Le fat bike est notamment prisé par les adolescents.

Le danger des fat bikes débridés, entre vitesse illégale et casse-tête pour les autorités

Avec leurs pneus surdimensionnés et leur moteur souvent débridé, les fat bikes se multiplient dans les villes belges. Leur succès soulève des questions de sécurité et de réglementation.

Difficile de les rater en rue. Ces dernières années, le nombre de «fat bikes» a sensiblement augmenté en Belgique. Ces vélos électriques étaient utilisés dans les années 1980 sur les pistes enneigées de l’Alaska, puis sur les plages de sable fin du reste des Etats-Unis, où leurs pneus surdimensionnés (parfois de plus de dix centimètres de large) leur permettaient de ne pas s’enfoncer dans ces surfaces meubles. «Le fat bike n’avait pas beaucoup de succès auparavant en Belgique, mais cela a changé depuis l’arrivée des vélos électriques: la demande est apparue, car ses gros pneus donnent une grande adhérence au sol et un certain confort. C’est plutôt agréable à utiliser», explique Isabelle Parmentier, responsable de Bike Republic à Evere.

Conduire un fat bike, c’est aussi se donner du «style» sur la route ou les pistes cyclables, certains de ces engins ressemblant très clairement à de petites motos. Malgré ce succès, difficile d’en trouver dans un magasin de vélos «classique» en Belgique. «Ce n’est pas un vélo populaire auprès des grands fabricants: c’est un vélo hybride, ni urbain, ni VTT, qui n’est généralement pas proposé avec une motorisation classique mais plutôt dans la roue arrière. Les grands constructeurs mondiaux ne proposent pas de fat bike: on parle d’un vélo de niche, disponible surtout sur Internet», ajoute Isabelle Parmentier. 

Jusqu’à 45 km/h en toute illégalité

Or en ligne, généralement, les fat bikes n’ont pas seulement les caractéristiques esthétiques d’autres véhicules bien plus rapides, ils en imitent aussi les caractéristiques techniques. En Belgique, la législation impose que ce type de vélo électrique standard puisse techniquement rouler à maximum 25 km/h. Les fat bikes proposés sur Internet, souvent sur des sites chinois, dépassent allègrement cette vitesse et peuvent monter jusqu’à 45 km/h grâce à un moteur débridé. Et si ce n’est pas le cas, des tutoriels disponibles sur YouTube ou les réseaux sociaux expliquent, images à l’appui, comment débrider facilement son fat bike pour lui permettre d’atteindre une vitesse bien plus élevée que celle autorisée.

Ces engins devraient donc être classés dans la catégorie des vélos dits speed pedelecs, capables d’atteindre eux aussi 45 km/h et assimilés à des cyclomoteurs (scooters, mobylettes…) aux yeux de la loi: ils doivent être immatriculés, assurés, le port du casque est obligatoire, l’âge minimal du conducteur doit être de 16 ans et celui-ci doit posséder le permis AM ou B. Mais dans les faits, ce n’est pas le cas et les fat bikes surpuissants roulent alors trop souvent en toute illégalité. «Les problèmes de trottinettes ne sont pas encore résolus, et maintenant, les fat bikes s’y ajoutent», déclare David Stevens, commissaire de la zone de police Bruxelles-Capitale Ixelles, dans les colonnes du Standaard. «A Bruxelles, c’est parfois une véritable bagarre pour sa place dans la rue. Nous sommes particulièrement préoccupés par les fat bikes sur-réglés. Nous allons procéder à des contrôles supplémentaires.» En juin dernier, la VRT avait par ailleurs révélé que la police belge était «impuissante» face à ces engins trafiqués, son matériel actuel étant obsolète et inadapté pour mesurer leur vitesse.

«Ils n’ont pas les bons freins, la bonne stabilité, ou même les pneus adaptés.»

Isabelle Parmentier, responsable de Bike Republic

C’est leur vitesse excessive, combinée à leur gabarit, qui accroît le risque d’accident grave, aussi bien pour les autres usagers que pour les conducteurs eux-mêmes. «A partir du moment où ces vélos sont plus rapides qu’à la base, ils n’ont pas été pensés ou équipés pour cela: ils n’ont pas les bons freins, la bonne stabilité, ou même les pneus adaptés», explique Isabelle Parmentier de Bike Republic. «Les fat bikes posent beaucoup de questions nécessitant d’être étudiées. Mais nous ne défendons pas les mauvais comportements et nous sommes contre tous les vélos électriques débridés qui ne respectent pas les règles et peuvent mettre en danger les usagers», fait savoir de son côté l’association citoyenne Avello, qui défend les intérêts des cyclistes en Wallonie et à Bruxelles. 

«Mobylettes déguisées»

Dans les pays voisins, le cadre juridique entourant ces vélos pose également problème. Aux Pays-Bas, où ces engins sont beaucoup plus nombreux, cela fait plusieurs années qu’ils alimentent le débat public en raison de leur dangerosité. Les accidents impliquant des fat bikes, souvent conduits par des mineurs, s’y multiplient: sur les quatre premiers mois de 2024, 33 conducteurs de fat bike ont été admis aux urgences, contre 59 conducteurs sur toute l’année 2023, et sept en 2022, selon les chiffres de l’association VeiligheidNL. Aucun chiffre de ce genre n’a encore été communiqué en Belgique, où le nombre de fat bikes reste aussi inconnu.

En septembre 2024, Barry Madlener, ministre néerlandais des Infrastructures, a balayé la proposition d’imposer l’âge minimum de 14 ans pour conduire un fat bike et d’obliger le port du casque. Il avançait le fait qu’il était difficile, légalement parlant, de différencier les vélos aux pneus surdimensionnés des vélos électriques plus classiques, et que les fournisseurs de fat bikes s’adapteraient rapidement, en changeant la taille des pneus par exemple, pour rendre les engins acceptables aux yeux de la loi. Son successeur à ce ministère, Robert Tieman, a évoqué un an après la possibilité d’imposer le port du casque aux mineurs conduisant un vélo électrique face aux critiques condamnant l’inaction du gouvernement concernant les fat bikes. Il souhaite la création d’un «label qualité», alors que plusieurs enseignes néerlandaises vendent ce genre de vélos. Face aux tergiversations des autorités néerlandaises, des municipalités ont déjà décidé de s’organiser et souhaitent bannir les fat bikes de leur centre-ville. En Flandre, le Mater Salvatorisinstituut, une école secondaire située à Kapellen, a interdit à ses élèves de venir avec ce genre de vélo. «Un fat bike occupe la place de trois vélos dans le local, et nous commençons déjà à manquer de place», a justifié le directeur au Standaard, évoquant aussi une question de sécurité. «Nous organisons souvent des sorties scolaires à vélo. Si des élèves roulent à plus de 25 km/h lors de ces sorties, ce n’est pas sûr.»

Au Luxembourg, le vide juridique est encore plus important, puisque le gouvernement n’a pas encore légiféré sur les speed pedelec. En France, où des fat bikes sont également vendus, la loi est la même qu’en Belgique… tout comme les problèmes. «Un vélo électrique permet d’atteindre la vitesse d’un adulte en bonne santé [sur un vélo musculaire]. Les fat bikes débridés, eux, créent un différentiel de vitesse gênant. Pour nous, les pistes ne peuvent pas être un lieu où circulent des mobylettes déguisées en vélos», plaidait en novembre dernier le porte-parole de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) dans Le Monde.

En attendant que les autorités harmonisent et fassent respecter les règles, ces deux-roues parfois XXL continuent de circuler entre deux mondes: ceux du vélo et du cyclomoteur. Un flou séduisant pour les amateurs de sensations ou de style, mais qui met aussi à l’épreuve la sécurité et la cohabitation sur l’espace public.

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