Le député-bourgmestre Laurent Devin (PS) en a assez de l’impunité dont bénéficie certains automobilistes un peu trop pressés. Pour endiguer le problème, il fait une proposition inspirée du nord du pays: laisser aux pouvoirs locaux le loisir de percevoir des amendes administratives pour les excès de vitesse commis sur leur territoire. Le but? Améliorer la sécurité routière.
Pas moins de 7.448.482 infractions routières ont été constatées en 2024, sur le territoire belge, ressort-il des chiffres présentés en avril dernier par le SPF Justice. Cela correspond à une augmentation de 499.681 infractions par rapport à 2023. C’est surtout en Wallonie que ces entorses au code de la route ont été les plus nombreuses, avec une augmentation de 44% sur la période 2022-2024.
Les excès de vitesse sont sans conteste les infractions de roulage les plus courantes, relève le rapport de l’administration fédérale. Pour l’automobiliste un peu trop pressé, se faire pincer se traduit par le paiement d’une amende qui peut très vite devenir salée. Etablie sur base de la vitesse corrigée, celle-ci débute à 53 euros jusqu’à dix kilomètres/heure au-dessus de la vitesse réglementaire. Ensuite, chaque kilomètre-heure excédentaire jusqu’à 30 kilomètres/heure ajoute onze euros à l’addition, en agglomération, aux abords des écoles, ou encore dans les zones 30, et six euros pour les autres routes. Au-delà de 30 kilomètres/heure, l’automobiliste est renvoyé devant le tribunal.
En Belgique, c’est l’Etat fédéral qui perçoit les amendes pour infractions de roulage. Cependant, une grande partie de ces perceptions est reversée aux régions. Un système avec lequel le député socialiste Laurent Devin n’est pas tout à fait d’accord. Mi-avril, celui qui est aussi bourgmestre de Binche interpellait le ministre wallon du Territoire, des Infrastructures, de la Mobilité et des Pouvoirs locaux, François Desquesnes (Les Engagés), à propos des perceptions des radars. Selon lui, il faut «rendre à César ce qui appartient à César», à savoir donner plus de pouvoir aux bourgmestres des communes qui pâtissent des infractions aux limites de vitesse, et «rendre de l’efficacité à la police»
Sanctionner les excès de vitesse pour renflouer les caisses? Non!
«En tant que bourgmestre, je reçois souvent les mêmes remarques de citoyens qui me disent en avoir marre des gens qui roulent dans leur rue comme s’ils étaient sur le circuit de Spa-Francorchamps, expose Laurent Devin. Le problème, c’est que, d’un côté, le commissaire divisionnaire explique ne pas sanctionner en-deçà d’un certain excès de vitesse, mais aussi que les parquets sont dépassés par le nombre de dossiers à traiter. Finalement, trop peu d’automobilistes en excès de vitesse sont sanctionnés», regrette le député-bourgmestre socialiste. Ce mercredi 28 mai, celui-ci a déposé, au nom de son parti, une proposition visant à autoriser les sanctions administratives communales pour les excès de vitesse, «comme nous le faisons déjà pour d’autres faits tels que les incivilités, les déprédations».
Ce pouvoir serait donné aux bourgmestres sous deux conditions: tout d’abord, que le parquet ne poursuive pas les infractions en question dans un premier temps; la seconde, que l’argent perçu serve uniquement à l’amélioration de la sécurité routière dans les communes. «En installant des radars, des dos d’âne, des potelets, des chicanes et autres dispositifs ralentisseurs», énumère l’édile. Le but du Binchois, assure-t-il, est uniquement «de ramener la paix au sein des quartiers»; il se défend de vouloir renflouer les caisses communales sur le dos des automobilistes en infraction.
L’exemple flamand… de la controverse
L’idée n’est pas tout à fait nouvelle. Depuis 2021, les communes flamandes ont l’autorisation de sanctionner les excès de vitesse dans les zones 30 et 50 ne dépassant pas les 20 kilomètres/heure par des amendes administratives. Au cours du premier semestre suivant l’entrée en vigueur de cette mesure, ce ne sont pas moins de 1.665.685 infractions du genre qui ont été constatées en Flandre (+30% par rapport à 2015). En 2023, le montant des recettes de ces amendes administratives a atteint le chiffre record de 124 millions d’euros. En 2019, celui-ci s’élevait à 43 millions d’euros.
Une aubaine, se diront certains, sauf qu’au nord du pays, ces radars suscitent déjà la controverse. Selon la ministre de la Mobilité, Annick De Ridder (N-VA), la Flandre compterait pas moins de 350 radars-tronçons répartis sur son territoire. Un nombre qu’elle juge bien trop important et qui aurait pour objectif premier, selon elle, de piéger les automobilistes, et donc de percevoir des amendes, plus que de faire de la prévention routière.
«L’objectif ne devrait jamais être d’utiliser les radars et les contrôles routiers uniquement comme un moyen de revenus», commente le cabinet de la ministre. Laquelle, nous apprend-on, a demandé aux élus locaux d’évaluer les emplacements de ces radars et de prendre des mesures. «Ce que nous voulons, c’est que ces radars soient déployés là où ils amélioreront clairement la sécurité routière et dans les endroits où une autre intervention infrastructurelle n’apporterait aucun soulagement.» Quant à savoir si la Flandre pourrait un jour faire marche arrière en cas d’abus avérés, le cabinet répond que «cette solution n’est pas encore envisagée».
La proposition bientôt débattue
Déployer des radars uniquement là où cela est nécessaire, c’est ce que souhaite Laurent Devin. «Comme nous avons cartographié les zones de dépôts sauvages, on cartographierait les zones où des radars seraient les plus utiles», indique le bourgmestre, qui entend bien en installer plusieurs sur le territoire de Binche. «Il y a actuellement un parfum d’impunité, et il faut y mettre un terme en encourageant la sécurité routière dans nos quartiers et dans nos cœurs de villages», conclut l’élu.
La proposition du député Devin devrait être débattue au sein du parlement de Wallonie dans les prochaines semaines.