Ronds-points: élément de régulation du trafic routier, un carrefour giratoire n’en reste pas moins un carrefour, avec ses risques d’accidents. Les deux-roues sont les plus vulnérables. © BELGA

Toujours plus de ronds-points sur les routes (surtout en Wallonie): efficace ou inutile?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Elément de régulation du trafic routier, un carrefour giratoire n’en reste pas moins un carrefour, avec ses risques d’accidents. Les deux-roues sont les plus vulnérables.

En 20 ans, ils ont poussé comme des champignons. Sur l’ensemble du territoire, la Belgique dénombre 9.000 ronds-points, dont 6.000 en Wallonie et 2.700 en Flandre. Ces chiffres, datant de 2023, seraient sous-estimés. Les Régions estiment en effet que 10% à 30% des autorités communales sont incapables de fournir le nombre de carrefours giratoires, de ponts et de viaducs. Restent d’autres estimations parallèles. Un palmarès mondial dressé, en 2024, par le comparateur de voitures de location DiscoverCars à partir des données fournies par OpenStreetMap, classe la Belgique en cinquième position, en termes de ronds-points par kilomètre carré. Quoi qu’il en soit, c’est beaucoup. Et de loin. Pourquoi cet emballement? Et est-ce «payant»?

D’abord, les carrefours giratoires sont plus efficaces que les feux tricolores pour fluidifier le trafic. Contrairement à un feu rouge qui oblige à s’arrêter, un rond-point permet de poursuivre la route sans attendre. Le conducteur avance, pas vite certes, mais il avance de façon fluide, en cédant la place à ceux qui sont déjà engagés. Et ce dans la grande majorité des cas, même si là où la pression piétonne est plus forte, le rond-point ne rend pas forcément le trafic plus rapide. Il peut même générer des embouteillages, s’il est inadapté au trafic ou mal utilisé (clignotants ignorés, priorités non respectées). Ce dispositif routier peut également simplifier des carrefours complexes. Lorsqu’un point d’intersection compte de nombreux croisements, parfois cinq, voire six rues, il permet alors de clarifier la circulation. En résumé, bien aménagé, le mécanisme se révèle performant.

L’intérêt d’un carrefour giratoire réside surtout dans sa réelle plus-value sur le plan sécuritaire. Son point fort? Il brise la vitesse sans nuire au flux automobile. Deux en un! Il contraint, en effet, le conducteur à ralentir et les voitures roulent dans la même direction.

En comparant les données, les résultats de terrain sont incontestables. Statistiquement, les accidents survenant à un rond-point sont moins graves que ceux se produisant à un carrefour équipé de feux tricolores. Et ils font moins de victimes. L’institut VIAS indique ainsi une diminution moyenne de 16% de victimes en Wallonie et de 28% en Flandre. C’est logique. Aux carrefours à feux, la proportion d’accidents impliquant deux usagers, et donc de victimes, est nettement plus élevée. A l’inverse, aux ronds-points, le pourcentage d’accidents impliquant un seul véhicule y est trois fois plus élevé que dans les autres types d’intersections (34% contre 12% et jusqu’à 78% la nuit). En outre, il y a l’effet vitesse. Un rond-point est un obstacle. Un feu au vert, moins, et un automobiliste ne ralentit pas autant. Les accidents se produisent alors à des vitesses plus élevées.

Pour être efficace, un rond-point doit réduire la vitesse à 30 km/h en agglomération et à 50 hors agglomération.

Les ronds-points sont officiellement inscrits dans la législation routière depuis 2004. Depuis, leur nombre n’a cessé d’augmenter en Wallonie, au point de dépasser aujourd’hui celui des carrefours à feux tricolores. Mais un giratoire prend de la place. Il ne peut donc être aménagé partout. Il n’est pas adapté lorsque la circulation sur les axes secondaires est trop faible par rapport à l’axe principal. Tous les axes sont d’ailleurs sur un même pied. Au contraire d’un carrefour à feux, plus dynamique, le rond-point ne permet pas de prioriser un axe routier par rapport à un autre (les transports en commun ou les piétons, par exemple) ni de tenir compte des flux du trafic qui varient au cours de la journée.

Enfin, l’infrastructure n’annule pas tous les risques, notamment ceux liés à l’alcool, à la vitesse excessive ou encore à la méconnaissance des règles de priorité. Selon l’Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR), en raison de leur mode de circulation spécifique, les ronds-points exposent à des risques particuliers. Leur forme circulaire peut ainsi accentuer la problématique des angles morts.

Résultat: 57% des accidents impliquant plusieurs véhicules dans un rond-point sont des chocs latéraux. Les deux-roues sont particulièrement concernés. Plus d’une victime d’accident en rond-point sur trois (37%) est un cycliste, un cyclomotoriste ou un motard, soit près du double de ce qui s’observe dans d’autres types d’aménagements (21%). C’est beaucoup. C’est trop. La spectaculaire progression de la pratique du vélo en ville fait craindre le pire et conduit à chercher d’autres solutions de voirie pour l’éviter. On planche.

En France, championne du monde en nombre de carrefours giratoires, des villes (dont Paris, Nantes ou Lille) ont opté tout récemment pour le rond-point «hollandais». Contrairement à un rond-point classique, un giratoire néerlandais est entouré d’un anneau exclusivement réservé aux cyclistes. Sa règle est claire: les cyclistes et les piétons sont toujours prioritaires aux entrées et aux sorties d’un rond-point, histoire de ne pas tourner en rond.

Chiffre

Selon l’Agence wallonne pour la sécurité routière, en Wallonie, seuls 1,4% des accidents avec tués ou blessés surviennent à un rond-point chaque année, soit environ 140 accidents.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire