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En 20 ans, les ventes de fers à repasser et de centrales vapeur ont baissé de 22%, alors que celles des défroisseurs ont augmenté. © Getty Images

Essor du «froissé chic», émancipation, fast fashion: pourquoi le repassage est-il mort?

Le repassage est devenu une pratique du passé. En Belgique, les ventes de centrales vapeur ont reculé de 22% en 20 ans. Plusieurs facteurs expliquent cette baisse, mais l’émancipation des rôles traditionnels n’en est pas vraiment un.

Remisé au placard, le fer à repasser… Rangée dans l’arrière-boutique, la centrale vapeur… Le Belge ne repasse plus. Au cours des 20 dernières années, les ventes de fers à repasser ont reculé de 22%, en Belgique, selon les données de GFK by NielsenIQ. Une tendance qui s’observe également dans d’autres pays européens à l’instar de la France, où le nombre de machines de repassage vendues est passé de trois millions à la fin des années 2000 à 1,6 million en 2024.

«Le temps est devenu un luxe, expose Sandra Rothenberger, professeure de marketing à la Solvay Brussels School. Entre vie professionnelle, loisirs et engagements divers, peu de personnes souhaitent encore consacrer du temps au repassage, perçu comme une corvée chronophage.» Cela ne signifie pas pour autant que les Belges se promènent avec des chemises froissées et de faux plis sur leurs pantalons. D’autres technologies se sont emparées du marché, à l’image des défroisseurs, moins encombrants, plus légers et plus rapides, et des machines à laver avec fonction vapeur, étudiées pour réduire les plis après le lavage. Une partie des consommateurs externalise la tâche du repassage. «Dans un monde où l’on valorise l’efficacité, de plus en plus de consommateurs préfèrent déléguer le repassage à des services spécialisés. Cela représente pour eux un gain de temps, et leur assure un résultat impeccable», poursuit la spécialiste.

«Porter des vêtements légèrement froissés est devenu socialement accepté, voire tendance. La perfection laisse place à l’authenticité.»

Des matières qui ne nécessitent plus de repassage

Il y a aussi ceux qui s’en fichent. Flemmards ou «modeux» adoptent désormais ce que Sandra Rothenberg appelle le style «froissé chic»: «Porter des vêtements légèrement froissés est devenu socialement accepté, voire tendance. La perfection laisse place à l’authenticité.» Mireille Le Guen, démographe et professeure de sociologie à l’UCLouvain, abonde: «L’importance accordée au fait d’avoir des vêtements bien repassés a diminué. Mais c’est peut-être aussi parce qu’on les utilise peu. On trouve dorénavant des services web de garde-robes où louer des vêtements. Finies les corvées de nettoyage et de repassage.»

Puis, certaines pièces n’ont tout simplement plus besoin d’être repassées. Plusieurs marques ont fait du vêtement «infroissable» un argument de vente, à l’instar des chemises belges Beau-fils, composées à 100% de polyester (recyclé), une matière synthétique dérivée du pétrole. Bon marché, il s’agit aujourd’hui du textile le plus utilisé dans l’industrie de l’habillement devant le coton. Surtout dans la fast fashion. Au-delà de ses caractéristiques infroissables, le PES, recyclé ou non, a plusieurs avantages: il évacue bien la transpiration, est bon marché, sèche vite, est résistant et élastique. Toutefois, étant un matériau issu de la pétrochimie, le polyester a un impact environnemental important: il pollue lors de sa confection, durant son utilisation en libérant des microparticules dans l’eau, et n’est pas biodégradable.

Merci l’émancipation de la femme? Pas vraiment

Enfin, l’émancipation des tâches traditionnelles a aussi un rôle à jouer dans la fin du repassage, d’après Sandra Rothenberg. «Autrefois, le repassage était souvent délégué aux femmes au sein du foyer. L’évolution des mentalités, de la place des femmes dans la société et le partage des tâches ont naturellement contribué à réduire cette pratique», avance-t-elle. Un avis que ne partage pas tout à fait Mireille Le Guen. «Depuis que les femmes ont commencé à travailler dans la sphère productive, c’est-à-dire en dehors de la maison, on a constaté qu’elles ne consacraient pas moins de temps aux tâches ménagères. Est apparu ce que l’on appelle la « double journée »: les femmes travaillent en entreprise et s’occupent des tâches domestiques une fois rentrées chez elles», expose la sociologue.

«Depuis que les femmes ont commencé à travailler, on a constaté qu’elles ne consacraient pas moins de temps aux tâches ménagères. Est apparu ce que l’on appelle la “double journée”. »

Un argument que ne dément pas une étude de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes publiée en 2016 portant sur le partage du temps dans les ménages. Tandis que les hommes consacrent en moyenne 1h20 supplémentaire par jour de la semaine au travail rémunéré, les femmes, elles, effectuent quotidiennement en moyenne 1h30 de tâches ménagères –donc non rémunérées– après leur journée de travail. «On ne peut nier qu’il y a aujourd’hui un plus grand partage domestique, mais les femmes continuent à faire plus, commente la professeure louvaniste. Surtout, des tâches moins valorisées par la société comme la lessive, et éventuellement le repassage. Les hommes, eux, vont plutôt jouer avec les enfants ou préparer le repas.»

En 2023, l’IEFH publiait une autre enquête sur le congé de naissance. Plusieurs questions portaient sur le partage des tâches ménagères dans le couple. Les réponses sont plutôt édifiantes. A la question «qui effectue les tâches ménagères à la maison?», 57% des hommes ont estimé que le partage était à peu près équitable, contre seulement 36% des femmes. 47% d’entre elles ont par ailleurs répondu être seules en charge des corvées domestiques. A cette autre question «Les femmes et les hommes doivent-ils assumer les tâches ménagères à parts égales?», 93,3% des répondantes se disaient d’accord (dont 64,6% «tout à fait d’accord»), contre 82,9% des répondants (dont 52,9% «tout à fait d’accord»).

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