Bulles à vêtements. | Clothes containers. 19/06/2021

«Une situation sans précédent»: pourquoi les bulles à vêtements débordent en Belgique

Les bulles à vêtements débordent partout en Belgique. Si l’été est traditionnellement une période de tri dans les garde-robes, l’afflux actuel dépasse largement l’effet saisonnier. Entre la nouvelle obligation européenne de collecte sélective des textiles et la surconsommation liée à la fast fashion, le secteur du réemploi textile est à bout de souffle.

Les mois d’été sont souvent propices aux vide-greniers: les gens sont en congé, ils préparent la rentrée et font le tri dans leur garde-robe. Résultat: les bulles de collecte de vêtements de seconde main débordent. L’effet saisonnier joue un rôle, mais pas seulement. «Cet effet existe depuis la nuit des temps, on s’y est adapté grâce à une attention logistique et des équipes renforcées», explique Jean-Baptiste Verjans, responsable commercial et logistique chez Terre ASBL. Mais en cette période estivale, deux autres facteurs viennent perturber l’organisation: premièrement une nouvelle directive européenne qui impose la collecte sélective de vêtements, et deuxièmement, un afflux massif de textiles issus de la fast fashion. 

Depuis le 1er janvier 2025, une directive européenne impose la collecte sélective de vêtements. En d’autres termes, il est désormais interdit de jeter les vieux vêtements, chaussures ou encore linge de maison, qu’ils soient en bon état, abîmés ou troués, dans le sac ou le conteneur des déchets résiduels; à l’exception des textiles mouillés ou souillés. Résultat: la filière du réemploi textile se retrouve sous pression. «On est passé du statut de structure qui collectait des dons de vêtements à celui d’opérateur de collecte de déchets», insiste Franck Kerckhof, porte-parole de la Fédération Ressources qui représente 79 entreprises sociales et circulaires du secteur de la réutilisation des biens et des matières. Et pour ne rien améliorer, 20% de ce qu’on retrouve dans les bulles sont des déchets non textiles. 

Outre cette nouvelle réglementation, la fast fashion contribue grandement au débordement des bulles. En 2024, le secteur a collecté 31.000 tonnes de textiles, soit une hausse de près de 16% sur un an en Wallonie et à Bruxelles. Les 20 années précédentes, cette croissance n’excédait pas 3%, explique Franck Kerckhof. Une croissance qui s’explique principalement par une surconsommation de vêtements bas de gamme. En moins de dix ans, la consommation du textile a doublé par citoyen. Chaque année, chaque Belge se sépare de seize kilos de vêtements, au lieu de huit il y a dix ans. Des volumes plus importants et de moindre qualité. «Et avec l’arrivée de Vinted, les vêtements de meilleure qualité ne sont plus captés par nos collectes.»

Une croissance fulgurante

La situation ne devrait pas s’améliorer: entre 2023 et 2025, en Wallonie et à Bruxelles, 25.500 tonnes ont été récoltées par le secteur sur une année. «On estime atteindre, fin 2025, 35.000 tonnes sur un an. En sachant qu’un camion peut prendre en charge cinq tonnes, je vous laisse faire le calcul», appuie M. Kerckhof. Il faudrait donc ainsi près de 2.000 camions supplémentaires par rapport à 2023 pour collecter l’ensemble des textiles présents dans les bulles. Pour la Fédération Ressources, «la situation est sans précédent». 

Les entreprises de réemploi textiles regrettent que rien n’ait été mis en place pour financer et collecter ce surplus. Et la nouvelle régulation «implique une logistique plus lourde pour continuer à maintenir un service optimal: bulles à vider beaucoup plus fréquemment, plus de chauffeurs, plus de camions, tri plus complexe… », dénonçaient dans un communiqué commun fin juillet Terre, Oxfam et Les Petits Riens.

En Wallonie, afin de soutenir la filière, le gouvernement a adopté le 17 juillet dernier un ensemble de mesures. Parmi elles, la mise en œuvre progressive d’une indemnité transitoire, le temps de la mise en place d’un régime de Responsabilité élargie du producteur (REP) textile, attendue courant 2028, qui consiste à confier aux producteurs la responsabilité de la gestion des déchets textiles, de leur collecte à leur valorisation, dans une logique d’économie circulaire. A Bruxelles, l’absence de gouvernement ne permet pas, pour l’heure, d’avancer sur des pistes de solutions transitoires.

A l’échelle citoyenne, le réseau rappelle de ne pas déposer ses textiles de seconde main si une bulle est pleine afin d’éviter que cela ne se transforme en dépôts sauvages, et d’aller à la suivante; une cartographie des points de collectes est accessible sur le site Web de la Fédération Ressources. Dans certaines communes, des amendes peuvent aller jusqu’à 250 euros pour non-respect. Dans le cas où tout est saturé, il est demandé de garder ses textiles à son domicile le temps que l’effet saisonnier s’estompe et de revenir en octobre-novembre. «Il faut faire preuve de patience», conclut Jean-Baptiste Verjans. 

Laura Dubois

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