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22% des pères ou des coparents ne profitent pas de la totalité de leur congé de naissance. Les raisons son multiples, selon Nathalie Lucas, senior legal consultant chez Attentia. © Getty Images/Westend61

20 jours de congé de naissance, mais beaucoup inutilisés: ce qui freine les nouveaux pères

Bien que le congé de naissance ait été allongé de dix à 20 jours en trois ans, 22% des pères et des coparents n’en profitent pas pleinement. Pression du travail, obstacles financiers, méconnaissance du cadre légal: derrière les chiffres, une norme de disponibilité continue de dissuader, surtout chez les travailleurs les plus âgés.

Ces dernières années, le congé de naissance accordé aux pères et aux coparents a été progressivement allongé, passant de dix à quinze jours en 2021, puis à 20 jours dès 2023. Or, cet allongement ne profite pas complètement à un peu plus d’un travailleur éligible sur cinq (22%), indique le prestataire de services RH Attentia, selon les données salariales récoltées auprès de près de 17.000 travailleurs belges entre 2018 et 2024. Jusqu’en 2020, soit avant le premier allongement, 16% des pères et des coparents ne profitaient déjà pas pleinement de leurs jours de congé de naissance.

Le nombre moyen de jours délaissés par les travailleurs a augmenté à mesure que le congé de naissance a été allongé, montre, en outre, l’analyse. Passant d’un peu plus d’une demi-journée pour un total de dix jours, à plus d’une journée pour quinze jours, et jusqu’à une journée et demie pour vingt jours de congé.

Une culture du présentéisme encore très ancrée

Ce renoncement n’est pas uniforme parmi les travailleurs belges, l’âge et la fonction jouant un rôle important dans cette décision. Ainsi, les pères et coparents ouvriers (23%) sont plus nombreux que les employés (18%) à renoncer à certains jours de leur congé de naissance. Les cadres (23%) en profitent également moins que les non-cadres (19%). Les travailleurs qui ne possèdent qu’un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur prennent aussi moins souvent l’intégralité du congé auquel ils ont droit que ceux disposant d’un diplôme de niveau supérieur.

«Plus une personne occupe un poste élevé, plus la pression d’être toujours disponible est forte.»

Quant à l’âge, ce sont surtout les travailleurs les plus âgés qui n’en profitent pas. 27% des 45 ans et plus y renoncent partiellement, quand ils ne sont que 18% dans la tranche d’âge 25-34 ans. «Le fait que ce soient principalement les pères et les coparents plus âgés et les cadres qui profitent moins de leur droit au congé de naissance semble démontrer la persistance d’habitudes profondément ancrées dans notre culture du travail. Plus une personne occupe un poste élevé, plus la pression d’être toujours disponible est forte», souligne Nathalie Lucas, senior legal consultant chez Attentia.

Elle précise que cette pression est souvent autoinfligée, les travailleurs «craignant pour leur carrière et leur image professionnelle». Elle admet néanmoins que persiste encore, en Belgique, une culture du présentéisme, «une pression hiérarchique qui continue à décourager les absences plus longues malgré l’évolution de notre société et du cadre légal».

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Les pères les plus âgés sont plus nombreux à abandonner leur congé de naissance pour retourner travailler plus tôt. © Getty Images

Un congé de naissance bénéfique pour les pères

Les raisons de cet abandon sont multiples, précise la legal consultant. Outre la pression de travail, «le sentiment d’y être indispensable joue également un rôle chez certains» travailleurs. Le principal obstacle reste toutefois financier. Si les trois premiers jours de congé sont payés en totalité par l’employeur, les jours suivants, les pères et coparents ne reçoivent plus qu’une allocation s’élevant à 82% du salaire brut plafonné, versée par leur mutuelle. Dernière explication, selon elle: «Tout le monde n’est pas suffisamment informé des possibilités de répartir le congé sur une période de quatre mois.»

Il en va de la responsabilité des employeurs d’informer leurs employés, pères ou coparents, qui n’en auraient jamais entendu parler à propos de ce congé de naissance, estime Nathalie Lucas. Les patrons auraient d’ailleurs tout à y gagner: «Des collaborateurs soutenus reviennent plus motivés. C’est un signal fort pour le bien-être et l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, souligne-t-elle. Ça permet aussi d’éviter les burn-outs et les problèmes liés à la santé mentale.»

Si le congé de naissance profite à l’employeur, ce sont surtout les familles qui en profitent. Permettre au père ou au coparent de s’investir dans la vie de son enfant durant ses premiers mois de vie aura un impact significatif sur son implication dans la parentalité, les années qui suivront. «Cela contribue aussi à une répartition plus équitable entre les tâches familiales et, à terme, est bénéfique pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ajoute Nathalie Lucas. Il y a encore énormément d’étapes à franchir avant d’en arriver aux modèles des pays scandinaves, mais le fait que le congé parental existe et qu’il a été augmenté à 20 jours est un bon début.»

S’ils diffèrent d’un pays à l’autre, les modèles de congés parentaux scandinaves sont largement plus généreux que celui de la Belgique. En Norvège, par exemple, le couple a droit à trois semaines de congé à la naissance, puis quinze autres semaines pour la mère et quinze semaines pour le père, et enfin, seize semaines supplémentaires à se partager. Cerise sur le gâteau, le salaire est payé à 100% durant cette période. Les parents ne sont néanmoins pas forcés de prendre la totalité de leurs jours de congés.

«Des collaborateurs soutenus reviennent plus motivés. C’est un signal fort pour le bien-être au travail.»

Un modèle scandinave pas si parfait

Les députées Nahima Lanjri et Nathalie Muylle (CD&V) ont présenté, en mai dernier, une proposition inspirée de ce modèle: un crédit familial qui permettrait aux parents de bénéficier de deux ans de congé à répartir entre eux (et éventuellement avec les grands-parents) avant les 18 ans de l’enfant. La proposition offrirait cependant moins de congés aux parents qu’à l’heure actuelle, souligne Madeleine Guyot, directrice générale de la Ligue des familles.

Par ailleurs, celle-ci ne favoriserait pas totalement l’égalité entre la mère et le coparent, avait, à l’époque, estimé un économiste de l’ULB (qui ne souhaitait pas que son nom soit publié). Pour s’assurer d’un partage équitable, cette proposition devrait s’assortir de conditions comme une obligation pour le père ou le coparent de profiter de ces congés. «Dans les pays où des banques de congé communes sont mises en place, c’est surtout la mère qui en bénéficie, mettait-il en garde. Cela a des conséquences sur l’attachement des mères au marché du travail, et ça perpétue les différences de carrière entre femmes et hommes.»

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