La pollution de sites industriels du monde entier est ici modélisée.

Votre air est-il pollué par l’industrie? Découvrez les «super émetteurs» près de chez vous avec cette carte

Un organisme a mesuré la pollution industrielle dans le monde et a modélisé l’exposition des populations sur une carte, consultable en ligne gratuitement. En Belgique, huit zones sont répertoriées, contenant au total quinze «super émetteurs» de pollution.

Etes-vous directement touché par la pollution industrielle? Le nouvel outil de l’ONG Climate TRACE, cofondée notamment par l’ancien vice-président américain Al Gore, apporte une réponse. Sa carte interactive permet d’avoir un aperçu des panaches de pollution émanant de plus de 137.000 sites industriels à travers le monde, dont des centrales électriques, des raffineries, des ports ou des mines: près de 4.000 sont d’ailleurs considérés comme des «super émetteurs» en raison de leurs fortes émissions polluantes. Pour la Belgique, les données des zones de Bruxelles, Charleroi, Mons, Anvers, Gand, Liège, Courtrai et Bredene sont consultables, gratuitement. Au total, 1,6 milliard de personnes sont concernées par cette pollution atmosphérique dans les quelque 2.500 aires urbaines étudiées ici.

Des chiffres peu surprenants, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2019, «99% de la population mondiale vivait dans des endroits où les seuils préconisés dans les lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air n’étaient pas respectés». «Beaucoup savent déjà qu’ils vivent dans l’ombre des grands émetteurs; ces données mondiales ne font que confirmer et chiffrer leurs constats. Mais dans d’autres cas, une pollution dangereuse – et ses responsables précis – peut être étonnamment invisible», souligne Gavin McCormick, cofondateur de Climate TRACE, dans un communiqué.

Aperçu de la pollution émanant des sites de la zone urbaine de New York étudiés par Climate TRACE.

«Une avancée scientifique majeure»

Climate TRACE utilise les données de 300 satellites, 30.000 capteurs au sol et de l’intelligence artificielle pour mesurer puis modéliser ces données. La carte propose des données (issues des observations de 2024) pour une journée “moyenne”, reflétant l’exposition habituelle des habitants en conditions météorologiques favorables, et pour le “pire jour”, lorsque les niveaux atteignent leur maximum. A terme, l’organisation espère pouvoir mettre à disposition les données du monde entier et une carte en temps réel.

Sont dévoilées ici les mesures de particules fines en suspension dans l’air (PM2,5) et celles de sept autres polluants atmosphériques nocifs : le dioxyde de soufre (SO₂), les oxydes d’azote (NOx), le carbone organique, le carbone noir, le monoxyde de carbone, l’ammoniac et les composés organiques volatils. «Selon la source de ces particules fines, comme le trafic routier ou ici des sites industriels, leur composition sera différente ; il y aura plus de suie, de métaux, de composés organiques… Les concentrations de pollution varient selon les émissions ou les conditions météorologiques, par exemple», précise l’épidémiologiste Basile Chaix, directeur de recherche à l’Inserm en France. «Dans la plupart des pays, il n’existe rien de comparable, et ces informations constituent donc une avancée scientifique majeure ici», explique à CNN Gavin McCormick.

«Il y a ici un côté ludique et pédagogique»

Sarah De Munck, médecin généraliste de formation

15 «super émetteurs» de pollution en Belgique

Il existe plusieurs sites pour connaître la qualité de l’air en Belgique: Ircel-Celine donne ainsi des mesures en temps réel, comme celles de la pollution aux particules fines, et des explications de l’indice de la qualité de l’air attribué. «Il y a ici un côté ludique et pédagogique, souligne Sarah De Munck, médecin généraliste de formation assurant la coordination scientifique de la cellule environnement de la Société scientifique de médecine générale (SSMG). Cette carte donne les sources industrielles qui participent à l’exposition aux particules fines et à d’autres polluants, et la dispersion de ceux-ci. C’est une information nouvelle et pertinente, même s’il faut voir s’il n’y a pas quelques petites imprécisions ou approximations, pour calculer par exemple une journée « moyenne » de pollution. Comme ce sont des données mondiales, il est aussi possible de les comparer, de mettre en perspective avec les sites industriels près de chez soi, ce qui est aussi très intéressant.»

«C’est toujours utile pour les citoyens d’avoir des sources de données complémentaires aux rapports officiels, complète le climatologue Jean-Pascal van Ypersele de Strihou et ancien vice-président du Giec. Cela peut aussi servir à mettre les pollueurs devant leurs responsabilités. L’heure devrait être au renforcement des règles et des contrôles par les autorités, car il s’agit ici d’une question de santé publique.» En Belgique, dans les zones étudiées, quinze sites industriels sur les 72 dont les données sont dévoilées font ainsi partie des 10% des «super émetteurs» de pollution dans le monde. Parmi eux, la cimenterie Holcim à Obourg (419,69 tonnes de PM2,5 dans l’air en 2024), ou ArcelorMittal à Gand, plus gros pollueur de Belgique en ce qui concerne les particules fines (3.530 tonnes, plus que 99,7% des sites étudiés par Climate TRACE) ou les gaz à effet de serre (7,88 millions de tonnes équivalent CO₂ émises en 2024).

Le nombre de personnes impactées dans ces zones reste toutefois très loin des chiffres des dix zones les plus exposées à la pollution atmosphérique due aux principaux facteurs contribuant au changement climatique (aucune n’est située en Europe, voir encadré). «Les installations utilisant des combustibles fossiles constituent la principale source de pollution, à l’origine de la crise climatique, en utilisant le ciel comme un égout ouvert. La pollution atmosphérique aux particules fines qu’elles génèrent se propage également dans les quartiers environnants et cause la mort de 8,7 millions de personnes par an», assure Al Gore dans le communiqué de Climate TRACE.

4.100 décès liés à l’exposition aux particules fines en Belgique

«Les effets de cette pollution sur la santé, à court ou long terme, sont connus, développe Basile Chaix. A court terme, ce sera des effets sur des pathologies respiratoires chroniques (asthme, bronchite…) qui vont s’aggraver. La pollution particulaire est également liée à des problèmes cardiovasculaires, tels que les infarctus du myocarde. A long terme, ce sont des effets progressifs, qui mettent parfois longtemps à apparaître et vont faire baisser l’espérance de vie: dégradation du système cardiovasculaire, hypertension artérielle, développement de l’asthme ou d’une obstruction progressive des voies respiratoires… Des études plus récentes ont aussi fait état de troubles de la fertilité ou du développement de l’enfant, ou de liens entre des infections neurologiques ou de diabète à une exposition de plusieurs années à la pollution de l’air. Mais des effets à long terme sont encore à découvrir et des recherches sont en cours à ce sujet.»

En Belgique, 4.100 décès étaient liés à l’exposition aux particules fines (PM2,5), en 2022, et 1.230 à l’exposition au dioxyde d’azote, selon les données de l’Agence européenne pour l’Environnement.

Selon Climate TRACE, voici les 10 zones urbaines les plus exposées à la pollution atmosphérique:

1. Karachi (Pakistan): 18,42 millions d’habitants exposés
2. Guangzhou (Chine): 18,26 millions d’habitants
3. Séoul (Corée du Sud): 18,25 millions d’habitants
4. New York (Etats-Unis): 16,75 millions d’habitants
5. Dacca (Bangladesh): 16,29 millions d’habitants
6. Le Caire (Egypte):  15,82 millions d’habitants
7. Shanghai (Chine): 15,70 millions d’habitants
8. Bangkok (Thaïlande): 14,54 millions d’habitants
9. Shenzhen (Chine): 14,43 millions d’habitants
10. Tokyo (Japon): 14,18 millions d’habitants.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire