle plus souvent prononcée par un élu de droite que par un élu de gauche? La réponse n’est pas si simple, mais une tendance se dégage.

Pendant plus d’un an, Le Vif, Le Soir, la Ligue des droits humains et la plateforme Technopolice ont enquêté sur la présence de caméras de surveillance en Wallonie et à Bruxelles. Une tâche ardue, qui a permis de déterminer que le territoire belge francophone est quadrillé par pas moins de 6.241 caméras, présentes dans 77,1% des entités wallonnes et 100% des communes bruxelloises.

La mise en place de caméras de surveillance dans les communes n’est pas seulement une question technique: c’est aussi un choix politique. Mais peut-on réellement lui attribuer une couleur partisane? Les chiffres montrent que la réalité est beaucoup plus nuancée.

A première vue, les communes dirigées par la gauche semblent davantage équipées en caméras, selon les données collectées par Le Vif et Le Soir. Mais ce constat s’explique surtout par un facteur simple: les grandes villes, qui votent davantage à gauche, possèdent naturellement plus de caméras, souvent pour des raisons de sécurité ou de gestion de l’espace public.

La densité, déterminant principal

«Le déterminant principal, c’est la densité. Les grandes villes, plus peuplées et souvent dirigées par la gauche, ont mécaniquement davantage de caméras. Mais à densité égale, c’est le MR (Mouvement Réformateur) qui en installe légèrement plus», explique Corentin Debailleul, chercheur en géographie humaine à l’ULB et membre du collectif Technopolice.

Autrement dit, si l’on rapporte le nombre de caméras à la population, la tendance change: les communes dirigées par le MR installent proportionnellement un peu plus de caméras que les autres partis. À l’inverse, les agglomérations les plus denses sans caméras sont majoritairement gouvernées par le PS.

Reste que le clivage gauche-droite n’est plus aussi marqué qu’autrefois. «Aujourd’hui, tout le monde installe des caméras», résume Corentin Debailleul. Selon lui, ce choix répond avant tout à une logique électorale. «Il est difficile de s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité. Les réponses de fond demandent beaucoup de moyens, alors que le geste fort et visible de dire « Je mets en place une solution » a un impact politique immédiat, même si les études montrent que placer des caméras de surveillance ne résout pas le problème.» 

«C’est une demande citoyenne, et je suis là pour y répondre»

Marc Vanderstichelen (Les Engagés)

A Bruxelles-Ville, Philippe Close (PS) reconnaît l’argument électoral: «Les habitants sont très demandeurs. Si vous voulez faire des voix dans un quartier, vous devez dire: « Je vais installer plein de caméras. » Les habitants vous soutiennent alors. Mais c’est à nous d’être mesurés en tant qu’autorité. D’abord, cela ne sert à rien d’en mettre à tous les coins de rue. Ensuite, il existe aussi des contraintes budgétaires.» Le bourgmestre justifie l’augmentation des caméras dans sa commune par des impératifs de sécurité. La ville de Bruxelles, qui possède aujourd’hui 460 caméras, fait face à une recrudescence des violences de rue, avec un nombre de fusillades en augmentation ces dernières années.

La même logique d’impulsion citoyenne se retrouve à Enghien (Hainaut), où Marc Vanderstichelen (Les Engagés) dirige la commune affichant le taux de criminalité le plus élevé de la zone de police Sylle et Dendre. Jusqu’aux dernières élections, la commune était sous la gestion d’Ecolo. «J’étais responsable de l’opposition, et en 2016, nous avons demandé d’installer des caméras. Cela a pris du temps avant que les premières soient mises en place. Pour Ecolo, ce n’était pas dans leur ADN, et c’est plutôt en tirant la langue qu’ils ont finalement accepté», raconte le bourgmestre, qui prévoit d’en installer encore davantage. «Nous avons réalisé un sondage auprès des habitants et 60% des répondants sont favorables à l’installation de caméras. C’est une demande citoyenne, et je suis là pour y répondre», ajoute-t-il.

La réticence des écologistes

Si l’installation de caméras de surveillance se généralise dans la plupart des communes, certains partis restent plus prudents «Les écologistes, eux, font preuve de retenue: ils veulent prendre davantage de précautions», commente Corentin Debailleul. Outre Enghien, la commune de Watermael-Boitsfort illustre bien cette attitude. Jusqu’en mars 2024, elle était le seul «village» bruxellois à ne pas posséder de caméras de surveillance. Au sein de l’ancienne majorité Ecolo-MR-GM, la question divisait clairement, Ecolo freinant l’installation. Mais face à une vague de cambriolages et à la pression des habitants, l’ancien bourgmestre, Olivier Deleuze (Ecolo), a finalement accepté d’installer des caméras, et ce malgré ses réticences initiales. A ce jour, le territoire en possède douze.

De gauche ou de droite, les caméras ne se contentent pas de surveiller les rues: elles incarnent la manière dont les élus transforment la sécurité en geste visible.

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