fast-food belgique
Les Belges dépensent davantage en fast-food, surtout pour la livraison de repas. © BELGA

Fast-food, repas livrés ou achats ambulants: voici ce qui a fait le plus grimper les dépenses de malbouffe des Belges

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Comment les ménages belges dépensent-ils leur argent? Côté alimentaire, le fast-food et les autres produits de restauration rapide sont en augmentation, selon la grande enquête bisannuelle de Statbel. Zoom sur l’assiette belge.

Le budget des ménages se stabilise après le choc du Covid-19 et les périodes d’inflation qui ont suivi. Ce constat se confirme à la lumière des dépenses des Belges en 2024, selon l’enquête bisannuelle de Statbel, l’Office belge de statistique, qui vient de publier ses résultats.

Concrètement, cela signifie, par exemple, que les loisirs, les voyages et les sorties comptent à nouveau davantage dans les dépenses, après le coup d’arrêt lié à la pandémie. A l’inverse, les postes alimentation et logement, qui avaient englouti une part plus grande du budget à l’époque, reviennent à leurs niveaux d’avant-crise.

Les données de Statbel ne se limitent pas à ces grandes catégories, mais détaillent différents produits et services pour mieux en montrer l’évolution. En vrac, les frais bancaires sont passés de 27 euros par personne et par an en moyenne en 2014, à 57 euros dix ans plus tard; les dépenses annuelles pour les fruits évoluent de 143 euros à 220 euros au cours de la même période, alors que les achats de chaussures pour hommes fluctuent de 43 euros en moyenne en 2014, à 57 euros l’an dernier.

De 103 à 281 euros pour le fast-food

Ces chiffres, remis dans le contexte de l’inflation, doivent être nuancés. Dix euros de 2014 ne valent plus la même chose en 2024. Presque tout coûte aujourd’hui plus cher qu’hier. Mais certaines augmentations dépassent largement la hausse moyenne des prix constatée en Belgique. En ajustant les montants à l’inflation, il se confirme que les dépenses des Belges pour certains produits ont bel et bien grimpé.

Le Vif s’est prêté à l’exercice pour divers produits et dépenses alimentaires. La flambée des dépenses pour les fruits (+ 16,9% entre 2014 et 2024) et la baisse pour les boissons alcoolisées (- 2,4%) suggèrent que les Belges surveillent davantage leur alimentation. Mais dans la masse des dépenses dédiées aux papilles, un pic interpelle: dans la catégorie «fast-food», le Belge dépensait en moyenne 103 euros par an en 2014 contre 281 euros en 2024. Même en ajustant ces sommes à l’inflation, ce type de dépense a tout simplement doublé.

Les repas livrés, le choix de la facilité post-Covid

Le marché de la restauration rapide, tel que défini par Statbel, regroupe de nombreux items. L’Office belge de statistique y associe les dépenses de fast-food en restaurant (pizza, burger, tacos, etc.), les repas livrés à domicile pour ce type de produit, les consommations diverses hors domicile, comme l’achat de cornets de frites, les glaces, les croustillons ou les gaufres, les boîtes-repas à cuisiner chez soi et, enfin, les consommations dans les transports (train, avion, etc.) lorsqu’elles sont payées séparément –une dernière catégorie, toutefois, totalement marginale dans le total.

A noter: les box-repas font leur entrée dans le décompte, avec parfois une image plus saine que celle associée au fast-food. Elles représentent un ajout de 33 euros dans le total de cette catégorie, ce qui n’explique pas la totalité de la hausse enregistrée.

Ce sont surtout les achats «ambulants» et les livraisons de repas, plutôt que les restaurants fast-food, qui tirent la hausse sur ce segment. Pour ses consommations hors domicile, le Belge dépensait en moyenne 47 euros en 2014, contre 105 euros en 2024. Du côté des livraisons de repas à domicile, le secteur a bondi avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme Uber Eats, Deliveroo ou Takeaway.com, passant de dix euros de dépenses par an et par personne en 2014 à 91 euros une décennie plus tard!

Autre chiffre révélateur de cette flambée du repas livré, le nombre de répondants à l’enquête déclarant avoir recours à ce type de service a triplé au cours de la même période. Selon l’extrapolation de Statbel, cela signifie désormais que près d’un ménage belge sur cinq consomme désormais des repas livrés à domicile.

«L’augmentation des achats en ligne par rapport aux achats hors ligne est clairement en lien avec la période Covid, mais cette tendance était déjà visible avant la pandémie, assure Stefanie Vandevijvere, scientifique spécialisée en nutrition et santé publique chez Sciensano. Il est peu surprenant que les gens achètent davantage, car ce problème est largement lié à l’offre, et pas seulement à la demande. L’expansion des fast-foods et la disponibilité croissante de la restauration rapide à travers l’Europe nourrissent le phénomène.»

La restauration rapide veut prendre du poids

Si les dépenses dans la restauration rapide semblent stagner en Belgique, autour d’une cinquantaine d’euros par an et par personne, l’experte en santé publique rappelle d’autres chiffres publiés dans une étude de 2022: à travers l’Europe, le nombre de points de vente et de transactions annuelles ont considérablement augmenté depuis 2011, de respectivement 75% et 88%, en moyenne. Une hausse loin d’être marginale, même si certains territoires sont davantage concernés et tirent la moyenne vers le haut.

Stefanie Vandevijvere s’alarme également des dernières annonces, alors que le secteur prévoit notamment l’ouverture de 250 restaurants supplémentaires d’ici à 2030, en Belgique. «Il est important que les communes disposent d’outils juridiques pour empêcher, si elles le souhaitent, l’ouverture de nouveaux établissements, sur la base de critères sanitaires. Outre l’interdiction, l’exemple d’Auderghem, qui prévoit de taxer les fast-foods, constitue aussi une approche intéressante. Outre cela, les heures d’ouverture pourraient, par exemple, être restreintes. Il est en tout cas urgent de trouver des solutions pour s’attaquer à ce problème.»

Les habitudes alimentaires des Belges évoluent: plus pratiques, plus rapides, souvent smartphone à la main. Mais en matière de santé publique, le prix à payer n’est sans doute pas toujours celui affiché.

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