noms de rue
Les rues «féminines» en Belgique se réfèrent la plupart du temps à des saintes, reines et princesses. © BELGA/BELPRESS

Féminisation des noms de rue: quelle place votre commune accorde-t-elle aux personnalités féminines? (infographie)

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Rendre les espaces publics plus égalitaires et inclusifs passe par une série d’actions concrètes, mais aussi parfois plus symboliques, pour en finir avec l’invisibilisation des femmes. Le choix du nom des rues permet notamment de mettre en valeur des personnalités féminines, mais la parité reste compliquée.

Marie d’un côté, Joseph de l’autre: voici le prénom féminin et masculin apparaissant le plus souvent dans les noms de rues en Wallonie. Mais si la première s’affiche sur 87 plaques de rue, le second orne 365 lieux, soit quatre fois plus.

Ce déséquilibre est généralisé à l’échelle du territoire wallon. En analysant l’entièreté des personnalités ayant donné leur nom à une chaussée, les hommes occupent l’immense majorité de l’espace public: près de 7.200 rues se réfèrent à une personnalité masculine, contre 875 pour les femmes, selon les calculs du Vif. Parmi ces dernières, les reines, princesses et saintes occupent la majorité du classement, mettant bien moins souvent à l’honneur des femmes pour leur talent ou leur place dans l’histoire que pour un titre, qu’il soit religieux ou de noblesse.

En regardant quand le nom a été attribué, un autre mouvement s’observe nettement, avec 196 rues nouvellement nommées ou renommées pour mettre à l’honneur une personnalité féminine au cours des dix dernières années. Une rue sur quatre portant le nom d’une femme l’est donc depuis moins de dix ans en Wallonie. Le signe d’une prise de conscience au sein des communes, dont le conseil est le seul habilité à baptiser les voies publiques, que ce soit pour donner un nom à une nouvelle rue ou pour modifier un nom existant. Le processus implique également la Commission royale de toponymie et de dialectologie.

Dour, Pont-à-Celles et Rixensart affichent un taux de rues portant un nom de femme supérieur à 4% (contre au moins 16% pour un nom masculin), tandis qu’à l’autre bout du spectre 59 communes n’ont aucune rue mettant en valeur une personnalité féminine. Seules trois entités sont dans le cas pour les rues honorant les hommes, à l’échelle de la Wallonie.

Noms de rue: quelles femmes mises à l’honneur?

Plus d’un tiers des 60 municipalités les plus peuplées de Wallonie et de Bruxelles, sondées par Le Vif, ont répondu «oui» à la question «La proportion de femmes ayant donné leur nom à une rue a-t-elle augmenté ces cinq dernières années?». Malgré le manque d’espaces pour les accueillir et les désagréments éventuels lors d’une «débaptisation», une vingtaine ont décidé d’en faire une priorité. Ainsi Liège a inauguré une vingtaine de nouvelles voiries portant un nom féminin, Namur et Auderghem, douze. La même impulsion concerne Koekelberg, Saint-Gilles, Forest, Etterbeek, Bruxelles, Ath, Soignies ou encore Ixelles.

A Bruxelles, selon une estimation d’Open Knowledge Belgium et le collectif Noms peut-être, le pourcentage de rues nommées en hommage à une femme s’élève à 7,9%. L’invisibilité symbolique se manifeste aussi dans les dénominations majoritairement masculines des établissements scolaires, des monuments, des statues, des espaces verts, des salles communales… Les «scores» varient de 1% à 8,5%.

Parmi les personnalités féminines les plus mises à l’honneur: Simone Veil, Marie Popelin, Edith Cavell ou encore Marie Curie, cette dernière devant parfois partager l’affiche avec son mari, Pierre. Dans les dernières figures féminines ayant donné leur nom à une rue se retrouvent Fanny Germeau, artiste peintre, résistante et féministe liégeoise, Hélène Dutrieu, cycliste et aviatrice née à Tournai, Lise Thiry, scientifique belge qui s’engagera en politique, ou encore Claire Lejeune, poétesse et membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises. Quelques femmes que plusieurs communes ont choisi d’afficher dans l’espace public, afin de faire perdurer leur histoire.

Méthodologie

Pour déterminer les rues portant le nom d’une personnalité, Le Vif a extrait l’ensemble des 61.000 rues de la base de données officielle du SPW. Celle-ci a été croisée, via une solution automatisée, avec un listing des prénoms données entre 1900 à aujourd’hui dans le fichier global de l’Insee en France, plus complet que celui disponible en Belgique (il comprend notamment plus de prénoms anciens, permettant une meilleure détection).

Pour filtrer plus spécifiquement les personnalités, les rues devaient comprendre un prénom suivi d’au moins un mot, désignant la plupart du temps un nom de famille.

Un dernier filtrage manuel a été effectué ensuite sur les résultats restants pour lever quelques ambiguïtés (possibles noms communs comme Pierre, Olivier, Marine et prénoms mixtes comme Dominique, Frédérique, etc.). La vérification de 19 rues avec «Camille» reste en suspens et d’autres faux positifs peuvent avoir modifié les résultats à la marge, tant côté féminin que masculin.

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