Sur Instagram ou TikTok, les love coachs se multiplient et attirent des milliers d’abonnés avec leurs conseils. Mais qui sont-ils vraiment, et que valent leurs services payants? Dans ce secteur non réglementé, les approches varient, entre accompagnement bienveillant et discours parfois problématiques.
Lorsque Xavier (prénom d’emprunt) vit une rupture difficile, il se tourne instinctivement vers Internet et les réseaux sociaux. «Je tape « comment draguer une fille » sur YouTube», raconte-t-il. Les vidéos, publications ou blogs ne manquent pas. Des «dating coachs» et «love coachs» sont nombreux à donner leurs conseils gratuitement sur le Web. «Il y en a qui me plaisent, d’autres pas. Je finis par trouver un gars avec la même philosophie que moi.» Déterminé à sortir de sa timidité et à retrouver l’amour, Xavier décide de participer à un coaching en groupe. «On pouvait s’inscrire en payant», se souvient le Bruxellois.
Xavier débourse alors 250 euros pour s’inscrire, réserve un logement et achète un billet de train direction Paris. Il y suivra deux jours de séminaire, en groupe, à mi-chemin entre le développement personnel et le coaching de séduction. «Il ne nous a pas expliqué comment attirer de nombreuses femmes, mais plutôt comment attirer LA femme extraordinaire en restant soi-même. Sans cacher nos émotions ou qui on est vraiment. Il nous a appris à exprimer notre personnalité, à ne pas être flippant et à avoir de meilleures interactions humaines», résume-t-il.
Mais qui sont ces coachs qui foisonnent sur les réseaux sociaux depuis de nombreuses années? Certains d’entre eux, comme Yann Piette ou Lucie Mariotti, comptent plusieurs centaines de milliers d’abonnés. La plupart des love coachs se font connaître via leurs publications et vidéos postées sur Instagram, TikTok ou encore YouTube, produits d’appel menant vers une option payante.
«L’amour, c’est beaucoup de choses»
Amélie Gartner, Bruxelloise actuellement basée en Thaïlande, exerce depuis quatre ans comme love coach. Profession qu’elle définit comme «une personne qui en aide une autre à évoluer dans le domaine émotionnel, relationnel ou amoureux pour arriver à un objectif ou sortir d’une situation qui ne lui convient pas». Trouver l’amour est, finalement, plutôt secondaire à ses yeux. «Je ne suis pas coach en séduction. L’amour, c’est beaucoup de choses: une émotion, une énergie, aimer sa vie, s’aimer soi et les autres… Rencontrer quelqu’un, avoir une relation amoureuse qui fonctionne et la construire dans la durée, ça fait partie du domaine de l’amour, mais c’est vaste», nuance Amélie Gartner.
A ses 80.000 followers, des femmes pour la plupart, Amélie Gartner partage des conseils du genre «ne te perds pas pour quelqu’un qui ne fait pas l’effort de te voir. Reviens à toi. Reviens à ce que tu veux vraiment: une relation réciproque, constante, consciente et vibrante. Parce que tu n’es pas ici pour être une option». Pour ensuite rediriger, donc, vers ses différents programmes payants.
Le prix de l’amour
L’un d’eux se nomme «Je m’aime»: un accompagnement personnalisé sur plusieurs mois mêlant coaching individuel, exercices pratiques, soutien émotionnel et exploration des schémas relationnels. Il s’adresse à celles et ceux qui souhaitent retrouver confiance en eux, sortir de la dépendance affective et construire des relations plus saines et épanouies. Le programme présenté comme le «meilleur pour reconnecter avec l’amour» coûte 2.222 euros.
Comme Amélie, chaque coach a sa propre façon de se rémunérer. «Par exemple via de l’accompagnement personnalisé, un peu comme les thérapeutes et les psychologues avec des séances, qui peuvent aussi être des programmes définis à l’avance pour arriver à un certain objectif. Ou via des programmes de groupe ou en ligne, préétablis, à suivre à son rythme», liste la coach belge.
Le célèbre coach français Yann Piette opte plutôt pour un système de «club», également destiné aux femmes, avec des vidéos exclusives et un contact privilégié pour pouvoir poser des questions, le tout pour 54 euros par mois. Lucie Mariotti, propose (entre autres) des vidéos pour s’auto-coacher, des podcasts, un e-book, des séances individuelles ou en groupe.
«Les hommes ont encore beaucoup de mal à aller chercher de l’aide.»
Quelle que soit leur forme, ces coachings semblent s’adresser aux femmes. Les hommes ne s’y intéressent-ils pas? «Ils ont encore beaucoup de mal à aller chercher de l’aide ou à vouloir parler de leurs sentiments. Ils ne l’ont pas vraiment appris, bien au contraire», répond Amélie Gartner, qui ne travaille pratiquement qu’avec des femmes.
Beaucoup de coachs qui s’adressent à la gent masculine se concentrent sur des conseils en séduction plutôt que sur l’introspection. Sombrant, parfois, dans le masculinisme, en offrant des conseils valorisant une domination patriarcale traditionnelle. Nombre d’entre eux mettent en avant des méthodes de manipulation, voire de comportements intimidants ou abusifs.
En juin 2025, un coach en séduction autoproclamé et masculiniste a vu son compte TikTok supprimé pour ses propos controversés et misogynes. Son programme pour «séduire les femmes et les faire fondre à vos pieds» et pour découvrir «les techniques infaillibles pour charmer votre partenaire et faire monter la tension sexuelle» reste pourtant disponible, pour 200 euros.
Des formations disparates et une profession non réglementée
Parmi cette multitude de coachs et d’offres très différentes, certains sont formés (c’est le cas d’Amélie), d’autres pas. Ce n’est pas obligatoire en Belgique et en France, la profession n’étant pas réglementée.
«Tout le monde peut s’autoproclamer coach, c’est nuisible pour la profession»
«Tout le monde peut s’autoproclamer coach, c’est nuisible pour la profession, estime Amélie Gartner. Si on n’est pas formé à cela, si on ne comprend pas le cadre à installer pour qu’une personne puisse se sentir en confiance et opérer un changement… Beaucoup de ceux qui n’ont pas été formés vont se baser sur leurs expériences et risquent de les projeter sur ceux qu’elles accompagnent», fait-elle remarquer.
Valérie Henry, psychothérapeute à Bierges, ne cache pas son inquiétude face à la multiplication de coachs sans formation qui offrent de mauvais conseils: «On voit les dégâts. On essaie de recoller les morceaux et de rattraper les choses. Par exemple, des personnes accompagnées n’ont pas été assez écoutées et le coach n’a pas vérifié la présence préalable de réels problèmes psychologiques. Parfois, une personne va perdre en confiance plutôt qu’en gagner», alerte-t-elle.
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De nombreuses formations existent pour devenir coach, mais aucune certification n’est officielle. Celle de l’International Coaching Federation (qui dure six mois) permet d’apprendre les bases pour accompagner correctement les clients, et de gagner en légitimité, mais elle n’est pas obligatoire. D’autres options plus rapides existent également: à Bruxelles, une formation de huit jours (trois heures par cours) existe au prix de 442 euros afin d’obtenir un diplôme qualifiant international de love coach, sans connaissance préalable.
Certains coachs organisent également eux-mêmes des formations. C’est le cas d’Amélie Gartner qui s’attellera, dès septembre, à «former la nouvelle génération de love coachs» en six mois, avec un diplôme certifiant à la clé. Son cursus est destinée aux coachs de vie, aux métiers d’aide à la personne et aux entrepreneurs en reconversion professionnelle.
«On veut que les gens qui sortent de notre formation aient une crédibilité.»
L’UCLouvain organise, de son côté, un certificat d’université de life coaching de 34 jours qui aborde une multitude de sujets, dont la séduction. Cette formation est réservée aux professionnels déjà titulaires d’un master en psychologie, en médecine ou en psychiatrie, ainsi qu’à ceux disposant d’un master universitaire et exerçant déjà comme coach. La psychothérapeute Valérie Henry en est d’ailleurs la gestionnaire administrative: «On veut que les gens qui sortent de notre formation aient une crédibilité».
L’urgence d’une réglementation
Amélie Gartner, Valérie Henry et beaucoup d’autres professionnels voudraient que la profession soit légiférée. «Il faut mettre en place les mêmes mesures que pour la psychothérapie: sérier les formations sérieuses et non sérieuses, et faire en sorte que les coachs aient une formation de base suffisante», demande Valérie Henry. Qui suggère de reconnaître certaines écoles selon des critères précis. Histoire que les clients puissent choisir leur accompagnateur de manière éclairée.
Xavier, lui, ne regrette pas son choix. Le Bruxellois a trouvé l’amour il y a quelques années et vient d’emménager avec sa copine. «Le coach m’a permis de développer mes relations amicales, amoureuses et ma confiance en moi.» 250 euros, selon lui, bien investis.
Maxime Dieu