frelons asiatiques
Les frelons asiatiques sont parfois sujets à quelques clichés. © Getty Images

7 idées reçues sur les frelons asiatiques: «Ils posent surtout un problème d’argent»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La prolifération des frelons asiatiques en Belgique apeure la population et les apiculteurs. Pourtant, l’espèce exotique, certes invasive, ne doit pas uniquement être considérée comme de la vermine à éliminer à tout prix. «Nous allons devoir apprendre à vivre avec».

Pattes jaunes, grand format, thorax noir, face orange: voilà le portrait vite brossé des frelons asiatiques, perçus comme des prédateurs de plus en plus envahissants en Belgique. Leurs nids, qui peuvent parfois atteindre la taille d’une balle de basket, sont de plus en plus signalés à proximité des habitations, et peuvent abriter jusqu’à… 13.000 frelons. Mais l’espèce souffre aussi de nombreux clichés. Voici donc sept idées fausses répandues sur ces insectes mal aimés, à tort ou à raison.

1. Frelons asiatiques en prolifération: oui, mais… 

Oui, il est certain que le frelon asiatique va proliférer en Belgique. Oui, il s’agit d’une espèce exotique invasive. «Mais ce n’est pas un problème en soi, rassure Philippe Wegnez, naturaliste et président du cercle des Entomologistes Liégeois. Il pose principalement des problèmes aux apiculteurs.»

Les frelons asiatiques sont surtout nombreux dans la province du Hainaut et dans la région bruxelloise. Ils s’installent plus facilement dans les grandes villes, comme Bruxelles, que dans les petits villages. A cause du plus grand nombre de déchets et de nourriture. Mais surtout parce que le nombre de ruches d’abeilles domestiques y est plus concentré.

2. Frelons asiatiques vs apiculteurs

C’est LE problème principal. Les frelons asiatiques se nourrissent de mouches, de guêpes, mais surtout d’abeilles domestiques, c’est-à-dire celles qui produisent le miel. Pour les apiculteurs donc, le frelon asiatique prend un peu les traits du loup dans la bergerie.

«Les frelons asiatiques sont attirés par les ruches car les abeilles y sont concentrées. Pour eux, il est plus simple de se nourrir de cette façon que d’aller faire la chasse aux mouches», décrit Philippe Wegnez.

Ces insectes ne mangent pas toute l’abeille, ils se contentent du thorax. C’est avec celui-ci qu’ils apportent des protéines à leurs larves. «Quand le frelon attrape une abeille, il se pose quelques mètres plus loin, la décapite, coupe l’abdomen, enlève les ailes, et repart avec le thorax. Ils appliquent le même procédé avec les guêpes, en ciblant les nids», explique l’entomologiste. A cet égard, les frelons asiatiques ont un rôle utile: ils pourraient à terme réduire le travail des pompiers et des désinsectiseurs… mais aussi l’utilisation d’insecticides dans et à l’extérieur des habitations.  

3. Qui va payer?

En Wallonie et à Bruxelles, les frelons asiatiques crispent les débats autour d’une question: qui va payer? L’apiculteur est le principal concerné, mais ne veut pas prendre en charge les dégâts occasionnés. «Pour ne pas payer, l’apiculteur essaie de faire passer le frelon asiatique comme dangereux pour l’environnement et la santé humaine. C’est absolument faux. Il est dangereux pour leur production», rectifie Philippe Wegnez.

En revanche, selon l’entomologiste, le nombre d’abeilles domestiques est, lui, beaucoup trop élevé. «On a tendance à penser qu’elles représentent la biodiversité. C’est faux. Ce sont surtout les abeilles indigènes (sauvages), qu’il faut protéger. Et la survie de ces dernières n’est pas liée à l’apiculture.»

Idéalement, il ne faudrait compter qu’une à trois ruches d’abeilles domestiques par kilomètre carré pour qu’elles ne soient pas nuisibles. A Paris, on compte jusqu’à quinze ruches au kilomètre carré. «Si elles sont trop nombreuses sur un secteur, les abeilles domestiques sont néfastes pour l’environnement», assure l’entomologiste.   

Il est cependant possible, pour les apiculteurs, de mettre en place des mesures pour limiter l’impact du frelon asiatique. «Comme disperser les ruches. Mais ils refusent, car cela leur fait perdre de l’argent. Or, pour les frelons asiatiques, il est plus aisé de repérer un amas de dix ruches qu’une seule.»

Les frelons asiatiques peuvent également nuire à la culture de fruits. Le raisin, de plus en plus présent en Wallonie, est particulièrement visé. «Le frelon asiatique, ce n’est qu’un problème financier», avance Philippe Wegnez.  

4. Les frelons asiatiques sont agressifs

Les frelons asiatiques ne sont pas agressifs par nature, assure l’entomologiste. Ce qui ne veut pas dire que des accidents ne peuvent pas se produire. «Tout comme c’est le cas avec les abeilles ou les guêpes. Mais le frelon asiatique ne viendra pas vous embêter lorsque vous mangez votre tartine, ironise le spécialiste. Si vous repérez un nid éloigné, cela ne sert à rien de vous tracasser. On joue beaucoup trop sur la peur par rapport à cet insecte.»

5. Les frelons asiatiques ne représentent aucun bénéfice pour l’environnement

C’est faux. Selon l’entomologiste, le frelon asiatique est diabolisé, surtout par les apiculteurs «pour que la Région wallonne paie et détruise les nids, et que l’intervention ne soit pas à leur charge.»

Or, espérer une éradication pure et dure du frelon est utopique. «Les Français essaient de le supprimer depuis 20 ans, mais ils n’y parviennent pas. Il continue même à s’étendre. Ce sera pareil en Belgique.»

Ainsi, mettre en place des pièges pour capturer quelques reines de frelons n’a pas non plus beaucoup de sens. «Lorsqu’un nid devient visible dans un arbre, parce que celui-ci perd ses feuilles, il ne sert plus à rien d’aller le détruire. C’est trop tard. D’autant plus que les reines qui pourraient encore s’y trouver ne passeront pas l’hiver, car elles ne sont pas fécondées, et n’ont pas assez de réserves.» Dès lors, «multiplier les pièges alors qu’une bonne partie des reines meurent toutes seules est inutile. Pour obtenir un effet, il faudrait placer des pièges tous les kilomètres carrés dans toute la Belgique et l’Europe. C’est purement irréaliste.»

Philippe Wegnez estime par ailleurs que «le frelon asiatique ne va pas spécialement devenir dominant, la nature s’adaptera à lui. Il est trop considéré comme de la vermine. Or, poursuit-il, il mange énormément de mouches ou de chenilles, et est donc aussi bénéfique pour maintenir un certain équilibre chez les insectes.»

6. Une piqûre de frelon asiatique est plus douloureuse qu’une piqûre de guêpe

Faux. La piqûre de frelon asiatique n’est pas automatiquement plus douloureuse que celle de la guêpe. Si son dard peut aller plus en profondeur, la douleur varie fortement en fonction des personnes, et selon le fait qu’on soit allergique ou non. L’allergie ne signifie pas non plus davantage de douleur, mais bien le risque de faire un choc anaphylactique. «La différence est qu’une abeille ne peut piquer qu’une seule fois (en raison d’un aiguillon dentelé qui ne peut plus ressortir de la peau après la piqûre), alors que le frelon asiatique est capable de piquer plusieurs fois, tout comme la guêpe», distingue Philippe Wegnez. Le frelon asiatique, plus grand qu’une guêpe, «peut également injecter davantage de venin.»

Existe-t-il des remèdes pour se protéger d’une attaque, si ce n’est se couvrir ou rentrer chez soi? «Pas vraiment. Comment éviter des accidents avec des insectes qui circulent librement dans la nature? Le frelon reste un bon prétexte à sensations. Si on attaque le nid ou qu’il tombe, alors oui, les frelons peuvent répliquer

7. Les autres frelons ne viennent pas d’Asie

Le frelon «classique» d’Europe, en réalité, vient également du nord de l’Asie. «Tous les frelons sont d’origine asiatique. La différence est que le frelon d’Europe est arrivé tout seul, naturellement. Alors que le frelon asiatique, à pattes jaunes, a été introduit accidentellement, à cause du commerce mondial qui a provoqué son déplacement.»

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