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Océans et montée des eaux: plusieurs maisons de Treffiagat dans le Finistère vont être démolies après avoir été rachetées par la communauté de communes du Pays Bigouden Sud. A cause de l'érosion, la dune de Léhan s'effondre. La première maison a été déconstruite.

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Océans: l’eau monte de plus en plus (en Belgique aussi) et ça ne s’arrêtera pas

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La montée des eaux est le symptôme de la dégradation des océans, sur le sort desquels le Sommet de l’ONU se penche à Nice jusqu’au 13 juin. Comment éviter le naufrage?

Les vacanciers le remarquent peut-être lors de chacun de leur séjour à la côté belge: le mer du Nord grignote toujours plus de sable alors que celui-ci est amassé par des chargeuses de chantier pour renflouer davantage les plages. Cela semble inéluctable… Depuis 1900, le niveau moyen des océans a augmenté de 20 centimètres. Sur la seule période 1993-2020, la hausse moyenne est estimée à environ dix centimètres. Cette hausse est due à la fois à la température des mers qui ne cesse de monter (une eau chaude prend plus de place qu’une eau froide) et à la fonte des glaciers. Selon les prévisions du GIEC, la hausse en Belgique pourrait atteindre entre 47 et 80 centimètres d’ici 2100, en fonction de l’ampleur du réchauffement climatique: 47 centimètres si le réchauffement global atteint 2 °C de, et 80 centimètres pour un réchauffement de +4 °C.

On sait qu’avec 50 centimètres, une bonne partie de la Flandre orientale serait inondée, jusque Bruges, Jabbeke ou Diksmuide. L’année dernière, le gouvernement flamand s’est accordé sur un plan d’action baptisé Kustvisie, destiné à protéger ses côtes de la montée des eaux, qu’elle soit de un ou de trois mètres, pour le siècle à venir. Le point phare du plan consiste à rehausser les plages jusqu’à 100 mètres de la digue. Cela suffira-t-il à protéger le littoral des assauts marins? En France, dans le village de Treffiagat (Finistère), deux maison viennent d’être rasées préventivement parce qu’elles étaient sérieusement menacées d’être submergées. Une première, qui en appelle d’autres, avec ensuite un lot de sept maisons devant être éradiquées. Les démolitions suivantes sont prévues en automne.

La montée des eaux est le symptôme de la dégradation sans précédent des océans. Or ceux-ci sont essentiels pour contenir le réchauffement climatique, puisqu’ils emmagasinent un quart du CO2 émis par l’homme. Mais plus les mers se réchauffent, moins ce système naturel d’absorption fonctionne. Un peu comme un serpent qui se mord la queue. La santé du grand bleu qui recouvre plus de 70% de la surface de la Terre est l’objet, du 9 au 13 juin, de l’UNOC3, la troisième conférence mondiale sur les océans organisée par l’ONU, qui se tient à Nice. Et qui se penche sur tous les fléaux qui menacent ce trésor d’1,3 milliard de kilomètres de cubes d’eau: l’exploitation minière des fonds marins, pour laquelle Donald Trump a signé un décret permissif inédit dans les eaux internationales, la pollution plastique, la surpêche, notamment par chalutage de fonds dans les aires marines protégées.

«Cette absence d’égard n’est plus uniquement un problème éthique regrettable mais un réel obstacle à la fois biologique, pour notre survie en tant qu’espèce, et ontologique, en tant que civilisation», notent la juriste Marine Calmet et l’océanographe François Sarano, ancien conseiller du commandant Cousteau, dans Justice pour l’Etoile de mer, Vers une reconnaissance des droits de l’Océan (Actes Sud éd., qui diffuse des podcasts tout l’été sur le sujet). L’UNOC3 sera-t-il décisif pour empêcher le naufrage? Le président français Emmanuel Macron espère faire de la rencontre de Nice un événement aussi marquant que la COP de Paris en 2015 pour le climat. La ministre belge de la Mer du Nord, Annelies Verlinden (CD&V), y sera présente.

Première étape: faire grimper le nombre de pays ayant ratifié le Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, approuvé en 2023 par l’ONU et qui doit faire respecter l’objectif de protection d’au moins 30% de la surface des océans d’ici 2030. Avant l’ouverture de la conférence onusienne, une trentaine d’Etats seulement  l’avaient signé. Or il faut le double pour que le traité puisse entrer en vigueur. Mais, dès le début du sommet à Nice, 18 nouveaux pays, dont la Belgique, l’ont ratifié, ce qui porte le nombre de signataires à 49. Outre la ratification belge, la ministre Verlinden a annoncé la candidature du pays pour accueillir le secrétariat du traité.

Il y a de l’espoir, mais les gouvernements sont divisés. Notamment sur l’extraction minière des fonds marins riches en métaux. Trump a annoncé qu’un milliard de tonnes de matériaux pourraient être collectées en dix ans, avec 100.000 emplois à la clé. Cette folie du deep sea mining, qui comporte des risques écologiques avec des conséquences en cascade qu’on ne soupçonne pas, occupera une bonne part des discussions niçoises. Jusqu’ici, seuls 33 Etats en appellent au principe de précaution concernant cette nouvelle ruée vers l’or. Par ailleurs, le projet de texte qui doit être négocié par l’UNOC3 ne fait plus référence à un moratoire, tel que revendiqué par 32 pays, mais se contente de faire valoir «l’importance d’une approche de précaution», ce qui est beaucoup plus modeste.

«La planète n’en peut plus des engagements non tenus.»

«Le texte actuel montre une fois de plus clairement que les gouvernements ne prennent pas au sérieux la protection des océans», déplore Megan Randles de Greenpeace International. Pourtant, perturber l’équilibre des océans, abîmer les fonds marins et condamner la biodiversité des mers menace l’avenir de l’humanité. L’enjeu est immense. Plusieurs dizaines de grands groupes industriels, gourmands en métaux pour beaucoup d’entre eux, semblent l’avoir bien compris. Ils ont déclaré être favorables à un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds. Parmi eux: Google, Samsung, BMW ou, plus récemment, Apple. La France, qui accueille le sommet et qui est une des plus grandes puissances de l’AIFM (Autorité internationale des fonds marins), a aussi un rôle crucial à jouer.

Mais le président Macron a habitué l’opinion à de grandes déclarations ou promesses en matière écologique, sans que celles-ci soient suivies d’actes concrets. On se souvient, lors de son premier mandat, de son initiative insolite de réunir 150 citoyens français tirés au sort pour faire partie de la Convention citoyenne pour le climat. Celle-ci avait accouché de belles propositions, qui sont restées lettre morte. A Nice, les ONG ont dénoncé la mise en avant par le gouvernement français de l’entreprise CMA-CGM, troisième compagnie maritime mondiale pour le transport de marchandises. Celle-ci, dirigée Rodolphe Saadé, proche de Macron, est le principal sponsor, à hauteur de deux millions d’euros, de la conférence onusienne. CMA-CGM est certes engagée dans la décarbonation du secteur maritime, mais en misant principalement sur le gaz naturel liquéfié (GNL) dont l’extraction et le transport émettent beaucoup de CO2.

Autant dire que le président et l’exécutif français sont attendus au tournant, à Nice. Un allié précieux des Français sera très probablement le président brésilien Lula, qui était présent au sommet UNOC3 dès l’ouverture, ce dimanche. «La planète n’en peut plus des engagements non tenus», a-t-il d’emblée déclaré. Il est vrai que des zones littorales situées dans les îles pacifiques ou en Asie du sud-est sont bien plus menacées encore par la montée des océans que la France ou la Belgique. Certaines îles basses, comme Tuvalu, sont menacées d’engloutissement totale d’ici 2050, si le niveau des mers augmentait encore de 20 à 40 centimètres.

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