À gauche, la Bentley Bentayga, à droite la Lamborghini Urus. "Dans notre secteur, aller à l'encontre du marché n'est pas une option." © JERRY DE BRIE

Les modèles SUV haut de gamme font le buzz

Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

Dans quelle mesure les marques automobiles peuvent-elles vraiment se différencier ? Quels sont les points communs entre la Bentley Bentayga, SUV de très grand luxe, et la Lamborghini Urus, Supercar surélevée ? Les deux marques vivent sous l’égide de Volkswagen, qui profite du savoir-faire et des compétences de ses partenaires anglais et italiens.

Le nombre d’immatriculations pour les 8 premiers mois de l’année 2018 apparaît assez modeste pour les Lamborghini Urus et Bentley Bentayga avec respectivement 1 et 11 unités. Mais cette statistique est en-deçà du nombre d’exemplaires effectivement vendus qui montre une image très différente et bien plus positive avec 33 Urus et 12 Bentayga. Même si ces SUV ne sont pas en phase avec l’ADN de ces deux marques, ils restent essentiels pour leur rentabilité.

Voir des marques de voitures de luxe et de sport exclusives intégrer à leur gamme des SUV est un phénomène assez récent. Un constat que fait également Xavier Jaspers, Managing Director de Bentley et Lamborghini Belgium. Cet authentique passionné d’automobile peut se targuer d’avoir déjà une très belle carrière au sein du groupe D’Ieteren, qui importe dans notre pays 8 marques du groupe Volkswagen.

LES CHOSES ONT CHANGÉ

Xavier Jaspers : « Au cours des 25 dernières années, quasiment toutes les marques de voitures de luxe ou de sport exclusives ont disparu du marché ou ont été absorbées par une puissante marque généraliste ou premium. Dans notre cas, Bentley, Bugatti, Lamborghini et Porsche ont été repris par Volkswagen. Cette évolution s’explique par le fait qu’il est impossible d’amortir sur un nombre restreint d’exemplaires vendus les énormes investissements nécessaires pour développer de nouveaux modèles et de nouvelles technologies.

Xavier Japers.
Xavier Japers. « Les bonnes années appartiennent au passé. »© JERRY DE BRIE

Au sein d’un grand groupe, ces constructeurs peuvent faire appel à des plates-formes communes ainsi qu’à des technologies et des moteurs développés pour plusieurs marques du groupe. Cela permet d’économiser du temps et de l’argent. Prenons l’exemple du Bentayga et de l’Urus. Ces deux modèles sont équipés de composants que l’on retrouve aussi chez Porsche et sur les modèles haut de gamme d’Audi. Même le V8 bi-turbo est commun. À la différence que le Bentayga affiche une puissance de 550 ch contre 650 pour l’Urus. Au niveau du look & feel, chaque marque conserve sa propre image, sa propre personnalité et sa propre aura. Les deux modèles possèdent leur style, utilisent des matériaux différents et mettent l’accent sur des éléments distincts.  »

Avec des voitures qui coûtent cher, il n’existe plus guère de bénéfices à faire. Est-ce le message ?

 » Oui et non. Le public se méprend sur le prix élevé de ce genre de voitures exclusives. Le revers de la médaille est que les coûts de développement et de production se révèlent énormes. Quand on regarde les coûts au niveau sales et aftersales, les marges bénéficiaires brutes sont généralement assez élevées, mais les distributeurs doivent satisfaire à une longue liste de standards et de normes en matière de corporate identity, imposés par le siège de la marque. Cela va de la superficie imposée à l’habillage onéreux du showroom en passant par l’aménagement et l’équipement de l’atelier ou encore le nombre de collaborateurs et leurs compétences. À la fin du mois, il ne reste quasiment rien de ces marges. Les bonnes années appartiennent au passé. Dans notre secteur aussi, les choses ont changé.  »

LE CLIENT EST ROI

L’essor continu et explosif des ventes de SUV a totalement bouleversé le marché de l’automobile et obligé les marques à prendre des initiatives inattendues. Quasiment tous les constructeurs ont élargi leur gamme ces dernières années, y ajoutant un ou plusieurs SUV ou des modèles crossovers. Même les marques de luxe ont franchi le pas.

Xavier Jaspers :  » Le client est roi. Dans notre secteur, aller à l’encontre du marché n’est pas une option. Vous risquez non seulement de louper une vente, mais également de courir le risque de perdre à terme des clients existants au profit d’un concurrent qui propose bel et bien, quant à lui, une berline de luxe, une Supercar ET un SUV… Les marques qui ont anticipé à temps en retirent, aujourd’hui, les bénéfices. Grâce au Cayenne et au Macan, Porsche a réussi à multiplier son chiffre d’affaires et à augmenter nettement ses bénéfices. Bentley et Lamborghini ne pouvaient pas rester en retrait. Et, respectivement, il y a 2 ans et l’an passé, les deux marques ont ajouté un SUV à leur gamme. Nos ingénieurs et nos designers ont eu la mission extrêmement difficile d’intégrer l’ADN des marques dans un modèle et un segment qui leur était totalement étranger. Ils en ont bavé, mais, au final, ils ont réalisé un travail fantastique.

Les intérieurs des Bentley Bentayga et Lamborghini Urus (ici). Exclusivité garantie.
Les intérieurs des Bentley Bentayga et Lamborghini Urus (ici). Exclusivité garantie.

Le Bentayga et l’Urus ont visé juste, comme en attestent les nombreuses réactions de nos clients. Dans le cas du Bentayga, les acheteurs sont avant tout des clients existants qui optent, en raison de leur âge, pour un modèle surélevé offrant une meilleure accessibilité. Mais nous avons aussi des clients provenant d’autres marques. Son intérieur est resté typique à Bentley avec des matériaux de haute qualité et une finition parfaite, témoignant du savoir-faire britannique. Le Bentayga est plus polyvalent qu’une Mulsanne ou une Flying Spur. Il peut affronter tous les terrains et peut même, sans problème, tracter une remorque à chevaux. L’Urus est d’un autre acabit : il s’adresse à la fois aux actuels clients de Lamborghini et aux candidats-acheteurs qui recherchent  » autre chose  » pour leur famille, en plus de leur Huracan, de leur Aventador ou d’une autre voiture de sport, et qui ne désirent faire aucune concession en termes de performances. Tout comme la Huracan et l’Aventador sont des Supercars radicales, l’Urus est un SUV radical qui met totalement en exergue l’ADN de la marque. Il s’agit également, le plus souvent, de clients qui anticipent sur une situation familiale qui évolue. Qu’ils restent fidèles à notre marque démontre que l’Urus répond à leurs attentes. Leur fidélité nous permet de vendre plus de voitures et assure à nos ateliers un chiffre d’affaires accru. Cet Urus devient le principal véhicule de la famille pour un usage quotidien. Il effectue davantage de km et doit donc passer plus souvent à l’entretien. Une bonne affaire pour notre rentabilité.  »

TOUCHE PERSONNELLE

Dans quelle mesure l’exclusivité est-elle importante et que faut-il entendre par ce terme ? Et pourquoi ces modèles sont-ils aussi prisés ?

 » Nos clients rencontrent le succès dans ce qu’ils entreprennent. Ils travaillent très dur, ont de longues journées et veulent aussi profiter de leur succès. Cela peut se faire de diverses manières. Rouler en Bentley ou en Lamborghini représente l’une d’entre elles. En raison des faibles volumes de production, l’exclusivité de nos modèles est garantie. Nos clients veulent aussi apporter leur touche personnelle à la voiture de leur rêve. C’est particulièrement vrai pour les clients de Bentley. The sky is the limit ! En principe, nous pouvons répondre à tous les souhaits du client au niveau du coloris, de la qualité du cuir ou des accessoires… Le risque de croiser deux Bentley identiques est inexistant. À l’occasion de son 100e anniversaire, Bentley lancera l’an prochain une série limitée 100 Centenary Editions. Même si ces exemplaires uniques et exclusifs doivent encore être produits, on se les arrache déjà.  »

Des voitures exclusives de ce type peuvent-elles constituer des placements ?

 » Aujourd’hui, il est difficile de prévoir de quelle manière une voiture peut conserver sa valeur. Personne ne sait ce que le législateur compte faire en matière de fiscalité automobile. Cela freine les ventes depuis quelques mois. Mais si un modèle devient un objet de collection, il va à coup sûr prendre de la valeur. Si ce n’est pas le cas, ces voitures sont soumises comme toutes les autres à une perte de valeur.  »

La Bentley Bentayga est également proposée en diesel. Cette motorisation a-t-elle sa place sur un SUV exclusif et a-t-elle encore de l’avenir ?

 » Le Dieselgate a gravement nui à l’image de l’industrie automobile, c’est évident. Mais ce n’est pas une raison pour tout mettre sur le dos du moteur diesel. Les diesels de dernière génération produisent moins de CO2 qu’un moteur à essence. Les émissions de NOx ont également fortement reculé. Pour les utilisateurs parcourant annuellement plus de 20.000 km et roulant beaucoup sur autoroute, les moteurs diesel de dernière génération demeurent, selon moi, la motorisation la plus adaptée. Cela vaut aussi pour le conducteur d’un Bentayga. Tout dépend du profil du conducteur. Pour les courts trajets, l’essence et l’hybride sont un meilleur choix. Même si cela peut paraître incroyable, atteindre les normes d’émissions européennes très strictes, qui entreront en vigueur en 2021, est quasiment impossible sans le diesel. Dans un proche avenir, les véhicules hybrides rechargeables et électriques vont faire drastiquement baisser les émissions nocives. En attendant, que ce soit au niveau national ou supranational, le monde politique doit laisser le bon sens l’emporter et surtout ne pas prendre des décisions hâtives allant vers l’interdiction généralisée du diesel. Dès 2019, le Bentayga sera disponible en version hybride rechargeable. Une nouvelle preuve que le client est roi.  »

Les intérieurs des Bentley Bentayga (ici) et Lamborghini Urus. Exclusivité garantie.
Les intérieurs des Bentley Bentayga (ici) et Lamborghini Urus. Exclusivité garantie.

SE SORTIR DU BREXIT

Fin mars 2019, l’Europe et le Royaume-Uni emprunteront chacun leur propre voie. Le Brexit pourrait avoir de lourdes conséquences pour les marques qui assemblent leurs voitures en Grande-Bretagne et exportent la majeure partie de leur production. Bentley se retrouve dans cette situation. Peut-on imaginer que la marque déménage sa production sur le continent ?

 » Je n’ai pas de boule de cristal et ne sais pas quel sera le résultat final des négociations entre la Commission européenne et le gouvernement britannique. Si l’on arrive à un Brexit dur, avec de grosses taxes à l’importation et à l’exportation, ce ne sera bon pour personne, et certainement pas pour la position concurrentielle de Bentley. La plupart des composants sont importés. Seuls l’assemblage et l’aménagement intérieur, ainsi que la finition, sont réalisés dans notre usine de Crewe. Chaque coût supplémentaire a un impact négatif sur le prix catalogue de nos modèles. Impossible de dire aujourd’hui si le résultat des négociations sur le Brexit va inciter les directions de Bentley et Volkswagen AG à déplacer la production sur le continent. Nous espérons toujours un dénouement favorable. Personne n’a intérêt à ce qu’éclate une guerre commerciale entre l’Europe et le Royaume-Uni. L’industrie automobile européenne se prépare à vivre des années difficiles qui seront décisives pour l’avenir de ce qui reste quand même un moteur essentiel de notre économie.  »

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