L’ID.Polo vient d’être dévoilée au salon IAA de Munich. © dpa/picture alliance via Getty I

Volkswagen ID.Polo: la Polo électrique à 25.000 euros qui veut sauver VW

VW entend renouer avec ses succès passés grâce à un nom et un design éprouvés. L’ID.Polo disposera même de davantage de boutons de commande.

Thomas Schäfer avait déjà supervisé la production de la Polo en Afrique du Sud. L’actuel patron de la marque VW dirigeait en effet, il y a une dizaine d’années, les activités du groupe Volkswagen au sud du Sahara. Son usine du Cap-Oriental fabriquait la célèbre citadine ainsi que sa déclinaison à bas coût, la Polo Vivo, pour l’ensemble du continent. Aujourd’hui, ce site est l’un des derniers au monde à assembler encore la Polo.

Mais la Polo, que l’on croyait pratiquement condamnée, s’apprête à faire son retour. La nouvelle citadine électrique de VW s’appelle ID.Polo. Il s’agit du premier projet piloté par Thomas Schäfer en tant que dirigeant de la plus grande marque automobile européenne, depuis la conception jusqu’au véhicule final. «Ma première voiture», annonce fièrement le patron de la marque VW, en poste depuis 2022.

Un nouveau départ après des débuts ratés

Pour VW, ce modèle représente une seconde chance après des débuts calamiteux dans l’électromobilité. A l’époque, le patron du groupe, Herbert Diess, avait demandé à son designer en chef de balayer toute la tradition stylistique de la marque, déjà ternie par le scandale du diesel, et de repartir de zéro. Il en est sorti –à commencer par l’ID.3– des voitures qui donnaient l’impression d’une chirurgie esthétique ratée: sans expression, sans relief, et à l’allure bon marché. Lorsque le lancement commercial de ces modèles fut encore repoussé de plusieurs mois à cause d’un logiciel défaillant, le désastre fut total. Jusqu’à aujourd’hui, VW demeure marqué par cette expérience.

Thomas Schäfer entend tourner la page. Son ambition est de redonner à VW le statut d’une marque dont les voitures suscitent un sentiment d’attachement, une love brand. Et il n’a pas hésité à trancher. Lorsque les esquisses de l’actuel ID.Polo, alors appelé ID.2, ne l’ont pas convaincu, il a écarté le designer, et a choisi de confier le projet à Andreas Mindt, un Rhénan ayant déjà travaillé sur les classiques Tiguan et Golf.

L’ID.Polo adopte des lignes plus séduisantes que les autres modèles électriques de VW. De plus, cette nouvelle citadine remplace les curseurs tactiles décriés par de vrais boutons physiques. honnis des amateurs de la marque. «Une vraie Volkswagen», s’enthousiasme Thomas Schäfer.

Retour vers le futur

Le nouveau nom, un peu oldschool, sonne comme un manifeste: Thomas Schäfer referme le chapitre des appellations chiffrées inaugurées par l’ID.3, qui évoquaient davantage des robots de science-fiction que des voitures familières. Seul le préfixe ID garde cette touche de modernité et permet de distinguer, en concession, l’électrique du thermique.

Dans les prochaines années, cette nomenclature un peu nostalgique s’étendra à toute la gamme. Car qui dit ID.Polo devra, dès l’an prochain, dire aussi ID.Tiguan au lieu de ID.4. L’ID.1, dont Thomas Schäfer a dévoilé le design en mars, devrait logiquement devenir à partir de 2027 l’ID.Up, tandis que l’actuel ID.7 prendra sans doute le nom d’ID.Passat dans sa future génération. L’ID.3, c’est déjà certain, cédera la place dans quelques années à l’ID.Golf. Retour vers le futur.

«Le patron de Volkswagen est persuadé que les acheteurs européens n’adopteront l’électrique que si, à l’exception du moteur, leur expérience de conduite et d’usage reste inchangée.»

L’ID.Polo est réellement le modèle le plus important de la carrière de Thomas Schäfer, peut-être même le plus décisif. Avec sa déclinaison SUV ID.Cross et les modèles frères Cupra Raval et Skoda Epiq, il doit rendre l’électrique accessible au grand public, redresser le bilan climatique du groupe Volkswagen en Europe et faire oublier le faux départ embarrassant de VW dans ce domaine. Un défi considérable pour une si petite voiture.

Une sérieuse fiabilité

Le patron de Volkswagen est persuadé que les acheteurs européens n’adopteront l’électrique que si, à l’exception du moteur, leur expérience de conduite et d’usage reste inchangée. Que, face à la déferlante de modèles que les géants chinois déversent sur le continent, le client moyen recherche des repères visuels hérités de l’ère thermique. VW doit incarner ce qu’elle symbolise depuis longtemps: une fiabilité un peu traditionnelle.

En période d’incertitude, cette stratégie paraît pertinente. Si la Polo électrique séduit, elle consolidera la position de Thomas Schäfer à la tête de VW à Wolfsburg, jugée encore fragile l’an dernier. Dans son bras de fer avec l’IG Metall, ce natif de la Hesse semblait avoir franchi la limite.

Un mois avant Noël, Thomas Schäfer estimait dans une interview qu’il serait inévitable de fermer des usines Volkswagen en Allemagne. La patronne du comité d’entreprise, Daniela Cavallo, lui avait alors porté une attaque au vitriol: tandis que les ouvriers redoutaient de perdre leur emploi, Thomas Schäfer s’envolait chaque week-end vers son haras en Irlande, a-t-elle fustigé. C’est là qu’il vit avec son épouse sud-africaine.

Moins d’un an plus tard, les relations avec les salariés semblent apaisées: le programme d’économies mené dans les dix usines allemandes de VW avec les comités d’entreprise se déroule, jusqu’ici, sans heurts. Lorsque le directeur des ressources humaines, Gunnar Kilian, est parti en juillet, Thomas Schäfer a repris sa fonction d’administrateur du personnel. Avec le patron de VW, il existe désormais une «relation de confiance solide», a déclaré Daniela Cavallo dans le journal du comité d’entreprise.

C’est d’ailleurs à ses côtés qu’il a dévoilé, lors d’une assemblée dans le hall 11 de l’usine-mère, la version définitive du véhicule encore camouflé, devant plus de 10.000 salariés –avant même la présentation officielle au salon IAA, qui a lieu actuellement à Munich.

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Presque à l’abri des regards, Volkswagen a regagné du terrain sous la houlette de Thomas Schäfer, tandis que les anciens champions Audi et Porsche traversent une crise. Même les modèles ID déjà lancés se vendent bien: en matière d’électrique, les Wolfsbourgeois ont nettement distancé Tesla en Europe. Un succès dû en partie à la politique commerciale de Thomas Schäfer, qui pousse l’ID.3 à coups de rabais –un modèle voué de toute façon à disparaître d’ici quelques années.

VW gagne certes peu d’argent ainsi, mais le groupe a besoin de ce volume électrique pour sa marque principale. A partir de 2028, l’Union européenne menace d’imposer des amendes de plusieurs milliards si les émissions de CO₂ de la flotte dépassent les limites.

Début juillet, la crainte d’un nouveau problème de logiciel est réapparue. Les dirigeants du groupe s’étaient retrouvés pour un test de validation sur la piste d’Ehra-Lessien, à 20 minutes de Wolfsburg, afin d’éprouver les derniers modèles, dont l’ID.Polo, équipé de la nouvelle version du logiciel S6. «Un supplice», aurait résumé un participant après coup. La voiture s’allumait puis calait sans raison apparente. Quand elle roulait, un voyant clignotait sans cesse ou un système d’alerte grésillait.

A Munich, le véhicule a été présenté sans rouler. Mais dès septembre, débuteront les tests indispensables à son homologation pour la circulation. Si les voitures se montrent aussi capricieuses que sur la piste d’essai, une cascade de retards menace, comme autrefois avec l’ID.3. Dans le pire des cas, les véhicules déjà sortis d’usine devraient, comme il y a cinq ans, être entreposés sur un parking avant de recevoir ultérieurement la nouvelle version du logiciel. «Si cela nous arrive, cela voudra dire que nous avons fait le plus mauvais travail possible», reconnaît un responsable sans détour.

Les clients vont-ils suivre?

Dans l’entourage de Thomas Schäfer, on reste détendu: «Mieux vaut parler aujourd’hui de voyants qui clignotent et de voitures qui calent que dans cinq mois», fait-on valoir. Contrairement à l’ID.3, l’ID.Polo n’embarque pas un logiciel entièrement neuf, mais une version mise à jour de l’ancien, à adapter à une nouvelle génération de processeurs. Entre-temps, l’unité logicielle du groupe, Cariad, résout les problèmes presque deux fois plus vite qu’autrefois.

«Reste à savoir si les clients suivront. Tout se jouera sur le prix. VW pourra-t-il vraiment proposer ses modèles au tarif promis par Thomas Schäfer?»

«Nous avons considérablement renforcé la coopération entre la marque et Cariad, affirme Thomas Schäfer. La collaboration avec le fournisseur interne de logiciels est désormais si étroite que, pour chaque étape du développement, on sait précisément quel collaborateur travaille sur quoi. Chez Volkswagen, on se félicite de voir leur projet bénéficier de la priorité absolue au sein du groupe –et de ne pas devoir, pour une fois, s’effacer derrière Audi et Porsche.»

Reste à savoir si les clients suivront. Tout se jouera sur le prix. VW pourra-t-il vraiment proposer ses modèles au tarif promis par Thomas Schäfer? L’ID.Polo avait déjà été présentée comme la «voiture à 25.000 euros», à l’époque où elle s’appelait encore ID.2. Un prix à peine plus élevé que celui de son homonyme à moteur thermique. Mais sous la barre des 25.000 euros, seule l’ID.Polo dans sa version de base sera proposée. Les autres déclinaisons coûteront nettement plus cher. La Cupra Raval s’affichera autour de 30.000 euros, tandis que le SUV de Skoda et VW tournera aux environs de 27.500 euros.
A Wolfsburg, on se défend: «C’est toujours mieux que Renault». La concurrente de la future ID.Polo, la R5, avait elle aussi été annoncée comme la «voiture à 25.000 euros». Mais près d’un an après son lancement, les clients du constructeur français attendent encore cette version d’entrée de gamme. Le modèle à bas prix de l’ID.Polo, lui, sera disponible seulement quelques mois après la sortie de la voiture.

«Pour que VW dégage réellement un bénéfice avec ses modèles, il faut aussi réduire le prix des batteries –puisqu’elles comptent pour près de 40% du coût d’un véhicule électrique.»

Pour réduire les coûts, VW coopère étroitement avec ses marques sœurs Skoda et Cupra. Plus de 90% de la base technique des véhicules est identique, précise-t-on dans le groupe. Les différences concernent le design et les fonctionnalités visibles pour les acheteurs. L’opération a permis d’économiser plus de 600 millions d’euros.

Une batterie qui pèse sur la facture

Pour que VW dégage réellement un bénéfice avec ses modèles, il faut aussi réduire le prix des batteries –puisqu’elles comptent pour près de 40% du coût d’un véhicule électrique. La solution repose sur un type de cellule que Volkswagen n’a encore jamais utilisé en Europe: les cellules LFP, dont la cathode est composée de lithium-fer-phosphate. Elles offrent une autonomie un peu inférieure à celle des cellules nickel-manganèse-cobalt (NMC), jusqu’ici courantes en Europe, mais sont nettement moins chères. Elles ont ainsi rapidement conquis le marché de référence de la voiture électrique: la Chine..

Initialement, il était prévu que PowerCo, l’unité batteries interne du groupe, fournisse les cellules. Cela aurait permis de maintenir la valeur ajoutée en Europe. Mais les usines de Salzgitter et de Sagunt, en Espagne, ne sont pas encore prêtes. PowerCo assure certes pouvoir produire, dès cette année, ses premières cellules prêtes pour la série, grâce à son partenaire chinois Gotion. Mais il s’agit des coûteuses cellules NMC, réservées aux versions haut de gamme de la famille ID.Polo. Et même celles-là nécessitent encore plusieurs mois de tests avant d’être validées pour une production de masse.

Les cellules LFP de PowerCo, destinées à la voiture à 25.000 euros, ne devraient pas entrer en production de série avant 2027. «Nous les voudrions le plus vite possible», reconnaît Thomas Schäfer. D’ici là, c’est Gotion –dont Volkswagen détient 25%– qui fournit les batteries. Qu’elles soient achetées en Chine ou produites en Europe, la différence de coût est nulle, affirme-t-on.

Les cellules de PowerCo ne devront toutefois pas arriver trop tard: à partir de 2027, les voitures électriques destinées au Royaume-Uni –deuxième marché européen de l’électrique– devront intégrer une forte part de valeur ajoutée produite en Europe pour pouvoir être importées sans droits de douane. Avec des cellules chinoises, c’est pratiquement impossible.

«Pas de quoi s’inquiéter», assure le patron de Volkswagen. La «véritable Volkswagen» à 25.000 euros, conçue et assemblée en Europe avec des batteries européennes, est presque à portée de main. A une condition toutefois: que tout le monde tienne les délais. Et ce serait déjà, en soi, une petite révolution.

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