Rouler à travers l’Europe rappelle à quel point l’harmonisation du code de la route reste complexe. Les automobilistes sont encouragés à se renseigner en amont sur les spécificités lorsqu’ils quittent le territoire, afin d’éviter les situations dangereuses ou ambiguës. Parvenir à un socle commun de règles n’est pas pour demain, dans ce domaine où la Belgique est même parvenue à introduire un peu de régionalisation.
Le coup de klaxon reçu a laissé le conducteur hébété. Engagé dans un giratoire, il était persuadé que ses intentions étaient claires, mais c’était sans compter ces petites nuances qui apparaissent une fois la frontière passée. Les automobilistes français utilisent leur clignotant gauche pour signaler qu’ils restent dans le rond-point, avant de clignoter à droite pour en sortir. Le Belge, lui, se contentera d’effectuer la dernière étape, ce qui peut créer des confusions.
Cette situation anodine rappelle que rouler à l’étranger peut engendrer son lot de méprises. Les codes de la route à travers l’Europe affichent de nombreuses nuances, aux conséquences plus ou moins dangereuses en cas d’erreurs. Une harmonisation des règles de conduite ressemble pourtant à une lointaine illusion, malgré son impact positif sur la sécurité routière.
«La méconnaissance des règles locales peut évidemment être une cause d’accident. Cela met le conducteur dans une situation de stress au volant face à certaines inconnues. On parle de libre circulation des personnes, mais l’Europe devrait s’assurer qu’elle puisse s’effectuer en toute sécurité, on en est loin. Le manque d’harmonisation est clairement regrettable», pointe Lorenzo Stefani, porte-parole de Touring.
L’organisation invite fortement à se renseigner sur les spécificités existantes selon les pays traversés. Elle tient d’ailleurs à jour des fiches par pays, avec plusieurs informations sur les règles en vigueur, comme le fait également l’Union européenne via le site Your Europe.
La Belgique à trois vitesses
La différence la plus évidente dans ces fiches concerne la vitesse maximale autorisée selon l’infrastructure routière, mais elle s’accompagne d’un paquet d’autres, représentant autant de risques au volant. Même un élément aussi simple que la couleur de certains panneaux peut avoir un impact: la France a choisi le bleu pour indiquer ces autoroutes, alors que le vert est d’application en Belgique, cette dernière couleur étant utilisée pour les routes françaises. Une certaine idée de la cacophonie.
«Est-ce souhaitable d’avoir des règles identiques partout en Europe? Très certainement. Cela simplifierait grandement des déplacements transfrontaliers et rendrait les routes plus sûres, abonde Benoît Godart, porte-parole de l’institut Vias. Mais il n’y a actuellement aucune vraie discussion pour y parvenir. Il faut bien reconnaître aussi que la Belgique serait mal placée pour lancer cette initiative et exiger une harmonisation, alors que nous avons des règles différentes sur la route entre les régions du pays…».
Flandre, Wallonie et Bruxelles affichent ainsi des choix différents, notamment en matière de vitesse. Hors agglomération, le 70 km/h s’affiche sur les panneaux flamands et bruxellois, tandis que les Wallons grimpent à 90 km/h. Une régionalisation sur la vitesse, permise par la réforme de l’Etat en 2013, qui sera bientôt suivie d’une modification plus large du code de la route.
Un nouveau code de la voie publique doit en effet entrer en vigueur le 1er septembre 2026. Ce texte remplacera le code de la route actuel, qui date de 1975. Il faut même parler de quatre codes de la voie publique, puisqu’il y aura un socle commun fédéral reprenant la majorité des règles, complété des codes de la voie publique wallon, flamand et bruxellois. Les textes flamands et bruxellois sont déjà publiés, le wallon se fait encore attendre. L’arrêté sur ce point a été adopté par le gouvernement wallon le 17 juillet dernier, précise le cabinet de François Desquesnes (Les Engagés), en charge de la Mobilité.
Un permis de conduire numérique
Malgré ces divergences, la Belgique, fédérale donc, se prépare au lancement du permis de conduire numérique. Le document doit être disponible d’ici 2029. Ce point, qui figure dans l’accord de gouvernement, suit la volonté européenne de voir ce document devenir la forme privilégiée, en remplacement du permis papier ou plastique, d’ici la fin de 2030.
Ce permis numérique doit notamment permettre, outre un renouvellement facilité de son document sans même se rendre à sa commune, un meilleur suivi des conducteurs, en Belgique et ailleurs sur le continent. Un automobiliste déchu du permis de conduire serait ainsi plus facilement repéré à l’étranger, alors que la vérification d’un permis physique demande davantage de démarches. A ce stade, le permis numérique resterait facultatif.
«Aujourd’hui, après une condamnation par un juge, un citoyen doit remettre physiquement son permis de conduire au tribunal. Avec le retrait électronique du permis de conduire, la justice peut mettre en œuvre une interdiction de conduire plus rapidement et plus efficacement. Un projet pilote sera lancé à cette fin», précise le cabinet de la ministre de la Justice Annelies Verlinden (CD&V).
Un pas présenté comme positif pour la sécurité routière, mais aussi une (petite) touche d’harmonisation à l’échelle de l’Union européenne. Un signe aussi que la marge de manœuvre de l’Europe reste étroite sur certains points, malgré sa volonté affichée pour rendre les routes plus sûres.
Les petits pas européens
Ce permis numérique, qui suit l’introduction en 2013 du permis de conduire «européen» au format carte bancaire, s’accompagne d’autres initiatives pour renforcer le cadre commun des règles européennes. Celles-ci, présentées en 2023 et confirmées en mars dernier, visent par exemple à mieux suivre les jeunes conducteurs, avec une période probatoire d’au moins deux ans durant laquelle ils seront soumis à des règles ou des sanctions plus strictes, en matière d’alcool au volant notamment.
Est également évoqué un contrôle, via examen médical, des conducteurs âgés, même si celui-ci serait laissé à l’appréciation des Etats-membres pour son application exacte. Dans ces conditions, difficile d’imaginer actuellement une poussée plus forte vers un unique code de la route européen, malgré les bénéfices évidents. Les directives et règlements en matière routière se poursuivent, à petits pas.
En matière de vitesse autorisée, de règles de stationnement ou de tolérance à l’alcoolémie pour les conducteurs, les pays restent souverains. Aux conducteurs de faire la démarche de se renseigner, pour participer activement à leur propre sécurité sur la route.